[DIAPHONIE] Bonjour. Nous nous sommes vus précédemment pour aborder l'interculturel en faisant ressortir la complexité de cette approche, en abordant des notions telles qu'altérité, pluralité, l'entre-deux et ce qui ressort de ces trois moments déjà passés ensemble, c'est que l'interculturel ne peut que provoquer des questionnements. On ne peut faire de l'interculturel sans se questionner, se questionner en se pensant soi, en se pensant soi face à l'autre, avec l'autre, tout en pensant l'autre comme alter ego, toujours ce double mouvement, moi et l'autre, l'autre et moi, se constituant. Interculturel? On l'a vu, c'est aussi un temps dans l'entre-deux. Entre-deux qui peut être difficile, mais qui est source de surprise, d'émerveillement aussi parfois. Alors, pour faciliter cet apprentissage interculturel, dans ce moment 4, nous allons aborder quelques outils d'apprentissage. [SON] Des outils méthodologiques mais attention, il s'agit bien d'une méthode mais pas de procédure. [RIRE] La procédure, c'est une liste, c'est ça au moment 1, ça au moment 2, ci au moment 3, non. L'interculturel, étant donné l'imprévisibilité des interactions, ne peut pas plonger dans la procédure, donc ce que nous allons vous proposer dans ce moment 4, ça va être donc être des aides bien sûr. Mais nous exclurons tout guide. Nous exclurons un guide figé, on va dire, pour éviter l'écueil de la catégorisation qui peut être dangereux, comme nous l'avons vu tout au long des moments 1, 2 et 3. Premier outil intéressant s'agissant de l'interculturalité, ça va être cette notion de décentration, déjà évoquée rapidement auparavant afin de développer des compétences interculturelles. Pour développer ces compétences interculturelles, c'est la décentration qui va être visée. Nous nous appuierons sur la citation de Louis Porcher pour lequel la décentration est bien cette capacité de se mettre à la place de l'autre. Très important, sortir de soi, mais sans pour autant abandonner sa propre position. Et c'est là toute la difficulté de la décentration, un équilibre à trouver entre sortie et entrée finalement. La reconnaissance de tout alter comme un alter ego et réciproquement de tout ego comme un alter. Donc, à partir de là , comment travailler la décentration? Comme on a vu, décentration, on a dit c'est se mettre à la place de l'autre, alors pourquoi ne pas employer le terme empathie allez-vous nous dire. Oui, l'empathie, on essaie de se mettre à la place de l'autre, mais souvenez-vous, dans la citation de Louis Porcher sur la décentration, sans abandonner sa propre position, l'empathie, c'est peut-être là un point distinctif entre décentration et empathie. L'empathie va insister sur la sortie, la décentration, sur le double mouvement. Tout ceci, comme on a pu le voir déjà à travers l'entre-deux, n'est pas sans émotion, sans sentiment. En fait, l'interculturalité ne peut être que pure raison, ne peut être que pure rationalité. Les émotions, les sentiments sont là , on touche l'humain. On est dans les sentiments. Des sentiments qui peuvent être, comme on l'a vu, joyeux, ou douloureux. Alison reviendra sur ces points. Parce que je parlais de sentiments, d'émotions, écoutez l'extrait de la couleur du henné dans votre bibliographie sonore, où l'on voit la jeune Kenza, Tunisienne arrivant en France. Une grande chercheure dans le médical arrivant en France. Et on lit des choses comme Kenza est déroutée par Claire, mais elle devine aussi l'étonnement qu'elle suscite. Donc, on a un mouvement de décentration qui passe par l'étonnement. Bien sûr, vous voyez, elle se met à la place de Claire en ce sens-là , elle comprend qu'elle est tout aussi surprenante pour Claire que Claire lui est surprenante. Et tout ce chapitre, tout l'ouvrage, la couleur du henné, vous verrez, plonge dans les émotions, les sentiments. Claire, Kenza est parfois décontenancée. Kenza est triste parfois et Kenza, vous allez voir, je vous conseille de vous plonger, d'écouter ce bel extrait sonore. >> Hello. Un des outils qui