[MUSIQUE] [MUSIQUE] Alors, ensuite, on peut commencer, on peut commencer à lire le contrat, c'est-à -dire qu'en fait, en réalité, on peut commencer à travailler. C'est parfois fastidieux de lire un contrat, parce que un contrat ça peut être quelques pages, souvent dans les pays de droits civils, les contrats sont relativement brefs, parce que si les parties n'ont pas prévu quelque chose, eh bien leurs accords peut être complété par les dispositions des codes. Dans les pays anglo-saxons, en revanche, il n'y a pas de codification ou moins de codification, par conséquent, les contrats ont tendance à être beaucoup plus longs. Et donc, quand on vous dit le contrat, c'est pas forcément 2 ou 3 pages, c'est même pas forcément 40 ou 50 pages, je me souviens, je le dis toujours d'une des premières affaires dont je m'étais occupé, comme collaborateur, dans une étude c'était un arbitrage et j'avais été à Paris voir le client qui m'avait expliqué quel était le l'objet du litige, c'était très sympathique comme toujours quand on est en France, et puis, à un moment j'ai dit bon d'accord c'est intéressant mais il faudrait que je vois le contrat quand même et puis je m'attendais à ce qu'ils sortent un document, je ne sais pas lequel, les principales caractéristiques de la prestation qui devait être faite était décrite et puis ils m'ont dit pas de problème, on va vous montrer le contrat et ils m'ont amené dans une salle, petite salle, assez sombre, dans laquelle il y avait 5 armoires métalliques et ils ont ouvert les 5 armoires métalliques, ces armoires métalliques étaient bourrées à craquer de classeurs et ils m'ont dit : ben voilà , le contrat c'est ça. Evidemment, c'est un peu inquiétant quand on tombe sur un contrat de ce type, en même temps c'est moins grave qu'il n'y parait parce qu'évidemment dans leurs esprits le contrat c'était ça mais ce contrat c'était toutes les annexes techniques, il s'agissait d'une affaire de construction donc la plupart de ces classeurs, Dieu merci, je n'ai jamais eu à les lire il s'agissait juste des descriptions techniques de l'ouvrage qui devait être réalisé. Alors en même temps, c'était contractuel donc, quand on se posait la question de savoir est-ce qu'il y a un défaut, eh bien il fallait se référer à ces annexes techniques pour savoir si ça correspondait à ce qui avait été convenu ou pas. Donc, le contrat ça peut être quelque chose de très volumineux et donc parfois, un peu fastidieux à lire. N'empêche qu'évidemment, si on vous consulte sur un contrat en général en vous demandant si le texte du contrat convient, eh bien il faut s'y mettre et il faut s'y mettre en sachant que ce contrat ne sera intéressant, en réalité, que s'il est, un jour, lu par un juge. Ça parait un peu surprenant, cette approche peut être très agressive de la lecture du contrat et en réalité un contrat qui ne pose pas de problème à un contrat qui est exécuté par les parties, on peut le laisser dans un tiroir, il ne sert à rien. tant que les parties sont d'accord le contrat ne sert strictement à rien, il reste dans un tiroir. Et le pire des contrats, le moins bien rédigé de tous les contrats ne pose aucun problème si les parties exécutent correctement le contrat à la satisfaction générale. Donc, finalement, le texte du contrat n'a d'intérêt que s'il y a un litige, c'est un peu triste à dire, mais nous ne pouvons qu'être pessimistes parce que notre travail ne sert pas à grand chose si on est optimiste. On peut espérer que ce qu'on fait ne servira à rien mais si on pense que ce qu'on fait peut servir à quelque chose, ça veut dire qu'il faut être pessimiste et penser qu'il pourra y avoir un litige. Et donc, il faut se mettre à la place d'un juge pour lire le contrat ou d'un arbitre, si les parties ont choisi un réglement des litiges par arbitrage. Et donc, il faut connaître les lunettes avec lesquelles le juge lira ce contrat. Et ces lunettes-là , c'est ce qu'on appelle les mécanismes d'interprétation du contrat. Et alors, il faut savoir que ces mécanismes d'interprétation sont très différents dans les pays de droits civils et dans les pays anglo-saxons. Les pays de droits civils, c'est le droit suisse mais c'est la plupart des pays d'Europe continentale, sont des pays dans lequel ce qui compte ce n'est pas tellement le texte du contrat, c'est la volonté des parties. En droit suisse, c'est l'article 18 du Code des obligations, si on veut interpréter un contrat, on recherche