[MUSIQUE] On peut aller un petit peu plus loin et faire ce que l'on qualifie généralement de memorandum of understanding. Alors, cette fois-ci, c'est le contraire, il n'y a pas de terme français, j'ai un peu de mal à traduire en français le terme memorandum of understanding. Tout le monde utilise ce terme memorandum of understanding, MOU. On parle souvent du MOU dans les négociations. Le MOU, dans les négociations, c'est pas quand les gens sont fatigués, c'est quand ils ont passé un memorandum of understanding et que et bien ils ont récapitulé un certain nombre des étapes de l'organisation dans ce document. Les Anglo-Saxons ne font pas vraiment cette différence, en tout cas dans la littérature anglo-saxonne, entre accord-cadre de négociations et memorandum of understanding. C'est pour ça qu'on a parfois ses difficultés de traduction. Bon, lorsque les parties négocient, elles négocient évidemment par étapes. Et lorsqu'une étape est terminée, si on veut bien faire son travail, et si on veut que les choses avancent, c'est quand même prudent de dire bon là on est déjà d'accord sur une partie de la transaction. Il reste un certain nombre de points à négocier. Et, un memorandum of understanding, c'est uniquement une liste des points sur lesquels les parties sont déjà d'accord. Alors, ça peut être des points qui sont importants. Mais, il reste quand même à négocier toute une série de questions pour que le contrat puisse être conclu. Donc, un memorandum of understanding, c'est un document dans lequel on dit, bon voilà les parties sont en train de négocier tel ou tel document, elles se sont mises d'accord sur un certain nombre de points, et elles continuent la négociation. À quoi ça sert? Évidemment, d'un point de vue pratique, tout le monde comprend. Ça sert à éviter de toujours remettre en cause les mêmes questions. Une fois qu'on s'est mis d'accord, on ne revient pas en arrière. En termes juridiques, quelle est la conséquence? Je vous le rappelle, vous êtes dans un rapport de négociations. Et donc, vous assumez les obligations de bonne foi dans le cadre de cette relation spécifique de négociation d'un contrat. Quelles obligations de bonne foi? Et bien notamment, ne pas revenir en arrière sur des points déjà acquis sans aucune raison. Et donc, le memorandum of understanding, il est très pratique en ce sens qu'il permet d'avancer, mais il est aussi potentiellement une source de responsabilité précontractuelle, en ce sens qu'une partie pourrait dire, surtout si le contrat finalement n'est pas conclu, mais la partie adverse est revenue en arrière systématiquement alors qu'on s'était mis d'accord sur des points importants. Et donc, elle a violé ses obligations de bonne foi dans le cadre de ces relations précontractuelles. Et puis, on peut aller encore plus loin, et faire ce que l'on appelle une promesse de contracter. Alors là , c'est un peu un mystère juridique, la promesse de contracter. Prévu à l'article 22 du code des obligations, on dit les parties peuvent s'engager à conclure un contrat. Donc, on peut imaginer un document précontractuel, dans lequel les parties s'engagent à conclure un contrat. Sauf que, évidemment, comme un contrat c'est simplement l'accord de deux parties, si les parties s'engagent à conclure un contrat, c'est qu'elles sont déjà d'accord. Et si elles sont déjà d'accord, le contrat est déjà conclu. Donc il y a toute une série d'auteurs qui vous disent la promesse de contracter ne sert à rien. Il faut relativiser, la promesse de contracter est souvent utilisée malgré tout, parce que ça peut être une promesse de contracter unilatérale. Une partie s'engage à conclure le contrat, mais pas l'autre. Donc le contrat n'est pas encore conclu parce qu'une des deux parties reste libre. Mais une des parties s'est engagée à conclure le contrat. Et puis, vous pouvez agrémenter la promesse de contracter de toute une série deux conditions pour que le contrat soit finalement conclu, qui fait que cette promesse de contracter reste utile. En tout cas elles sont utilisées assez régulièrement. Elles sont en droit suisse régi par l'article 22 du code des obligations. Donc voilà , si vous avez un fatras de documents, que l'on vous présente comme étant les documents qui ont conduit à la conclusion d'un contrat, vous vous posez d'abord la question, est-ce que le contrat a été conclu ou pas. si le contrat a été conclu, Ça peut être important pour l'interprétation du contrat, mais c'est moins grave. Si le contrat n'a pas été conclu, alors évidemment les deux parties vont peut-être rechercher dans ce fatras de documents des sources de responsabilité. Et alors là , il faut commencer à faire un travail qui est parfois assez difficile, parce que les documents sont souvent assez bâtards. Vous pouvez avoir certains éléments d'une lettre d'intention, puis d'autres d'un memorandum of understanding dans le même courrier. Mais il faut quand même essayer de classer ces documents en essayant de distinguer d'une part la lettre d'intention, la simple volonté de négocier, d'autre part l'accord-cadre de négociations, un accord sur les modalités de cette négociation, en