peut être utile, ce sont les cinq savoirs qui ont été conçus par Byram et Zarate pendant les années 90, 1990, en commençant par 94. Donc Byram de l'université de Durham et Zarate de l'École normale supérieure en France. Donc une équipe franco-britannique. Donc des savoirs d'abord, ce sont des connaissances, donc la culture en général et des cultures spécifiques sachant que bien sûr, on ne peut pas tout savoir sur les cultures, même la sienne. Dans les us et coutumes, des traditions, des produits, ce qui a été produit dans une culture, par exemple l'art, l'architecture. Les pratiques, la nourriture, les repas. le quotidien, les symboles. On a déjà évoqué des symboles dans les autres moments. On a parlé de la tour Eiffel pour la France. On a parlé de la rose qui peut représenter des choses différentes selon le pays. Ça peut être si vous vous souvenez bien un parti politique ou ça peut être un pays. Pour beaucoup, ça peut être un symbole d'amour et ce qui est plus difficile, donc en dessous de l'iceberg, les valeurs. Bien sûr, comme j'ai dit, on ne peut pas tout savoir, mais on peut avoir envie de comprendre et savoir des choses sur les cultures. Donc une espèce de curiosité. Peut-être un des éléments le plus important, c'est de savoir être. Donc, ce qu'a déjà évoqué Cathy dans l'idée de décentration, donc c'est expliqué comme étant la capacité de se voir par les yeux de quelqu'un d'une autre culture, de mettre en question ce que l'apprenant avait toujours pris comme allant de soi. Vous vous rappelez de Bourdieu? Ce qui est normal et d'accepter la validité des attitudes et des valeurs de cultures différentes. Donc, on dit bien accepter la validité sans arrêter ses propres pensées, donc on n'est pas obligé de tout prendre en compte, mais on accepte que c'est valide tout de même. Savoir-comprendre. C'est une capacité d'interprétation et relativisation des concepts, donc des documents, des événements, des articles de journaux. Donc à partir de sa propre culture. Ses propres idées et une culture différente ou des cultures différentes et de les relier à sa propre identité, identité sociale, donc nous comme vous savez, parlons de ses propres identités sociales. Savoir-apprendre et savoir-faire, donc on les met ensemble. Donc capacité de découvrir les choses et interagir, donc comment interagir avec l'autre. Capacité d'interpréter des concepts, donc on va un peu plus loin dans l'idée de documents et événements, par exemple, on peut essayer de voir un événement d'un point de vue britannique ou d'un point de vue de quelqu'un d'une autre culture. Et après comparer avec ce qu'on voit dans une culture, une troisième ou quatrième culture. Et relier encore à sa propre identité sociale. Ce qui peut être le plus complexe, ils appellent le savoir-s'engager, donc une capacité d'analyse critique pas donnée à tout le monde. Donc pouvoir prendre du recul, sortir ses propres perspectives, les choses qui sont acquises et agir donc de façon différente sur la base de nouvelles perspectives, donc changer un peu sa perspective. Essayer, comme on a déjà dit, de marcher dans les chaussures de l'autre, voir dans les yeux de l'autre. Pour synthétiser, ce que nous souhaitons partager sans pour autant être naïfs, c'est donc l'idée de garder son ou ses identités singulières tout en allant vers l'autre et vers l'autre en soi, avec bienveillance et empathie. Mais en même temps, négocier un third place personnel sans se perdre de vue, tel que c'est évoqué par [INAUDIBLE] et aussi par Louis Porcher que Cathy a cité tout à l'heure. Une mise en commun des points de vue aussi pour trouver des solutions communes ou l'intégrité telle que c'est explicité [INAUDIBLE]. Ceci peut être mis en œuvre par les savoirs donc on revient au savoir-être, capacité affective, abandonner ces perceptions et attitudes ethnocentriques. Et on va aussi revenir sur l'idée d'ethnocentrisme tout à l'heure. Et ce n'est pas seulement une capacité affective, mais une capacité cognitive, donc, à établir une relation