[BRUIT] Nous passons maintenant à la deuxième partie qui sera consacrée à l'intelligence interculturelle, qui est surtout développée par Michel Sauquet avec son collègue Martin Vielajus dans ses deux livres que nous présenterons. D'abord, il faut savoir ce que c'est l'intelligence déjà , pour parler de l'intelligence interculturelle. L'étymologie de ce mot montre qu'il est emprunté au latin intellegentia, lui-même dérivé du latin intellego, qui vient de discerner, démêler, comprendre, remarquer, et dont le préfixe inter-, qui est aussi dans interculturel, veut dire entre, parmi, et le radical lego, ramasser, recueillir, choisir, donnent le sens étymologique : choisir entre, ramasser parmi, un ensemble. Une définition très claire qu'on trouve sur Wikipédia et qui nous rappelle nos jeux de Lego, bien sûr, quand on était jeunes. La définition la plus simple, suffisante pour nous ici, est : l'intelligence est la qualité de quelqu'un qui manifeste, dans un domaine donné, un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître, et qui adapte facilement son comportement à ses finalités. On peut trouver des synonymes autour de la lumière, comme clairvoyance, lucidité, mais aussi la sagesse dans sagacité, dans perspicacité, la capacité de regarder à travers, et l'ingéniosité, qui veut dire la capacité d'inventer, d'imaginer, des solutions, et le discernement veut dire : voilà , on est capable de faire la part des choses, de ranger dans différentes catégories les évènements que nous vivons. [AUDIO_VIDE] Qu'est-ce c'est l'intelligence? On peut aussi commencer parce ce que l'intelligence n'est pas. Jean Piaget donne une très belle phrase, qui dit : l'intelligence, ça n'est pas ce que l'on sait, mais ce que l'on fait quand on ne sait pas. Il semble que c'est très, très important pour tout échange interculturel. L'intelligence n'est donc pas que l'ensemble de nos connaissances, mais ce que nous en faisons et surtout comment nous agissons quand on ne sait pas que faire. Je me réfère ensuite aux travaux de notre collègue Werner Müller-Pelzer, qui a inspiré ces catégories des trois intelligences. Je parlerai de la capacité d'analyser, la capacité de ressentir, mais aussi, évidemment, la capacité d'interpréter ce dont on a déjà parlé au début de notre travail de cette semaine. Si on regarde les trois ensemble, la capacité d'interpréter et l'intelligence herméneutique, l'interprétation de l'humain, des actions humaines. L'intelligence analytique est un raisonnement logique et déductif, et l'intelligence corporelle, c'est la résonnance émotionnelle entre nous et le monde qui nous entoure. Ces trois intelligences sont absolument indispensables pour agir intelligemment dans un contexte interculturel. Regardons de près de quoi il s'agit quand on parle de ces trois types d'intelligence. Il y a l'intelligence herméneutique, on l'avait dit : le but est de nous comprendre dans nos existences situées. Cette intelligence cherche la compréhension des situations en prenant en compte leur complexité. Elle reconnaît la subjectivité de l'expérience humaine et de sa singularité. Elle s'efforce à faire parler les situations et à chercher prudemment un sens qui clignote, en quelque sorte, et qui a toujours tendance à s'éclipser. Cette intelligence accepte et approuve même l'historicité des évènements, ça veut dire que tout ce que nous vivons est non reproductible, on ne peut pas refaire les mêmes choses à volonté dans les échanges humains, donc chaque expérience humaine garde un caractère unique. Hannah Arendt disait avec raison ceci : c'est en parlant et en agissant que les êtres humains comprennent qu'ils ne sont pas seulement différents mais qu'ils font en plus l'expérience de leurs singularités réciproques. Le deuxième type d'intelligence, c'est l'intelligence analytique. Son but, c'est agir et intervenir efficacement selon des lois objectives. Cette intelligence analytique cherche l'explication des phénomènes par ce qui est valable pour tous, mais elle met au centre de la communication l'effet objectif et vérifiable, les lois