[MUSIQUE] [MUSIQUE] Alors, bonjour Neil. Est-ce que tu peux te présenter? >> Alors, je travaille au laboratoire antidopage depuis maintenant 18 ans. J'ai eu la chance de faire un travail de diplôme sur les anabolisants. Et par la suite j'ai fait un travail de doctorat sur la manipulation de l'erythropoïèse qui comporte notamment la manipulation due à la prise d'erythropoïétine, après de transfusions, et puis on a aussi travaillé en fait sur les caissons hypobariques ou normobariques pour voir en fait quelle était l'influence de ces, je dirais éléments sur les variables sanguines. Donc, et puis maintenant je suis en fait responsable du passeport hématologique, du passeport endocrinien et stéroïdien, et puis je m'occupe également donc ici des analyses sanguines pour justement le passeport hématologique. >> Donc, tu es spécialiste du passeport on va dire biologique qui est une espèce de terme générique. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qu'il y a dans ce passeport biologique, comment ça fonctionne. >> Alors en fait, ce qui est intéressant avec le passeport biologique, c'est que justement >> quand j'ai commencé mes études ici, c'est qu'on a commencé à faire des analyses sanguines sur les cyclistes. C'est ce qu'on appelait le no start rule, qu'était en fait pour empêcher les athlètes de participer à des compétitions avec des valeurs d'hémoglobine ou d'hématocrite trop élevées. Et puis très rapidement on s'est rendu compte que ce no start rule avait des limites parce qu'on avait des individus qui avaient des hématocrites basses et qui pouvaient quand même se doper jusqu'à atteindre par exemple la fameuse limite de 50 %, puis on s'était dit pourquoi pas plutôt associer les variables ensemble puis suivre en fait les individus de manière individuelle. Et c'est comme ça qu'on a eu l'idée de mettre en place le passeport biologique. C'est pas nous qui l'avons inventé. C'est les italiens, donc c'est Malcovati qui avait lancé ça avec Cazzola. Ils avaient fait une publication, je crois dans les années 2000, mais ne donnaient pas de solution. Ils disaient il faut faire ça mais pas comment le mettre en place. Et puis nous c'est ce qu'on a fait en fait comme travail ici au laboratoire, c'est de mettre en place les stratégies pour pouvoir en fait suivre ces variables dans le temps. >> Donc le grand changement, la rupture, c'est plutôt que de prendre à un moment T >> c'est longitudinal. Vous allez suivre sur combien de temps? Sur des années, des mois, des semaines? >> Alors en fait, il y avait Monsieur Garnier donc qui était le docteur Garnier qui était responsable en fait de l'aspect médical au sein de la WADA. Il parlait souvent de l'idée, on est passé en fait de la photographie au film. Donc, c'est une vraie évolution qui est intéressante parce qu'on prend les variables dans le temps et on les suit. Et puis, aujourd'hui on a commencé donc le passeport hématologique dans les années 2007, 2008. Donc on a toutes ces données qui sont récoltées dans le temps. Maintenant, il y a toute une discussion, est-ce qu'il faut prendre tout l'ensemble des données ou il faudrait plutôt prendre des périodes, dire on suit les athlètes sur une période de 2 ans, ou 3 ans, puis après on efface les valeurs antérieures ou du moins on les garde en termes d'observation, on tiendrait pas compte de toutes ces valeurs je dirais sur le long terme. >> Et par rapport au passeport biologique, quand on parle de passeport hématologique c'est un des modules du passeport biologique? Comment ça s'articule? >> Alors, le passeport biologique effectivement, il y a peut-être un abus de langage. Le passeport biologique comporte différents modules. Certains ont été lancés il y a quelques années, c'est notamment le passeport hématologique. L'année dernière a été lancé le passeport stéroïdien. On analyse les variables non pas dans le sang mais dans l'urine. Et là on travaille actuellement sur le passeport endocrinien. Donc, on travaille sur des variables similaires aux variables qu'on trouve dans l'urine mais simplement on les analyse dans le sang. >> D'accord. Et alors, le passeport hématologique, si on prend ses modules ou ses dimensions c'est quoi plus précisément? >> Alors, le passeport hématologique effectivement, il a été mis à la base essentiellement pour lutter contre