entre sa culture native et les cultures étrangères. Et comme on a dit tout à l'heure aussi savoir-s'engager, sortir de ses propres perspectives, ce qui était vu comme normal. Je vais vous donner un exemple. L'écrivain Alphonse Allais au XIXe siècle a écrit avec ironie : Je ne comprends pas les Anglais. Tandis qu'en France nous donnons à nos rues des noms de victoire, Wagram, Austerlitz ; là -bas, on leur colle des noms de défaites, Trafalgar square, Waterloo Place. Évidemment, avec ironie, bien sûr ce sont des victoires pour les Anglais. L'armada franco-espagnole, ce sont les Anglais qui ont gagné, je suis désolée, et contre Napoléon également. Napoléon, un grand homme pour les Francais, mais un prisonnier malheureux à Saint-Hélène pour les Anglais. Pour l'idée de savoir s'engager, comme j'ai dit, un peu plus sophistiquée, on peut reconnaître, moi en tant que Britannique, je peux reconnaître aussi que Napoléon fut un grand homme tout de même, et surtout qu'on l'a battu. Et Napoléon a réussi des exploits. Ou bien en tant qu'individu singulier, je peux même mettre en cause le culte des héros de guerre, quels qu'ils soient. L'objectif de ce MOOC, Communiquer et interagir avec l'autre avec bienveillance, mais n'oublions pas, comme a dit Cathy, que les émotions ou sentiments peuvent être négatifs ou positifs, et les capacités aussi peuvent être également utilisées pour manipuler. Bien sûr, ce n'est pas cela que nous voulons vous apprendre. >> Les savoirs. Comme l'a dit Alison, les savoirs sont multiples. Approcher les cultures à travers les savoirs nécessite, rappelons-le, de multiplier les perspectives, les points de vue, pour découvrir ces mondes des cultures. On a vu précédemment, par exemple, Hofstede, qui nous présentait des dimensions culturelles, souvenez-vous avec le féminin et le masculin, par exemple, une approche issue d'un psychologue, conçue par un psychologue. On peut extraire nos savoirs, bien sûr, d'anthropologues, des approches anthropologiques très intéressantes, également des sociologues, des historiens. Je pourrais vous citer un nom pour chacun d'entre eux, peut-être. Ce serait mieux. Historien, je pense à Histoire des passions françaises de Zeldine, très, très riche sur ce monde du XIXe siècle français. Grâce à ces œuvres-là , grâce à ces travaux de Zeldine, on comprend, par exemple, combien au XIXe siècle il était difficile pour la population française d'échapper à la notion de culpabilité catholique etc., des ouvrages très riches. Et bien évidemment, nos expériences nous permettent d'acquérir des savoirs. En Allemagne, j'ignorais, par exemple, qu'il n'était pas poli d'offrir un bouquet de fleurs avec son emballage. Erreur pardonnable, bien sûr, mais pour vous montrer que, bien évidemment, nos expériences nous permettent d'acquérir des savoirs diversifiés sur les cultures. C'est en allant, par exemple, en Chine que j'ai découvert qu'on pouvait manger de la chèvre, une excellente façon de cuire la chèvre, etc. On multiplie les expériences et les savoirs. Savoir, savoir-être aussi. On a vu, comme l'a rappelé Alison, une compétence qui est un peu plus complexe. Un petit outil pour vous aider à aller vers ce savoir-être pourrait être ce questionnement : Où je me situe? Où suis-je par rapport à l'altérité? Comment je pense l'autre dans ma relation à moi? Comment je me pense dans la relation à l'autre? Ces questions de comment, où en-suis-je par rapport aux autres peuvent vous aider à avancer dans ce savoir-être. On le voit déjà , l'intercultarité oblige à prendre du temps dans la bienveillance, tel que l'a évoqué Alison. Cela demande du temps. >> Un outil pratique pour comprendre et essayer d'analyser cet élan vers l'autre, la compréhension de l'autre c'est l'échelle de Bennett, du psychologue américain Bennett, un des précurseurs de l'École américaine de psychologie interculturelle. Cette échelle peut se situer dans le temps mais on peut aussi revenir en arrière, malheureusement, ou peut-être heureusement, ça dépend. On commence