[MUSIQUE] [MUSIQUE] Les orientations internationales en matière d'éducation se reflètent à la fois dans les documents officiels des organisations internationales, mais aussi dans l'architecture des institutions éducatives. Comme vous le voyez derrière moi, vous avez par exemple, ici, un pensionnat, le pensionnat Beaupré, qui date des années 1930. Il s'agit de la succursale d'une grande école pour jeunes filles anglaises, et cette institution reflète les préoccupations internationales à l'époque pour la qualité de l'éducation. Justement, les orientations internationales se concentrent, en général, sur les moyens pour fournir une éducation de qualité au plus grand nombre. Je souhaite vous citer le titre d'un ouvrage très important d'un économiste prix Nobel d'économie, Theodore Schultz, qui a écrit un livre avec un titre en français : Il n'est de richesse que d'hommes, capital et investissement humain. Et donc, les orientations internationales en matière d'éducation peuvent être illustrées par l'examen de différents documents internationaux, et je vais successivement vous parler du rapport Faure, du rapport Delors, des objectifs du millénaire et des objectifs du développement durable. Quel est le contexte de la publication du rapport Faure? Le rapport Faure a été publié par l'UNESCO dans les années 1970, et il couvre les années 1970 et 1980. Edgar Faure est un ancien premier ministre français, il a aussi occupé le poste de ministre de l'éducation, et il a fait un rapport avec le titre : Apprendre à être. Et donc dans les années 1970, les orientations internationales de l'éducation, ce sont des orientations qui renvoient à une vision humaniste de l'éducation. L'éducation est censée apprendre aux jeunes générations à être, à se comporter d'une manière, je dirais, favorable au vivre ensemble, et on remarque que dans le rapport Faure l'accent le plus important est mis sur l'extension de l'éducation, sur l'éducation tout au long de la vie, il est mis aussi sur l'ouverture de l'accès à l'éducation au plus grand nombre. Rappelons que dans les années 1970, beaucoup de pays d'Afrique, d'Asie, accédaient à l'indépendance et ces pays voulaient vraiment ouvrir les écoles au plus grand nombre. Donc le rapport Faure, il marque des orientations spécifiques à cette période donnée. On passe dans les années 1990 au fameux rapport de Jacques Delors. Jacques Delors est aussi un ancien ministre français, il est l'ancien président de la Commission de l'Union Européenne, et il a publié un rapport qui est aussi très intéressant. C'est un rapport qui met en avant quatre qualité importantes pour les systèmes éducatifs : apprendre aux prochaines générations, apprendre à être, apprendre à faire, apprendre à connaître et apprendre à vivre ensemble. Donc c'est un peu les quatre compétences majoritaires que le rapport Delors met en évidence. Alors qu'est-ce qui est nouveau dans le rapport Delors par rapport au rapport Faure? C'est quand même l'idée de compétence : n'oubliez pas que dans les années 1990, c'est la première fois depuis longtemps qu'on a affaire à un chômage de masse, et donc dans le rapport Delors il y a des liens importants qui sont faits entre le système éducatif et le système économique, dans le sens que les systèmes éducatifs sont appelés à former des compétents, à former des diplômés compétents et des travailleurs compétents. Alors maintenant, l'UNESCO a réellement monopolisé les orientations internationales de l'éducation dans les années 1970, 1980 et 1990. Mais à partir des années 2000 on rentre dans une deuxième étape, dans une autre étape, où les orientations internationales pour l'éducation sont plutôt pilotées par l'ONU et par un ensemble d'organisation internationales. Donc en l'an 2000 ont été publiés les objectifs du millénaire, ce qu'on appelle les objectifs du millénaire. Alors, qu'est-ce que ces objectifs du millénaire disent pour l'éducation? En général, ces objectifs sont réservés aux pays du Sud, aux pays en voie de développement, et ces objectifs appellent, d'une part, à la lutte contre la faim, la pauvreté dans le monde, mais dans le domaine de l'éducation, qui nous intéresse le plus, ces objectifs du millénaire appellent à l'universalisation de l'école primaire, et donc appellent à l'idée que les enfants partout dans le monde doivent avoir un accès universel à