[MUSIQUE] Vous avez suivi une brève presentation de deux logiciels, Philcarto, un logiciel de cartographie automatique, de données statistiques, Inkscape, un logiciel de dessin. Ce sont les outils qu'il faudra utiliser pour réaliser vos cartes, mais l'outil ne fait pas la carte. Nous allons maintenant aborder les règles de base de la conception cartographique, ces règles découlent du fait que la carte est un document à voir. La carte appartient au monde de l'image, elle donne à voir l'image de façon globale et presque instantanée, l'image cartographique se construit avec un langage spécifique, le langage graphique fondé sur la perception visuelle. Les principes de ce langage ont été définis par Jacques Bertin et magistralement présentés à la fin des années 60 dans son ouvrage Sémiologie graphique. Si les outils du cartographe ont bien sûr, considérablement évolué, il n y avait pas de cartes réalisées à l'ordinateur dans les années 60. Les concepts exposés dans cette ouvrage de référence restent d'actualité, c'est en s'appuyant sur ce travail fondamental que nous allons voir ensemble comment construire une carte de qualité, c'est à dire une carte claire, esthétique, qui transmettra efficacement l'information contenue dans les données. Comment s'organise l'information à placer sur une carte thématique? Le point de départ de toute rédaction cartographique est un tableau de données qui met en relation objets géographiques et caractères. Ce tableau à double entrée est l'instrument de base. Dans le sens des lignes, il y a les objets géographiques. Par exemple les unités urbaines en Bretagne, dans le sens des colonnes, les caractères qui définissent l'information thématique, par exemple caractère A, le nombre d'habitats en B l'évolution de la population entre deux dates, en C, l'activité dominante etc... Toute carte doit répondre visuellement et instantanément aux deux questions : Dans le sens des lignes, à tel endroit, qu'y a t il? Par exemple à Brest, combien d'habitants? Comment a évolué la population entre deux dates de recensement? Quel est l'activité dominante? Dans le sens des colonnes : Quel caractère? Où est sa géographie? Par exemple, le caractère B. Quelles sont les unités urbaines dont la population a augmenté? Quelles sont celles dont la population a diminué? A partir du tableau de données, il convient tout d'abord de réfléchir à l'information à placer sur la carte, il faut considérer d'une part la façon dont les objets géographiques s'inscrivent dans le plan de la carte et d'autre part, caractériser les relations existantes entre les composantes de l'information thématique, c'est-à -dire apprécier la nature des données. La donnée peut caractériser un point, une ligne, une zone, c'est ce que nous appelons l'implantation. L'implantation est la transcription dans le plan de la carte de la localisation géographique. Attention à ne pas confondre localisation et implantation. La localisation est une notion géographique, l'implantation une notion graphique. Il n'y a pas nécessairement de correspondance entre localisation et implantation, je peux par exemple choisir de représenter des effectifs de population par région par un figuré ponctuel : des cercles de surface proportionelle qui seront placés au centre de chaque région. Je peux représenter l'extension d'un phénomène dans un espace géographique par un figuré linéaire : un cerne de couleur. C'est en fonction de l'implantation que vous parlerez de figurés ponctuels, linéaires ou zonaux (ou surfaciques). Nous verrons que l'efficacité visuelle des représentations dépend en grande partie de l'implantation. Quelle que soit la diversité des objets, des phénomènes à cartographier, il est fondamental, pour bien construire l'image cartographique de comprendre la relation entre les données. Il n'existe que trois et seulement trois modes de relation entre les données, trois niveaux d'organisation des composantes de l'information. Au premier niveau la relation de différence ou de ressemblance, des phénomènes sont tout simplement différents ou semblables, il n'y a pas de relation d'ordre ou de hiérarchie entre eux. Par exemple différents types d'établissement industriels, une répartition ethnique des modes d'utilisation du sol des typologies ou tout simplement une carte administrative : les États du monde, les départements francais. De simples ressemblances ou différences sans relation d'ordre définissent une information qualitative. Sur l'image qui est représentée, le signal égal signifie ressemblance. Le signe égal barré signifie différence. Au deuxième niveau, la notion d'ordre, de classement, de hiérarchie est présente dans beaucoup d'informations. Que les données soient numériques, un exemple très fréquent, un taux exprimant l'intensité d'un phénomène ou une succession chronologique, ou qu'elle ne soit pas numérique, par exemple une hiérarchie administrative. Un indicateur apprécié a trois niveaux, élevé, moyen, faible. Une information de ce type est dite ordonnée. Ce niveau de relation est ici noté par la lettre O en majuscule. La relation de proportionalité, troisième niveau de relation, existe lorsque les données à représenter sont mesurables, lorsqu'il s'agit de quantités absolues, effectifs de population, volumes d'échange en tonnage ou en valeur, nombre de... Une information de ce type est dite quantitative, cette relation est ici indiquée par la lettre Q en majuscule. On retrouvera ces signes, égal ou égal barré, grand O, grand Q tout au long du cours pour caractériser les informations et leur représentation cartographique. Toutes les données à cartographier se définissent dans ces trois relations. La notion d'ordre est essentielle, elle est présente dans beaucoup d'informations, que les données soient numériques ou non. L'information quantitative est bien sûr ordonnée, plus grand que, plus petit que... L'information ordonnée n'est pas quantitative, elle ne répond pas à la question combien. Enfin dans une information qualitative, il n'y a pas de relation d'ordre. Après l'analyse de l'information à cartographier, abordons maintenant la transcription graphique des données sur la carte. Le langage graphique s'exprime par des variables visuelles. Les variables visuelles vont s'appliquer à points, lignes, surfaces, et faire apparaître les relations de différence, de ressemblance, d'ordre ou de proportionalité entre les données. Les variables visuelles sont les moyens graphiques dont le cartographe dispose pour communiquer l'information. Elles sont telles qu'elles ont été définies par Jacques Bertin au nombre de six, la taille, la valeur, la couleur, la forme, l'orientation et le grain. Chaque variable visuelle offre des capacités spécifiques de différenciation visuelle qui la rendent apte à transcrire telle ou telle relation existante entre les données, des ressemblances et différences, un ordre de placement ou enfin un rapport de proportionalité. C'est ce que l'on appelle la propriété de la variable visuelle. Le choix de la variable ou des variables dépend toujours de la nature de l'information à transcrire. La bonne construction cartographique passe nécessairement par la correspondance entre la nature de l'information et les propriétés des variables visuelles utilisées. Les variables taille et valeur génèrent l'image. L'image cartographique telle qu'on la perçoit immédiatement est exprimée par ces variables taille et valeur. Les quatre autres variables couleur, forme, orientation et grain séparent les éléments constitutifs de cette image. Chacune des variables visuelles est aussi caractérisée par sa longueur, qui est le nombre de possibilités de différentiation qu'elle permet. Vous étudierez dans les prochaines leçons chacune des six variables visuelles. Vous apprécierez leurs propriétés et comprendrez leur utilisation dans les représentations cartographiques.