générales, les objets standardisés, des savoirs irréfutables permettant à pronostiquer l'avenir. Elle déconstruit les situations sociales ou naturelles pour garder seulement ce qui l'intéresse selon l'objectif qu'elle poursuit. Goethe nous a avertis : attention, les théories sont généralement des conclusions trop hâtives d'un esprit impatient. La troisième intelligence est l'intelligence corporelle. Son but est de prendre en compte que nous sommes avant tout un être affectif, avec un corps qui ressent les choses. L'intelligence corporelle utilise la résonnance affective et elle valorise l'ensemble préréflexif du vécu corporel : les ressentis, les intuitions, les émotions. Elle attribue aux atmosphères et sensations du bien être ou du mal être un statut primordial d'indicateur de sens. Le corps a toujours ses maux à dire. Elle prend aussi au sérieux le fait d'être affectés par ce qui nous arrive et nos réactions corporelles qui en découlent. Elle considère le pathos corporel et les émotions comme une source essentielle du moi de chacun de nous. Montaigne disait : l'observateur sceptique a le sens éveillé pour chaque cas particulier et refuse de le laisser se fondre et disparaître dans le général. Nos émotions sont uniques et vécues dans des situations bien précises. Hermès me rappelle sa propre triade. On avait dit : il est le dieu qui parle de la triade de la pensée, de la parole et de l'action, qu'on peut différencier en cinq étapes et en profitant des trois types d'intelligence. La triade en cinq étapes résume l'essentiel de notre communication : nous écoutons et parlons, en écoutant et parlant nous interprétons et imaginons un sens, nous comprenons quelque chose, peut-être provisoirement, peut-être définitivement, mais en tous cas nous comprenons quelque chose, et nous essayons de composer avec les autres pour nous coordonner ; et la dernière étape, c'est même la coordination de la coordination : nous coordonnons la façon avec laquelle nous allons coopérer ; ça, c'est spécifiquement humain, qui n'existe pas pour les autres organismes vivants de la nature, et nous recommençons à écouter et à parler. Dans ce processus, dans cette triade de Hermès, se situe bien sûr cette intelligence herméneutique, qui est partout, mais nous utilisons aussi l'intelligence analytique, nos connaissances des lois de la nature et des comportements humains, et puis nous profitons de notre intelligence corporelle parce que nous valorisons tout ce que nous ressentons et que nous vivons en tant qu'êtres émotionnels. Passons maintenant au deux livres de Michel Sauquet qu'il a coécrits avec son collègue Martin Vielajus. L'un porte le titre L'intelligence interculturelle, et l'autre le titre Le culturoscope, qui est une forme de condensé du livre L'intelligence interculturelle. Le livre Le culturoscope de Michel Sauquet et Martin Vielajus représente en quelque sorte une loupe de lecture du monde à travers quatre grands domaines, 15 thèmes clés et 70 questions. Ces quatre domaines existent dans toutes les cultures dans le monde ; partout, il existe des visions du monde. Le premier domaine, qui concerne notre rapport au temps, à l'espace, à la nature, à la religion, à la santé, au corps et à la mort. Le deuxième domaine, l'identité et les statuts, concerne les rapports entre l'individuel et le collectif, concerne la différence, les statuts sociaux, et aussi le masculin et le féminin. Le troisième domaine, les cultures professionnelles, parle de notre rapport au travail, au conflit, à l'argent, à l'autorité, aux normes et aux savoirs. Le dernier domaine, langue et communication, concerne justement les langues et le rôle que joue la traduction, la communication et les relations interpersonnelles. À travers ces thématiques, les auteurs posent des questions pour mieux comprendre ce qui se passe dans ces situations données. Je vous invite maintenant à écouter Michel Sauquet, l'auteur du Culturoscope, et à découvrir, à travers cette interview avec Céline du Chéné, sa façon de présenter l'enjeu de l'intelligence interculturelle. [AUDIO_VIDE]