l'école primaire. Évidemment, ces objectifs du millénaire, on a fait le point en 2015 et ils n'ont pas été atteints, et donc en 2015 l'ONU, les organisations internationales, ont publié les objectifs du développement durable. Alors, qu'est-ce qui a changé dans les objectifs du développement durable? Premièrement, les objectifs du développement durable concernent tous les pays du monde, c'est-à -dire, ils ne sont pas exclusivement réservés aux pays du Sud. Donc même la Suisse, la France, tous les pays du Nord, sont intéressés à mettre en œuvre les objectifs du développement durable. Qu'est-ce qu'il y a de nouveau par rapport aux orientations préalables? Ce qu'il y a de nouveau, c'est la notion d'éducation de qualité et inclusive, donc les objectifs du développement durable appellent à des systèmes éducatifs inclusifs, ça veut dire qui accueillent tous les apprenants, et surtout ils appellent à améliorer la qualité des apprentissages. Autrement dit, pour la première on dit : ce qui est important c'est pas seulement accéder à l'école, mais c'est surtout apprendre quelque chose en fréquentant l'école, ou, accéder à l'université c'est important, mais ce qui est encore plus important c'est d'acquérir des compétences et des abilités utiles pour l'insertion professionnelle. Et donc on voit qu'avec les objectifs du développement durable, l'objectif est beaucoup plus ample, l'objectif est aussi, on passe progressivement d'une vision, on peut dire, humaniste de l'éducation. Si vous lisez le rapport Faure dans les années 1970, c'est un rapport qui avance des idées humanistes pour l'éducation, ça veut dire : on a le droit d'être éduqué et on a, je dirais, l'obligation en tant qu'État à offrir à tout le monde une place dans le système éducatif. Mais dans les objectifs du développement durable, il y a toujours l'idée de droit d'accéder à l'éducation, mais il y a surtout l'idée de faire des liens entre l'éducation et l'économie, et d'avoir une éducation qui répond aux impératifs économiques. Donc, en quelque sorte, on passe d'une vision humaniste à une vision plus instrumentale de l'éducation, et c'est là où, finalement, on peut critiquer les objectifs du développement durable par rapport à la problématique de notre cours. Évidemment, quand on dit développement durable, c'est qu'on veut toujours se développer, on veut toujours produire plus, on veut toujours polluer plus, on veut toujours concentrer les richesses, et on veut toujours produire de la valeur ajoutée économique. Évidemment, certaines pédagogies ou certains peuples ou certains auteurs qu'on voit dans ce cours nous appellent à un autre développement, nous appellent à une décroissance, nous appellent à considérer la nature pas comme de la richesse économique potentielle, mais la nature a aussi des droits : des droits à être préservée, à être protégée. Et donc c'est peut-être là la faille des objectifs du développement durable. Quand on parle d'orientation internationale en matière d'éducation, on peut penser à tort que les orientations nationales disparaissent. Or, ce que j'aimerais vous dire, c'est que même s'il y a des orientations internationales en matière d'éducation, les orientations nationales ne disparaissent pas, et donc on a affaire à un mélange, à une articulation entre orientations internationales et orientations nationales. Pour vous donner un exemple concret. Toutes les orientations internationales évoquées auparavant appellent à permettre aux jeunes générations à rester à l'école le plus longtemps possible, autrement dit à développer l'enseignement secondaire et supérieur. Pourtant, un pays comme la Suisse qui est un pays riche, qui peut amener beaucoup de jeunes à l'université, ne le fait pas. Pourquoi? Parce qu'il y a des orientations nationales pour favoriser l'apprentissage professionnel en alternance, et donc résultat en Suisse, on a une articulation entre une tradition nationale qui, disons, qui permet aux élèves âgés de 15 ans d'aller pour 50 % à l'apprentissage en alternance, mélangée avec des orientations internationales qui font la promotion de l'éducation supérieure et de l'éducation tertiaire, et donc on a ces deux orientations en même temps. Autrement dit, oui il y a de plus en plus d'orientations internationales, mais ça veut pas dire que les orientations nationales disparaissent. [MUSIQUE] [MUSIQUE]