[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je vais vous parler de deux apports possibles de l'éducation bouddhiste à partir de ce questionnement de départ. Chez nous, dans le contexte dit occidental, Europe, États-Unis, il y a tout ce qui est de l'ordre de la mindfulness ou de l'attention, mais c'est un autre chapitre, qui a en commun, par contre, cette leçon d'éducation contemplative. Et un exemple que je vous donnerai, c'est celui de l'université Naropa, qui reprend le nom d'une grande université du XIIIe siècle, si je ne me trompe pas, en Inde, et qui vraiment s'est inspirée des principes de l'éducation bouddhiste pour mettre en œuvre son curriculum, et qui pratique cette éducation contemplative, y compris dans les cours à distance. Il s'agit d'écouter pour bien entendre avec beaucoup d'attention, et là , on retrouve la question de l'attention en commun avec le mindfulness, de prendre du temps pour bien comprendre tout ce qu'il y a avec la leçon présentée, et de prendre ensuite un temps de méditation à partir des notions qui sont amenées, qui peuvent être de la psychologie. C'est plutôt les diversités de sciences humaines. Ce temps de méditation correspondant à l'idée bouddhiste que c'est dans le lâcher prise que les prises de conscience vont émerger et qu'on va sortir aussi de ses circuits habituels. Ça, c'est un exemple. L'autre exemple serait, ce n'est pas directement lié à la pédagogie bouddhiste, mais quand même, l'apport des pédagogies du Sud à la formation des enseignants dans le Nord global, on va dire. C'est un formateur d'enseignants d'origine indienne qui s'est inspiré de ses propres origines et a pris en Australie en formation des enseignants, et a aussi invité tout ce qui est de l'ordre des pédagogies traditionnelles aborigènes et d'autres en Australie pour donner des alternatives à la vision européenne des Lumières, et montrer qu'il y a d'autres formes, dans le but d'encourager une pédagogie de respect chez les enseignants, qui accueillent une diversité de populations avec des croyances et des pratiques différentes. Ça, ce sera un autre exemple de l'apport des pédagogies du Sud en formation des enseignants, par exemple. Je voudrais aussi vous parler d'une autre problématique assez délicate, c'est qu'il y a des pays bouddhistes comme le Laos, la Thaïlande ou les Tibétains en exil à Dharamsala en Inde, qui se sont trouvés à un moment donné face à cette nécessité de se poser la question à deux voies séparées : la voie monastique, les enseignements de monastère ; et la voie de l'école publique héritée de l'école coloniale. Et là , la question c'est : est-ce que des pédagogies traditionnelles ancrées dans cette religion, philosophie ou éducation traditionnelle comme on veut l'appeler, pourraient revitaliser ou amener une couleur plus identitaire aussi dans l'école de ces pays-là ? Pour les Tibétains en exil, ils ont d'abord agi dans l'urgence de l'exil. Il y avait une école qui était très inspirée de l'école anglaise, et le débat n'était pas du tout le débat bouddhiste traditionnel, par exemple, mais vraiment le débat à l'anglaise. Et ils se sont trouvés face à cette nécessité de passer des valeurs qui étaient liées à leur culture, à leur religion, et qui ne passaient pas dans ce système-là . Il y a eu tout un mouvement de tibétanisation de la formation, des enseignants et des élèves, par exemple dans les écoles du Tibetan Children's Villages. Là , il y a eu un souci de remettre des valeurs traditionnelles dans les formes d'enseignement inspirées de différentes pédagogies, notamment aussi Montessori, donc une combinaison de pédagogies. Je pense que la question au Laos, et encore un peu différemment en Thaïlande, est différente. Il y a eu souvent deux voies séparées à la voie monastique. Et puis, au Laos par exemple. au début du XXe siècle, les moines avaient, comme traditionnellement dans les pays bouddhistes, cette fonction d'alphabétiser, d'amener les compétences de base, lire et écrire à la Sangha, la communauté laïque. Et ils ont été formés, ils intervenaient dans les écoles publiques, et puis, avec l'évolution politique aussi, parallèlement à l'école française coloniale etc. Ensuite, il y a eu une période où, avec l'arrivée des communistes du Pathet Lao, l'éducation a changé de forme. Elle s'est adressée au plus grand nombre, alors que l'éducation à la française était plus adressée à l'élite, et les moines ont été évacués de la formation. Et actuellement, on voit deux voies. C'est une synthèse qui se fait quand même dans des lieux différents, mais on voit qu'il y a une circulation qu'il n'y avait peut-être pas au départ entre moines, souvent dans les villages aussi, parce que c'est aussi l'accès à la formation, qui se rendent ensuite en ville, et qui quittent parfois les ordres pour faire d'autres métiers dans la société civile, en ayant suivi en parallèle l'école publique et la voie monastique. La question est un petit peu différente en Thaïlande où, comme dans d'autres pays ou dans d'autres traditions, l'école bouddhiste était plutôt adressée aux élèves qui échappaient à l'école publique, donc dans les zones reculées, dans les zones villageoises. Par ailleurs, il y a le fait que tout homme thaï passe un certain temps au monastère, et prend, comme ils disent, les ordres de façon temporaire, et en ressort, tout en restant dans la vie laïque. Mais là , je pense qu'on ne peut pas dire qu'il y a synthèse ou hybridation des systèmes éducatifs. Et je pense que là , il y a un défi assez grand. Ce sont des innovations éducatives qui impliquent un tas d'autres facteurs. Il y a aussi en Thaïlande une grande université bouddhiste qui attire des gens de partout. Et peut-être juste pour terminer, un des enjeux importants de cette hybridation c'est le fait que l'éducation doit donner accès à un travail, donc elle doit répondre à des normes qui sont plus généralisées. Et si on pense à l'éducation supérieure par exemple, l'université bouddhiste, il faut qu'elle puisse permettre aux étudiants d'éventuellement étudier dans d'autres universités de façon transnationale. Là , il y a une série d'enjeux délicats. Je ne vois pas exactement comment on pourrait le faire. C'est différent chez les Tibétains parce que c'est une communauté relativement réduite, quand même. Ce n'est pas la même chose au niveau d'un pays. Il faut tenir compte des aspects sociaux et politiques aussi. [MUSIQUE] [MUSIQUE]