avec ce que Bennett appelle le stade ethnocentrique, c'est-à -dire que je ne pense qu'à ma culture, à ma pomme, comme on peut dire. Et on va vers les stades ethnorelativistes, mais même après beaucoup d'années, on peut aussi retourner quelques fois aux stades ethnocentriques. Je vous mets en garde. Cette échelle commence avec le déni, c'est-à -dire que les différences culturelles n'existent pas ; nous sommes tous pareils. Je renie toute différence. Après, défense, c'est-à -dire que je défends mon point de vue, et mon point de vue est meilleur que l'autre. Après, on va aussi vers la minimisation. On reconnaît qu'il y a quelques différences mais on les minimise, on dit que ce n'est pas important. Nous sommes tous humains, nous faisons partie de la grande famille des êtres humains, donc les différences, ce n'est pas grave. Ensuite, on va vers les stades qu'il appelle ethno relativistes. On accepte qu'il y a des différences, on accepte qu'on peut être différents et on s'adapte en utilisant le savoir-faire etc., qu'on a évoqué tout à l'heure, de Byram et Zarate. Le stade final c'est l'intégration. On intègre. Cette idée-là c'est intégrer le point de vue de l'autre en gardant aussi notre point de vue. On revient encore une fois à l'idée de s'engager, à l'idée aussi de ne pas complètement oublier ses propres identités mais intégrer la possibilité d'être autre soi-même et d'intégrer les idées de l'autre également. Et comme j'ai dit, on peut revenir là -dessus. Par exemple, on peut avoir un choc qui nous dit : Finalement, ça, je n'accepte pas. Le déni, je ne pense pas. Une fois qu'on a passé ce stade-là , le déni, je ne sais pas ce que pensent les autres, mais non. Mais peut-être défense, des fois on est obligé de défendre, ou on se sent obligé de défendre sa culture d'origine. >> Comme l'a évoqué Alison, dans l'intégration il s'agit de savoir s'engager. Cela évoque aussi tout à fait la décentration, qui est ce mouvement final où l'on s'ajoute des éléments de l'autre sans se perdre soi-même. Je rappelle que c'est là ce qui est important dans le savoir comprendre, savoir s'engager et l'intégration. On va ajouter d'autres outils. On est toujours dans la diversité, dans la variété, dans la pluralité avec l'interculturel. On va aller maintenant vers un outil proposé par Oberg. Puis après, nous parlerons de Trompenaars, enfin Hall et des malentendus. La courbe d'acculturation d'Oberg, élaborée en 1954, est très intéressante car elle nous pose, elle étudie nos réactions, notre chemin dans nos mobilités. Que se passe-t-il lorsque l'on part, lorsque l'on s'installe ailleurs? Comme on le voit, en général, on commence avec une belle positivité. La la, que c'est beau Paris, la Tour Eiffel! C'est tout à fait ce que nous évoque Tatsiana dans son interview. On aime tout au début, on est plein de curiosité, de bienveillance. On est heureux de découvrir tous ces éléments. Mais peu à peu, ou alors brutalement, bien évidemment, l'échelle est temporelle est variée ; cela peut prendre un mois, comme cela peut prendre deux mois, comme cela peut prendre six mois. À chacun son échelle temporelle. Et on passe ensuite par un choc, un dégoût. Tout nous manque. Le pays nous manque, notre famille nous manque, nos habitudes ancrées en nous, nos communs culturels partagés avec nos familles, nos amis nous manquent. Et là , par exemple lorsqu'on vient en France, cette période est souvent accentuée par l'hiver qui arrive, les jours qui raccourcissent. Et là , rien ne va. Tout devient négatif autour de soi. Puis, peu à peu, ou alors c'est en général peu à peu, un équilibre se trouve : il y a du bon et il y a du mauvais. Une stabilité s'instaure. Évidemment, de même que pour l'échelle de Bennett, la courbe d'Oberg est à plusieurs mouvements. Je peux atteindre une stabilité et rechuter dans mon choc culturel comme repartir dans du positif. Nous sommes dans l'humain avec toujours ce côté imprévisible. On va retrouver des éléments qui illustrent cette courbe dans les interviews que vous pouvez