à déterminer quelle était la volonté des parties. Et on peut s'inspirer de tous les éléments, de toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion de ce contrat y compris bien sûr le texte du contrat, le texte du contrat est un indice très important de la volonté des parties mais ce n'est pas le seul. Et l'important, ce que recherche le juge, c'est la volonté des parties. Et puis, vous avez une approche anglo-saxone plus stricte, peut-être plus professionnelle, dans un certain sens, mais moins basée sur cet élément quand même essentiel qu'est la volonté des parties, c'est l'approche qui consiste à dire mais ce qui est important c'est le texte du contrat. Et donc, nous allons interpréter le contrat selon son texte, tout ce qui entoure la conclusion du contrat ne doit pas nous perturber dans le texte du contrat parce que ce texte du contrat c'est la seule expression de l'accord qui a été passée par les parties Vous avez une règle ou plein de règles en matière d'interprétation en droit anglo-saxon, mais notamment, la règle des four corners rules, la règle des quatre coins. Le juge est bloqué par les quatre coins du contrat et donc il ne peut pas en sortir. Alors évidemment, si vous lisez un contrat et que vous êtes un juriste anglo-saxon, il faut être très minutieux dans votre lecture de contrat parce que chaque terme sera interprété de façon rigoureuse grammaticale quasiment. Alors que si vous êtes un juriste dans un pays de droits civils, bien sûr le texte du contrat est important. Mais il faut savoir que si les parties ont voulu autre chose que ce qu'elles ont exprimé, eh bien ce qui est important c'est ce qu'elles ont voulu. C'est l'article 18 du Code des obligations, encore une fois en droit suisse. Alors ça qu'est-ce qu'on peut faire, c'est la tradition juridique, c'est la tradition des pays de droits civils opposée à la tradition anglo-saxone ça explique d'ailleurs des mécanismes de rédaction un peu différents, les anglo-saxons sont beaucoup plus techniques dans leur rédaction des contrats parce qu'ils savent que le juge sera lié par le texte. Alors qu'on a un peu tendance dans les pays de droits civils à se dire bon ben finalement on fait le contrat mais, de toutes façons, si on ne s'est pas mis d'accord sur quelque chose, il y a le Code des obligations qui complétera et puis ce qui est important c'est ce qu'on veut c'est pas tellement ce qu'on dit. Donc, on est peut être, on était peut-être, un peu plus laxiste dans la rédaction des contrats, je l'ai dit au passé parce que évidemment nous sommes maintenant dans un monde globalisé et les techniques américaines ont tendance un peu à s'imposer y compris dans les pays de droits civils et même si le contrat reste soumis à un droit d'un pays de droits civils. Une question qu'on peut se poser à ce stade-là c'est est-ce que les parties ont une maîtrise de cette interprétation? C'est un petit peu délicat parce que c'est la poule et l'œuf à partir du moment où les parties doivent exprimer ce qu'elles veulent, c'est difficile pour elles d'avoir une maîtrise sur la façon dont le juge devra examiner ce qu'elles ont exprimé en termes de volonté. Mais quand même, en droit suisse, ce qui est important c'est la volonté des parties alors les parties pourraient dire qu'elle est leur volonté en termes d'interprétation. En droit américain, ce qui est important, c'est le texte du contrat alors les parties pourraient indiquer, dans le texte du contrat, ce qu'elles veulent, en matière d'interprétation. Alors, entendons nous bien, il ne s'agit pas de modifier totalement la tradition juridique dans laquelle vous vous insérez, on peut pas tout d'un coup dire à un juge américain de quitter le texte du contrat ou à un juge suisse de ne pas tenir compte de la volonté des parties mais on peut quand même avoir une certaine influence sur la façon dont le juge lira le contrat. Vous avez, par exemple, ces clauses : je les lis dans ce document rédaction consacrée à la rédaction des contrats mais elle devrait s'afficher devant moi, The Agreement shall be construed and performed in a spirit of good faith and fair dealing. Voilà , dans le contrat, les parties mettent : ce contrat devra être interprété et exécuté dans un esprit de bonne foi et je dirais de façon correcte, fairly. Bon, évidemment, c'est une apostrophe qui est plutôt faite à un juge américain, on lui disant, mais on ne veut pas avoir une approche trop technique du