troisième lieu un memorandum of understanding, les points déjà acquis dans le cadre de cette négociation, et puis peut-être, miracle, vous allez tomber sur une pépite, et cette pépite, ce serait la promesse de contracter au sens de l'article 22 du code des obligations, qui alors elle a quasiment déjà les conséquences d'un contrat. Quel que soit le document auquel vous êtes confronté dans le cadre de ce fatras de documents que l'on soumet, il y a un danger important qu'il faut avoir en tête. Il faut l'avoir en tête lorsque l'on vous soumet le fatras de documents, mais aussi, et je dirais surtout, si vous participez à la rédaction de ces documents, et si vous participez à la rédaction de ces documents précontractuels. Ce qu'il faut avoir en tête, c'est un principe de droit suisse, si vous êtes en Suisse au moment de la négociation, mais pour lequel on trouve des règles équivalentes à peu près partout. C'est le principe de l'article deux du code des obligations pour ce qui est du droit suisse. Le principe de l'article deux du code des obligations, c'est le principe selon lequel le contrat est conclu lorsque les parties se sont mises d'accord sur les éléments objectivement essentiels du contrat. Et ça, c'est un principe qu'on trouve dans les principes unidroit, qu'on trouve en droit européen, qu'on trouve un peu partout. L'accord des parties, pour que le contrat soit conclu, doit porter sur les éléments objectivement essentiels. Et puis, il reste une série de détails, qui ne sont pas réglés, mais c'est pas grave. L'article deux du code des obligations vous le dit, si les parties ne se sont pas mis d'accord sur les éléments secondaires du contrat, et bien le juge pourra compléter. Par exemple en droit suisse, en appliquant la partie spéciale du code des obligations. Bon, c'est à la fois l'expression de la vérité avec laquelle nous avions ouvert ce cours. Vous vous souvenez peut-être de la phrase de Balzac. Vivez tranquille sur la foi de ma parole. Il n'y a pas besoin qu'il parle pendant trois heures, il suffit qu'il donne sa parole sur ce qui est substantiellement l'élément essentiel de cette parole pour que le contrat soit conclu. Et c'est une réalité qui vaut pour tous les contrats. Lorsque les parties sont d'accord sur les éléments objectivement essentiels, et sous réserve du fait qu'on a démontré que d'autres éléments sont subjectivement essentiels, lorsque les parties sont donc d'accord sur la substantifique moelle de l'accord, et bien le contrat est conclu. Alors, évidemment, lorsque vous faites un document précontractuel, et notamment un memorandum of understanding, avec toute une série d'accords déjà acquis, la question qui se pose toujours c'est est-ce que les parties n'ont pas déjà conclu le contrat. Vous allez me dire, c'est un peu ambigu parce qu'elles sont en train d'envisager la conclusion de ce contrat, et justement elles font ces documents précontractuels dans ce but-là . Donc elles n'ont pas encore conclu, mais en même temps on ne peut pas remettre en cause le principe essentiel, fondamental, du droit des contrats, qui est qu'à partir du moment où les deux parties sont d'accord sur les éléments objectivement essentiels, le contrat est conclu. Et alors donc, il faut se remettre dans une situation où finalement il y a un litige entre les parties. Par exemple, le contrat n'a pas été conclu, mais l'une des deux parties n'en est pas du tout satisfaite. Et alors, elle revient à la charge en disant, mais écoutez nous étions d'accord sur l'essentiel. Nous étions d'accord sur l'objet du contrat, nous étions d'accord sur le prix qui devait être payé. Nous étions éventuellement d'accord sur la durée de ce contrat, si c'est un contrat qui devait s'inscrire dans la durée. Donc, nous étions d'accord sur tout. Bon d'accord, on s'était pas mis d'accord sur le droit applicable, sur le transfert des risques, sur les limitations de responsabilité, sur les garanties, mais tout ça c'est un fatras dont on n'a pas besoin. Le code des obligations, si le droit suisse est applicable, y répond tout à fait clairement. Le juge complétera. L'important, c'est qu'on s'était mis d'accord sur l'essentiel. Et donc, le contrat est conclu. Et, quand on vous dit, le contrat est conclu, ça veut dire que si vous ne l'exécutez pas, vous êtes responsable selon toutes les règles que vous connaissez en matière de responsabilité contractuelle. Donc évidemment, pour l'autre partie, c'est très inquiétant comme argument. On vous dit, le contrat est conclu alors que vous, vous ne vous y attendiez pas parce que justement les négociations ont échoué. