[DIAPHONIE] [DIAPHONIE] Nous commençons donc maintenant avec la première partie qui est consacrée à la communication interculturelle et ses trois éléments clés que sont l'interprétation, l'imagination et l'émotion. Et pour démarrer notre travail, je vous présente une citation d'Aldous Huxley. Il a dit : l'expérience, ce n'est pas ce qui arrive à quelqu'un, c'est ce que quelqu'un fait avec ce qui lui arrive. C'est une vérité fondamentale pour toute l'expérience humaine, c'est-à -dire il y a toujours quelqu'un qui construit ce qu'il vit, il n'est pas victime pure de tout ce qu'il vit, mais il est co-constructeur de sa vie et donc il interprète, il imagine et il ressent des choses et nous voulons maintenant regarder de près de quoi il s'agit. Le premier principe pour l'interprétation est le suivant. Il n'y a aucune interprétation sans contextualisation, autrement dit, toute interaction humaine doit être contextualisée dans l'espace et dans le temps pour être comprise. Prenons un exemple très simple, une phrase très, très simple, un échange banal entre guillemets. Qu'est-ce qui est dit et compris dans un échange comme celui-ci qui est décontextualisé? Pierre demande à Marie : veux-tu dîner avec moi? Marie répond : j'ai déjà mangé. Imaginons simplement deux situations. Pierre et Marie ne se connaissent pas. Pierre rencontre Marie pour la première fois, il a envie de dîner avec elle, il propose de le faire et elle répond : non, j'ai déjà mangé. Il n'y a pas plus d'informations, elle ne va pas aller manger avec Pierre. Deuxième situation, deuxième contexte. Pierre et Marie se connaissent depuis très longtemps et leur couple est un peu difficile à vivre. Pierre demande à Marie : veux-tu dîner avec moi? Sous-entendu, encore une fois. Parce qu'il y a question de séparation et Marie répond : non, j'ai déjà mangé, en voulant dire qu'elle connaît bien Pierre, elle a déjà fait l'expérience avec Pierre et elle ne souhaite plus manger avec lui, donc vivre avec lui. Un petit exemple comme cela montre que nous ne savons pas grand-chose quand nous lisons simplement ces deux phrases par rapport à la réalité de Pierre et de Marie et c'est connu depuis très longtemps, depuis la philosophie grecque jusqu'à l'anthropologie moderne, le langage est toujours considéré comme une énergie, energeia et pas seulement comme un ergon, c'est-à -dire un outil. Quand nous parlons et écoutons, nous sommes toujours en train d'interpréter ce que dit l'autre, ce qui est implicite et qui doit être explicité pour être sûr qu'on s'est bien compris. Donc, nous parlons et écoutons, nous interprétons, et ainsi dans un cercle de communication, nous créons et nous nous créons au même moment, c'est-à -dire la relation entre deux ou plusieurs personnes évolue dans le temps selon nos expériences et nos identités. Et c'est ce que dit Francisco Verela, neurophénoménologiste très connu, qui a dit : le réseau continu de nos gestes conversationnels constitue non pas un outil de communication, mais la véritable trame sur laquelle se dessine notre identité. Encore une fois, en parlant, en écoutant l'autre, on interprète selon nos propres points forts, notre identité, nos priorités existentielles et nous créons ainsi la relation avec l'autre, mais on se crée aussi soi-même toujours à travers ces échanges, qui sont une trame identitaire. Conclusion. Le sens d'une interaction n'est pas préexistant pour les acteurs qui sont concernés par cette interaction. Il émerge à travers leurs paroles polysémiques et leurs interprétations respectives. Le sens est toujours une co-construction, le résultat d'une action coordonnée. [AUDIO_VIDE] Deuxième principe, aucune interprétation sans imagination. Ce que nous voyons ne représente pas un monde objectif qui est immuable et pareil pour tous, mais il est le produit de notre imagination. Prenons par exemple un champ de fleurs d'été. Imaginez s'il vous plaît un champ de fleurs d'été. Il pourrait ressembler à cette photo, cette