contrat. On veut pas avoir une approche grammaticale du contrat, nous, ce qui nous intéresse, c'est pas le jargon, c'est pas la technique juridique, ce qui nous intéresse, c'est que ça se passe, contrairement au principe de bonne foi et de façon correcte, un gentleman agreement. Et donc, vous, juges, après tout, vous devez tenir compte de cela, ce que nous voulons c'est que ça se passe correctement et conformément aux règles de la bonne foi on ne veut pas être lié par une approche grammaticale du contrat. Est-ce que le juge américain est lié par ça? Ben, il est un peu embêté parce qu'il est quand même lié par le texte du contrat or cette clause est dans le contrat. Ça fait partie du texte du contrat. Et donc, ça pourra peut-être pas l'amener à changer complètement son point de vue en ce qui concerne l'interprétation du contrat mais au moins à tenir compte du fait qu'on ne peut pas se contenter d'une approche grammaticale du contrat et qu'il faut tenir compte de ce qui parait raisonnable, entre les businessman je dirais corrects qui s'exécutent dans le spirit of good faith et conformément aux fair dealing Et puis, si c'est dans un contrat qui est sousmis au droit suisse, alors finalement cette clause est assez en conformité avec le principe de l'article 18 du Code des obligations et l'encouragera, le juge, à rechercher finalement ce qui parait raisonnable dans les relations entre les parties. Bon, cette clause là , good faith and fair dealing, les clients adorent ça. C'est-à -dire que si j'ai en face de moi des clients qui me demandent de rédiger un contrat et que je leur propose cette clause, je suis absolument sûr qu'ils vont bondir de joie et qu'ils vont dire : enfin un avocat intelligent, qui comprend exactement ce qu'on veut. C'est-à -dire, ce qu'on veut ce n'est pas entrer dans l'écume de la théorie juridique ce qu'on veut ce n'est pas rentrer dans le bourbier des concepts de droits, ce qu'on veut ce n'est pas être les esclaves de nos avocats la technique juridique, les clauses contractuelles, la terminologie jargonesque des juristes, tout ça ne nous intéresse pas ce qui nous intéresse c'est qu'on se conduise correctement, en businessman avisés et corrects parce que nous sommes corrects. Et donc, ils vont être ravis par cette clause. On peut la leur proposer, c'est leur liberté que de l'insérer dans le contrat et cette clause aura des effets sur l'interprétation de ce contrat. Maintenant, même si ça fait toujours plaisir de faire plaisir à ses clients, il faut quand même faire attention parce que cette clause n'a d'intérêt, encore une fois, ne l'oubliez jamais, que s'il y a un litige. S'il n'y a pas de litige, il n'y a pas besoin de mettre dans le contrat une clause pour se conduire correctement. S'il y a un litige, alors là , la clause jouera un rôle dans la façon dont le juge appréhendera le contrat Mais, s'il y a un litige, ça veut dire que les parties ne sont plus du tout d'accord sur ce qu'est la bonne foi. Vous savez, la bonne foi, c'est quand même assez subjectif. Et puis les parties ne sont plus du tout d'accord sur ce qui est fair dealing. C'est correct? Ce n'est pas correct? Ça se discute. En tout cas, au moment où la clause sera utilisée, les parties n'ont plus du tout le même point de vue sur le caractère correct ou pas correct de la façon dont elles ont exécuté le contrat. Et donc, qui va décider? Le juge. C'est le juge qui va décider ça, en contradiction avec le point de vue d'au moins l'une des deux parties. Alors, est-ce que c'est dramatique que le juge décide? Ce n'est peut-être pas dramatique, mais enfin, ça crée quand même une grande imprévisibilité dans la mise en oeuvre de ce contrat. C'est-à -dire que, si un litige survient, les parties ne seront pas en mesure de prévoir avec un degré de certitude raisonnable quelle sera la décision du juge. Il y a un litige? Qu'est-ce qu'elles feront? Elles iront voir leurs avocats. Qu'est-ce que leur diront leurs avocats? Bon, écoutez, ça dépend de ce que le juge considère être le fair dealing, et le good faith. Ce n'est pas grand chose. Il n'y a plus besoin de faire des études de droits. Avec ça, il vaut mieux faire des études de théologie, à vrai dire, pour savoir où est le bien, où est le mal, et essayez de prévoir ce que le juge considèrera comme étant le bien et le mal. Donc la clause n'est pas négative en soi, si les parties veulent l'insérer dans le contrat, c'est leur liberté et il faut respecter