retrouver, évidemment, dans le MOOC. Si vous réécoutez l'interview de Régis, vous voyez qu'il dit : En arrivant en France, il était heureux. C'était un rêve d'enfant qui se réalisait. Régis nage en plein bonheur les premiers moments de son arrivée en France. Quelques temps après, quelque chose devient difficile, douloureux, a-t-il pensé. Je me retrouvais tout seul. Étudiant à l'IMT Atlantique, il allait à la cafétéria, et personne ne le rejoignait. Il se retrouvait tout seul à boire son café. Comme il le dit lui-même : Au pays, ce serait impensable. Les moments de café sont des moments de partage. Tous les amis arrivent, vous rejoignent. Vous ne restez jamais tout seul à boire votre café. Et on voit après stabilité, je me suis habitué. Les propos de Régis étaient tout à fait la courbe d'Oberg. On peut retrouver également Tatsiana, pareil, évoquant son arrivée en France. Oui, les monuments, c'était magnifique, magnifique, magnifique. Et très rapidement, puisque jeune fille au-pair, un métier assez difficile, la réalité était difficile. Enfermée finalement dans son travail de jeune fille au-pair, elle ne connaissait personne. On retrouve d'ailleurs dans les deux interviews, la grande difficulté dans les mobilités c'est certainement ne pas s'enfermer dans une solitude. Aller connaître des gens, ce n'est pas toujours facile. Peu à peu, on trouve des méthodes, des stratégies, comme l'ont fait autant Régis. On s'habitue et on arrive soi-même à se trouver quelques amis, quelques connaissances et à élargir son cercle, pour enfin au bout de quelques temps, Tatsiana le dit, me construire à nouveau avec une autre langue, avec d'autres éléments en moi. Et voilà la décentration mais elle ne se perd pas. Il y a bien se construire soi avec du nouveau. Autre façon d'atteindre la décentration, cet objectif final tel que nous l'avons évoqué précédemment, serait aussi de passer par la notion de problème universel évoquée par Trompenaars, un expert en management interculturel belge, qui aborde la culture, je préférerais dire les cultures, comme des séries de dilemmes à résoudre, que ce soit dans son rapport avec les autres, pourquoi me parle-t-il sur ce ton, par exemple ; que ce soit sur le rapport au temps, être en **** ou ne pas être en ****, telle est la question ; que ce soit avec l'environnement. Ces points-là seront abordés plus profondément ultérieurement dans le MOOC, mais on peut toujours y penser et aborder ces problèmes universels en termes de malentendus. Malentendus interculturels. Pourquoi? Car on aura une approche de décentration, une approche en multipliant les perspectives, et une approche de questionnement pour tenter de les comprendre. Si l'on s'intéresse à la valeur de politesse, par exemple, j'ai rencontré beaucoup d'étudiants qui aiment bien dire : Bonjour madame Cathy, bonjour madame Alison, signe de grande politesse pour eux, mais cela peut ne pas être perçu comme tel. Il est, par exemple, un autre professeur, furieux, qui est venu me voir pour me dire : Pourquoi les étudiants m'appellent toujours monsieur Philippe. Il faudrait leur apprendre à ne plus le dire comme ça. Effectivement, en français, dans les cultures françaises, le prénom a une valeur plus intime ; madame est plus formel, donc degrés de formalité qui s'opposent. On ne peut pas. Cela peut aussi se retrouver des malentendus dans les notions d'espaces privés et publics. Dans les maisons françaises, il y a des espaces qui restent privés. Je me souviens d'un américain invité à dîner à la maison qui s'était levé de table pour aller chercher un livre dans le fond de ma bibliothèque. Pour moi, c'était choquant d'aller prendre un livre comme ça sans me demander la permission. La bibliothèque, espace plus privé, bien sûr. Tous ces malentendus permettent de discuter sur les valeurs. En en parlant avec cet ami américain, on a compris qu'on n'avait pas la même perception de ce qui relève du privé et du public. On a interrogé nos propres représentations de l'espace pour lever le