[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans une recherche sur l'éducation préscolaire à Madagascar, j'ai demandé aux éducatrices malgaches : Y a-t-il des jeux traditionnels pour les enfants de trois à cinq ans? Les éducatrices m'ont répondu : Nous n'avons pas de jeux traditionnels. Évidemment, je n'ai pas cru les éducatrices, j'ai reposé la question et j'ai demandé aux assistants de recherche malgaches de faire un recensement systématique des jeux traditionnels malgaches. Savez-vous combien nous avons repéré? Plus d'une centaine de jeux. Et nous avons sélectionné 30 jeux traditionnels pour imprimer un guide de la mise en œuvre des jeux traditionnels dans l'école maternelle malgache. Qu'est-ce qu'on peut retenir de cette histoire? On peut retenir qu'en Afrique, souvent, il y a un divorce entre le patrimoine pédagogique et les techniques traditionnelles et l'école dite moderne. Et donc, je vais vous parler, dans cette séquence, de différentes techniques qu'on peut utiliser à l'école moderne, et qui en fait proviennent de l'éducation traditionnelle. La première de ces techniques c'est les contes. Évidemment, les contes sont d'un usage universel, mais dans l'éducation traditionnelle en Afrique, les contes ont un statut très particulier. Vous avez des familles de conteurs. Les contes sont utilisés pour évoquer les traditions des peuples, pour évoquer les migrations, pour évoquer les conflits, et donc, l'utilisation des contes peut avoir une valeur pédagogique très importante. La deuxième technique est celle des proverbes. Tous les Africains, tous les jours produisent des dizaines de proverbes. Quelle est l'utilité pédagogique des proverbes? L'utilité pédagogique des proverbes c'est leur capacité à transmettre des valeurs morales et éducatives. Et donc, les proverbes constituent un potentiel important pour la transmission. Ensuite, nous avons les devinettes. Les devinettes, il s'agit évidemment d'exercer l'esprit des enfants pour deviner la solution d'une énigme, d'une formule. Et dans l'éducation traditionnelle en Afrique, souvent, les adultes produisent des devinettes, et ils demandent aux enfants de répondre, ce qui permet aux enfants d'exercer leur mémoire, leur réflexion, et de les intéresser aux réalités des peuples et des communautés en question. Les légendes sont une autre technique par laquelle les pédagogies traditionnelles en Afrique transmettent du savoir. Évidemment, tous les peuples africains possèdent des légendes. Les légendes sont souvent en lien avec les ancêtres. Les légendes permettent à l'individu de se situer dans l'histoire, et donc elles ont une très grande valeur pédagogique. D'ailleurs, dans nos écoles modernes, on utilise souvent des légendes. Des cours d'histoire peuvent faire l'objet de la mobilisation de légendes. Il existe aussi d'autres types de techniques sur lesquelles je ne vais pas rentrer dans les détails. Il y a les techniques des jeux physiques. Souvent, en Afrique, les jeux physiques sont typés : des jeux de garçons ou des jeux de filles. Ces jeux utilisent à la fois la capacité des enfants à se déplacer dans l'espace, l'habilité à maîtriser des fils, l'habilité à utiliser des pierres, l'habilité à monter sur des arbres, l'habilité à sauter autour du feux. Je peux multiplier les exemples. Maintenant, je vais rentrer dans une technique un peu mystérieuse. C'est la technique de la peur et du mystère. Autrement dit, en Afrique, souvent quelqu'un peut dire à un enfant : Si tu n'es pas sage, je vais t'envoyer la foudre. Si tu te comportes mal, je vais faire un mystère qui va t'empêcher de bien vivre. L'intérêt de ce type de technique c'est de discipliner les enfants, par exemple de les protéger de certains dangers, de les empêcher d'aller dans la forêt, d'explorer une rivière dangereuse. Une dernière technique que je souhaite commenter est celle des rites d'initiation, qui ont fait l'objet d'une autre séquence. Évidemment, à l'occasion des rites d'initiation, on apprend beaucoup de choses. Les rites d'initiation font l'objet d'une transmission de savoir en lien à des capacités physiques, mais aussi savoir spirituel, savoir historique. Souvent, dans les rites d'initiation, on utilise aussi les devinettes, les proverbes. En résumé, toutes ces techniques que je viens de décrire peuvent être utilisées en même temps. En conclusion, en parcourant toutes ces techniques traditionnelles de transmission en Afrique, je ne suis pas en train de dire qu'on peut toutes les utiliser au sein de l'école. Évidemment, ça va dépendre de l'âge des enfants, du contexte d'apprentissage. Mais ce qu'on peut dire, le fait que ces techniques traditionnelles soient exclues de l'école est un énorme gâchis. L'école contemporaine en Afrique ne sera pas appropriée au peuple africain tant qu'une bonne partie de leur patrimoine pédagogique est exclu de l'école. Et il faut vraiment former les enseignants, former les éducateurs pour mettre en œuvre des activités liées à ces pratiques et techniques traditionnelles de transmission. [MUSIQUE] [MUSIQUE]