cette liberté, mais il faut attirer leur attention sur sa dangerosité, et sa dangerosité, c'est la très grande imprévisibilité qu'elle intègre, qu'elle inclut dans ce contrat. Si un litige survient, si le contrat est clair, ce litige peut être réglé assez rapidement parce que les deux parties sont conscientes de la situation juridique. Si le contrat est imprévisible, si la solution du litige n'est pas claire, si chacune des deux parties a une chance de gagner, et bien le litige a tendance à dégénérer. Et ce n'est bien évidemment pas rendre un service à vos clients que de laisser les litiges dégénérer. Alors, si vous arrivez à convaincre vos clients que la clause n'est peut-être pas si bonne que ça, toute raisonnable qu'elle paraisse, on peut leur proposer l'inverse. Alors, là , c'est radicalement différent. Et l'inverse, c'est la clause qu'on appelle attorney review, la clause selon laquelle le contrat a été revu par des avocats. Alors, vous avez cette clause, assez classique aussi, Attorney Review. Each party has had the opportunity to review this Agreement with an independent attorney of their choice and is satisfied that they fully understand their rights and obligations under this contrat. Chacune des parties a fait relire, ou elle a pu faire relire ce contrat par un avocat, et elle a parfaitement compris quelles étaient les conséquences juridiques des termes utilisés dans ce contrat. Alors là , vous mettez ça dans un contrat soumis au droit américain, les juges américains sont ravis. Ça n'est qu'une confirmation de la four corners rules, c'est ce qu'on leur dit de faire. Les parties savent quelle est la signification technique des termes qu'elles incluent dans le contrat. Si, dans le contrat, elles ont parlé de porte-fort, c'est un porte-fort au sens juridique du terme, ce n'est pas un autre type de garantie. Si vous mettez ça dans un contrat soumis au droit suisse, c'est un peu plus embêtant pour le juge parce qu'il n'est pas habitué, dans le fond, à lier les parties par le texte et la signification technique du texte du contrat. Mais, en même temps, c'est quand même une information importante, utile pour le juge de savoir que les parties ont pu faire relire le contrat par un avocat. Dans sa recherche de la volonté des parties, puisque c'est le mandat que lui donne l'article 18 du code des obligations, rechercher la volonté des parties, il ne peut pas complètement oublier le fait que les parties ont eu recours aux services d'un avocat pour relire le contrat. Il ne peut pas non plus totalement mettre de côté le fait que les parties elles-mêmes admettent qu'elles ont compris le sens de ce contrat. Et le juge, en fait, ne peut pas complètement mettre de côté cette attorney review clause puisque cette attorney review clause, c'est la volonté des parties. Les parties veulent être liées selon le texte du contrat, au sens le plus technique qu'il soit. Et donc, comme en droit suisse ou dans les pays de droit civil, le juge doit rechercher la volonté des parties, et bien la volonté des parties, elle est là , la volonté des parties, c'est le texte, rien que le texte, tout le texte. Alors, laquelle des deux est la bonne clause? Je ne sais pas. Et je ne vous le dirais pas, parce que ça n'aurait pas de sens. Aucune clause n'est bonne ou mauvaise en soi. Vous en avez certaines qui sont franchement mauvaises, ce sont des clauses dites pathologiques. Elles sont simplement mal rédigées. Mais, à partir du moment où la clause est bien rédigée, elle n'est ni bonne ni mauvaise en soi, ça dépend de ce que veulent les parties. Et c'est leur prérogative. Ce n'est pas la prérogative des juristes, ce n'est pas la prérogative des avocats, c'est la prérogative des parties de dire ce qu'elles veulent. Il appartient aux juristes de les informer des conséquences du choix qu'elles font en insérant l'une ou l'autre de ces clauses dans leur contrat. Bon, alors voilà , on peut continuer en sachant quelles sont les lunettes de lecture du juges. Est-ce que c'est les lunettes anglo-saxonnes? Est-ce que c'est les lunettes suisses ou d'un pays de droit civil? Est-ce que, le cas échéant, les parties ont un tout petit peu faussé la vision du juge par l'une de ces clauses d'interprétation du contrat? Ce sont des questions qu'il faut avoir en tête lorsqu'on lit le contrat, parce qu'encore une fois, on essaye de lire le contrat comme le ferait potentiellement un juge en cas de litige. [AUDIO_VIDE]