malentendu. Ces malentendus, au lieu de les rejeter, de les fuir, autant les considérer comme des lieux privilégiés de décentration, à condition, bien évidemment, de prendre le temps, toujours le temps, le temps d'adopter une démarche interculturelle. Autre exemple, groupe d'étudiants qui travaillent par projets. Il y avait un chef de projet et le groupe n'avançait pas et ne s'entendait pas, des difficultés dans le travail de groupe. En se mettant ensemble pour comprendre d'où venait le problème, il s'est avéré que, pour l'un des étudiants, être chef de projet signifiait prendre toutes les décisions, imposer ses décisions, tandis que pour les autres membres du groupe qui venaient du continent sud-américain, par exemple, le chef de projet était un collaborateur, il devait partager. Les décisions se prenaient à plusieurs. À partir de là , on voit bien la difficulté qu'il y avait à travailler ensemble si ce point-là n'était pas relevé. Donc, interrogation derrière ce qui est mis derrière les mots grâce à la médiation interculturelle, ce moment de réflexion, d'interrogation, de négociation, comme on l'a évoqué tout à l'heure, pour trouver un moyen de mieux collaborer ensemble. >> Comment interpréter les mots, comme dit Cathy? Qu'est-ce qui est derrière les mots? Encore un outil intéressant qui nous vient des États-Unis, Hall, cet anthropologue que certains appellent le père de la communication interculturelle, avec la citation : Culture is communication, communication is culture. Il nous parle de communication directe et communication indirecte associés à certaines cultures, certains pays mais pas toujours, ça peut être aussi certains individus, comme on l'a bien vu. Par exemple, la communication directe sera associée peut-être avec des cultures comme la culture américaine, justement, la culture allemande, où il y a une telle diversité dans la population qu'on a besoin d'être plus direct ; tandis qu'une culture comme la culture japonaise, moins ouverte à l'extérieur, la communication est plutôt indirecte. Pour les Britanniques, c'est un mélange des deux, directe et indirecte. Bien sûr, pas comme les autres, comme d'habitude. La communication directe, il s'agit d'information qui est beaucoup plus factuelle, tandis que pour ce qui est indirect, c'est ce qu'on appelle la communication phatique, on ne va pas directement au but. L'exemple qu'on peut donner c'est notre collègue japonaise qui, au lieu de demander, « Voulez-vous boire un Coca-Cola? » dit : « Est-ce que l'idée d'un Coca-Cola vous semble intéressante? » C'est très drôle pour nous, mais voilà , on ne peut pas demander directement une chose pareille. Dans la communication directe, le contexte n'est pas important ; tandis que dans la communication indirecte, tout est dans le contexte. Direct, ce qui est dit est très important ; tandis que communication indirecte c'est comment on le dit, est-ce qu'on prend des gants ou pas. Direct, message ; symbolique de l'autre côté. On peut critiquer ouvertement quand on utilise la communication directe. Ça peut blesser beaucoup et ça peut vraiment mener à des malentendus affreux ; tandis que pour la communication indirecte, encore une fois on pense aux cultures comme le Japon, l'harmonie sociale est plus importante que cette critique ouverte. Et après, la communication verbale est plus importante quand c'est direct que la communication non verbale qu'on retrouve dans la communication indirecte. Vous aurez l'occasion, si vous avez le temp, de regarder de plus près ces travaux qui sont très intéressants. Après, on revient aussi aux travaux de Trompenaars, le rapport avec autrui, comme a dit Cathy. Ça peut aussi se résoudre à de l'universalisme ou particularisme. Est-ce que les règles sont importantes? Est-ce que c'est la même règle pour tous? Par exemple, est-ce qu'on doit rendre ce devoir pour une date non négociable ou est-ce qu'il y a des exceptions? Est-ce qu'on tient compte des aléas de la vie ou des différences individuelles? Est-ce qu'on peut être plus souple