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire? Et bien il faut faire attention à ce risque là , évidemment. Si la partie adverse a tort, le simple fait qu'elle puisse se prévaloir d'un contrat déjà conclu recèle de très nombreux dangers. Vous allez vous retrouver devant un juge à expliquer pourquoi finalement le contrat n'a pas été conclu. Donc, il faut éviter cela. Et comment on peut le faire? On peut le faire de façon très simple, au moment où on rédige ces documents précontractuels. Les Anglo-Saxons, qui sont toujours très pragmatiques, ont élaboré une clause absolument standard, presque un tampon, qu'on peut mettre sur les documents précontractuels, qu'on appelle subject to contract. Donc, tout document est subject to contract. Alors, si vous mettez ça presque de façon systématique sur les documents précontractuels, eh bien vous êtes sûr qu'on ne pourra pas vous dire, ben non finalement le contrat est conclu, parce que vous avez expressément réservé la conclusion finale du contrat. Ça, c'est une façon je dirais anglo-saxonne de le faire, très pratique, il faut bien l'admettre. Une autre façon de faire, ce n'est plus celle des pays de droit civil, mais encore aujourd'hui, tout s'est mélangé et par conséquent, il arrive assez fréquemment qu'on reprenne la technique du subject to contract dans les négociations qui relèvent du droit d'un pays de droit civil, mais l'autre façon plus classique, c'est de réserver une forme, c'est-à -dire de faire ce que l'article 16 du code des obligations permet de faire, une réserve de forme. Donc, de quoi s'agit-il? En soi, le droit suisse, la plupart des pays de droit civil, ne prévoit pas une forme particulière pour les contrats. Donc, les contrats peuvent être conclus n'importe comment, y compris par oral. Mais les parties peuvent se mettre d'accord sur une forme particulière, ça fait partie de leur liberté, elles peuvent faire ce qu'elles veulent. Donc, si elles peuvent faire ce qu'elles veulent, elles peuvent aussi dire, nous ne serons pas obligées par un contrat tant que nous n'aurons pas formellement signé un contrat en bonne et due forme avec les deux signatures des deux sociétés. Et ça, c'est ce qu'on appelle une réserve de forme. Et alors, il est tout à fait possible d'intégrer dans les documents précontractuels, par exemple dans un memorandum of understanding, par exemple dans un accord cadre de négociation, la mention indispensable, à mon avis, selon laquelle, bien entendu, les parties ne seront contractuellement engagées que lorsque le contrat final aura été signé par les deux parties. C'est très simple à faire, c'est parfaitement valable. Encore une fois, c'est prévu, même, par l'article 16 du code des obligations comme étant une possibilité, et c'est bien sûr tout à fait utile et nécessaire pour éviter le couperet de l'article 2 du code des obligations, pour éviter qu'une des deux parties, après coup, vienne nous dire, bon eh bien finalement, on était d'accord sur l'essentiel, et donc au sens de l'article 2 du code des obligations, ça suffit pour que le contrat soit conclu, et donc si vous ne l'exécutez pas, et bien vous êtes responsables contractuellement pour l'inexécution de ce contrat. Voilà , donc, en ce qui concerne ces documents précontractuels, c'est difficile de les théoriser puisqu'ils émanent de l'imagination sans freins des parties. Voilà , les parties discutent comme elles veulent discuter. On ne peut pas les canaliser dans cette discussion. Mais on peut quand même essayer de faire des catégories, voir les dangers de ces différentes catégories de documents précontractuels, et surtout, surtout prendre des précautions dans le cadre de l'échange de ces documents précontractuels par des clauses subject to contract, ou par des réserves de forme. C'est, à mon avis, indispensable compte tenu de la façon trop, presque trop facile avec laquelle un contrat peut être conclu dans nos systèmes juridiques. Ça a un effet négatif parce que ce n'est pas très sympathique, il faut bien le dire. Il faut en être conscient, comme avocat. Ce que vous proposez à vos clients n'est pas très sympathique, lorsque vous êtes en train de négocier avec une partie qui si possible a confiance en vous, sinon la négociation ne peut pas aboutir à grand chose, truffer les lettres que vous lui adressez de subject to contract ou de sous réserve de la signature d'un contrat formel, ce n'est pas quelque chose de très sympathique et ça ne favorise pas forcément le bon climat de la négociation. Et alors, évidemment, les commerciaux vous disent, oui mais quand même, ces juristes ne comprennent rien à ce qu'on est en train de faire. Nous, on est en train de créer un climat de confiance indispensable pour la conclusion du contrat, et le service juridique nous bombarde de formules qu'il faudrait mettre dans toutes les lettres qu'on adresse au client, qu'on adresse à la partie adverse, on ne peut pas l'inviter à déjeuner sans lui dire que c'est subject to contract, ça n'a pas de sens. C'est vrai qu'il y a un côté un peu absurde à être aussi pusillanime. Mais même les commerciaux doivent comprendre que nous sommes dans un système où un contrat peut être conclu très facilement. Et même les commerciaux, alors que leur but, c'est de conclure un contrat, doivent comprendre que ce n'est pas forcément une bonne idée de conclure un contrat avant qu'il ne soit arrivé à son chef. Pourquoi? Et bien parce que ça veut dire qu'il y a plein de points sur lesquels les parties ne se seront pas mises d'accord, qui vont être complétés par un juge, de façon tout à fait imprévisible, et en fonction de principes sur lesquels ils n'auront aucun contrôle. [AUDIO_VIDE]