image qui est la totalité de ce qu'on pourrait imaginer, des animaux, des nuages, les fleurs etc. Mais un enfant crée un monde aussi comme un artiste, comme nous tous grâce à notre imagination. Lui, il voit peut-être cette image quand il pense à un champ de fleurs d'été. L'adolescent s'imagine l'état du monde maltraité par une humanité aveuglée. C'est l'adolescent qui crée l'image du monde. Autre exemple. Ce que peut dire le mot arbre selon le contexte dans lequel il se situe. Il faut savoir qu'il y a une différence entre le signifiant, le mot arbre et le signifié, cet arbre-là . Et cette différence existe pour chaque être humain qui est un corps-esprit et qui est situé dans cette situation tout à fait particulière. Il vit, il parle, il agit, il ressent des choses dans une situation donnée. Il donne donc à l'arbre en question une signification toujours particulière. Prenons toujours le mot arbre, le signifiant et le signifié peut se situer dans ce qui concerne la proportion, la taille, la durée, l'âge, l'homme tout petit à côté d'un arbre énorme qui est bien plus âgé que lui et plus grand. Si on situe l'arbre dans un contexte de l'habitat, nature, culture sont en question et le lien justement entre les deux. On peut aussi situer le mot arbre dans le domaine de l'économie. On pensera au travail, à la production, à la répartition de la richesse. Et enfin, on peut le situer dans un cadre de prise en compte de perspective, de l'espace, de la limite, mais aussi de l'infini et de l'au-delà . Donc, le mot arbre peut signifier et mener vers une signification de ces multiples réalités très différentes. Il faut donc toujours dans un contexte donné vérifier que veut dire arbre pour la personne avec qui nous parlons. Et le philosophe français Merleau-Ponty a résumé cette réalité avec une très simple phrase. L'imagination réside dans la perception. Nous ne pouvons pas percevoir sans rajouter un élément imaginé de notre part. Troisième principe. Aucune interprétation sans émotion. Restons dans le domaine des arbres. Il y a toujours une ambiance, une atmosphère qui règne là où nous sommes. Prenons simplement l'atmosphère dans la forêt. C'est tout à fait différent d'y être le matin, le soleil se lève et j'ai devant moi une journée de randonnée magnifique ou le soir, le soleil se couche et j'ai peur de me perdre dans la forêt noire, ne sachant pas comment trouver le chemin vers ma maison. donc deux ambiances tout à fait différentes. Pourtant, c'est le même contexte et la même forêt. Les émotions sont donc très importantes, elles sont d'une importance cruciale pour la dynamique interculturelle. Nous exprimons à travers ces masques différentes émotions et dans chaque communication, les émotions sont présentes, parfois plus visibles parfois moins visibles. Mais la colère, la joie peut apparaître, et apparaît souvent dans les échanges interculturels. Juste pour illustrer cette réalité de la diversité des émotions, je vous présente la roue des émotions. Les émotions sont inévitablement présentes dans chaque interaction humaine au point, comme je disais tout à l'heure, de créer une atmosphère spécifique pour chaque situation. On peut essayer d'ignorer les émotions, mais on ne peut pas les exclure ou abolir à volonté et Robert Plutchik a présenté le grand nombre des émotions possibles dans cette roue en couleurs où il montre la richesse de la diversité de nos émotions, qui vont de la crainte à l'agressivité, à la joie etc. Ce qui compte aujourd'hui ici, ce n'est pas de les énumérer toutes, mais simplement d'avoir pris conscience que les émotions sont toujours là et il faut faire avec, il faut les gérer, il faut vivre avec. J'arrive donc à un premier résumé. Les trois principes fondamentaux à prendre en compte pour l'approche herméneutique de la communication interculturelle sont les suivants. Aucune interprétation sans contextualisation, aucune interprétation sans imagination, et aucune interprétation sans émotion. [AUDIO_VIDE]