dans les règles? Les émotions, est-ce qu'on les montre, est-ce qu'on ne les montre pas? Revenons aussi un petit peu sur les exemples de Trempenaars, qui sont très utiles également. Par exemple, Cathy a déjà évoquer le rapport avec autrui, on peut résoudre ça aussi ou l'idée d'universalisme et le particularisme, des règles ou des exceptions. Est-ce que c'est l'individu qui prime ou le groupe ? La même règle pour tous? On doit rendre ce devoir pour une date non négociable, où est-ce qu'on tient compte des aléas de la vie ou des différences individuelles, en étant plus souples ? Les émotions, est-ce qu'on les montre où on ne les montre pas ? Les choses changent, mais longtemps, on a parlé du stiff upper lip ou le sang-froid des Britanniques. Et il est vrai que quand personnellement je me suis cassé le poignet dans une réunion, il faut le faire, mes collègues ont d'abord pensé que je n'avais rien parce que j'ai appris à ne pas montrer. Est-ce que les hommes et non, je ne suis pas un homme, mais j'ai appris quand même à ne pas montrer mes émotions, montrent leurs émotions? Vous vous rappelez les cultures dites masculines ou féminines de Hofstede. Le rapport avec le temps, time is money, time is life. Le temps est-il linéaire, gérable ou circulaire? Le bus passe selon horaires affichés, prévisibles ou seulement comme dans certains pays, quand il y a assez de monde pour le remplir ? Ou comme on m'a dit à la gare routière de Killarney en Irlande, il y a quelques années, à la question what time is the bus for Skibbereen, on m'a répondu there is a bus, but it doesn't go today and it doesn't go to Skibbereen. Rapport avec l'environnement, aussi tendance occidentale, on peut changer le monde, tendance orientale plutôt on doit accepter, Inch Allah, on doit s'adapter au monde. Un exemple ? Lors d'un oral d'anglais, lorsque j'ai montré la photo d'une mouette couverte de mazout à une étudiante chinoise, je m'attendais à des commentaires sur la folie des hommes avec des supertankers. Mais non, elle s'est penchée plutôt sur les accidents dus à la météo et les conditions en mer. L'homme n'avait rien à faire là -dedans. Donc pour Trompenaars, c'est un continuum, donc par exemple, sur le temps, et on se positionne quelque part sur ce continuum. Il est très important de reconnaître les différences. On a bien vu, tout au long de ce MOOC, respecter les différences. Et on va vers ce qu'il a appelé la réconciliation, donc on peut comprendre les avantages des autres solutions. On peut voir, essayer de voir par les yeux de l'autre. Mais en même temps, on compose, comme dit Mona Ozouf ou pas. On n'est pas obligé toujours, comme on l'a dit à plusieurs reprises. Donc, il n'y a pas de solution facile. Besoin de temps, de patience, de savoir-faire, de savoir-être, etc. etc. etc. >> Pour conclure ce moment 4 où des outils vous ont été présentés, il semble important de bien comprendre comment effectivement cet objectif de décentration permet d'aller vers une meilleure collaboration tout en passant comme on l'a vu, par des savoirs qui se multiplient en cinq éléments, des savoirs qui s'introduisent dans les malentendus interculturels, des savoirs qui permettent de dénouer précisément ces conflits grâce, on l'a vu, au questionnement. On l'a vu, l'interculturel, l'approche interculturelle ne peut qu'être volontaire. Il faut vouloir se poser toutes ces questions. Il faut vouloir prendre le temps de décoder un petit peu les messages directs où indirects des uns et des autres. Donc, l'interculturel est une démarche volontaire, qui passe, on l'a vu par des interrogations. Pourquoi me parle-t-il comme ça ? Pourquoi réagit-il comme ça ? Comment fait-il pour arriver là ? Des petites questions qui aident à aller. Pourquoi je me sens si mal au mois de décembre, alors qu'il fait froid, qu'il neige, et que ça fait déjà trois mois que je suis en France? Repensons à la courbe d'Hoberg, elle peut nous aider. Voici des outils pratiques pour faciliter cette belle mobilité, qui va être la vôtre.