dopage sanguin. Donc, c'est essentiellement la prise d'érythropoïétine, toutes les formes d'érythropoïétines, première, deuxième, troisième et quatrième génération. Maintenant, on l'utilise essentiellement pour lutter contre la transfusion. Donc, il y a 2 types de transfusion. La transfusion homologue, donc c'est un donneur sain qui nous donne du sang, et la transfusion autologue aujourd'hui qu'on a beaucoup de difficulté à détecter, et c'est pour ça que le passeport hématologique est aujourd'hui l'unique outil qu'on peut utiliser pour détecter les individus qui se dopent de cette manière là. Il y a d'autres éléments qu'on essaye d'intégrer notamment l'analyse des iii qui sont donc des résidus de plastique que l'on trouve dans les échantillons qui sont dus en fait à la conservation en fait du sang dans ces poches. Le plastique diffuse, et on peut trouver ces indices-là. >> Et alors, si des sportifs utilisent des bouteilles en verre, vous aurez pas ce type d'indices. >> Alors effectivement, il existe des plastisizers-free. Donc, ce sont des sacs qui ne libèrent pas ces plastiques qu'on peut acheter notamment aux Etats-Unis, qui sont pas encore je dirais sur le marché européen. Mais effectivement les athlètes ont simplement switché d'une poche à une autre et ça ne fonctionne plus. Et c'est pour ça que le passeport aujourd'hui hématologique est l'unique outil qu'on peut utiliser pour identifier les athlètes qui ont recours à ce type de dopage. >> Et, ce qui confond les athlètes, c'est vraiment des changements >> par rapport à l'information que vous avez stockée. >> Alors en fait, ce qu'on regarde c'est des modifications de ces variables. Il y a des variables qui sont indépendantes. Il y en a certaines qui sont corrélées. Mais simplement c'est d'associer ça par rapport au calendrier de compétition. On essaye toujours de trouver la normalité qui est liée à un calendrier de compétition pour qu'on puisse sortir un scénario de dopage. En principe, les athlètes se dopent pour des compétitions. Donc, on essaye de voir si la manipulation correspond à une volonté de se doper pour un événement bien particulier. Et on essaye de mettre ça ensemble pour n'arriver qu'à un scénario de dopage, et dès l'instant où on a ces éléments ensemble, ensuite, on est bon. >> Maintenant que les athlètes savent ça, est-ce qu'ils ne vont pas se doper plus à l'entraînement pour éviter d'être pris aux compétitions? >> Alors, justement il y a plusieurs types de test. Il y a des tests en compétition, il y a des test hors compétition, et c'est l'association de ces éléments là qui permettent de savoir si un individu veut se doper plutôt en compétition ou hors compétition. Donc, dès les individus qui sont suspects, qui sont identifiés, on demande plus de tests urinaires, plus de tests sanguins, pour essayer en fait de les attraper à un moment bien particulier. Et ils deviennent suspects par rapport à des changements de norme sur certains indices que vous pouvez avoir, certains produits? Il y a des variables qui évoluent dans le temps, c'est normal. Je veux dire, l'hémoglobine elle augmente par exemple si on va en altitude, elle diminue par exemple si on effectue une compétition, donc il y a ce que l'on appelle une hémodilution. Donc les valeurs elles ont tendance à diminuer. Mais simplement que, lorsque ces variables elles changent de manière non prévue, non prédictible, à ce moment-là, ces individus-là sont mis sur une liste noire, appelons ça comme ça, et puis là on diligente des tests ciblés notamment de transfusion, pour la transfusion homologue toujours, ou simplement d'aller rechercher par exemple de l'erythropoïétine soit dans l'urine soit dans le sang. >> Et on sait qu'il y a des différences entre les individus. Ces types de méthode permettent de prendre en compte ces différences sur la physiologie individuelle? >> Alors, justement c'est ça qui est intéressant avec le passeport biologique, c'est que, on ne suit plus un individu par rapport à un groupe, on suit l'individu par rapport à lui-même. Donc, s'il a des variabilités qui sont physiologiques plus importantes qu'un autre, le modèle adaptif en tient compte. Et c'est pour ça qu'on peut séparer les individus en fonction de si c'est un cycliste, si c'est quelqu'un qui fait de l'athlétisme, si c'est un européen, si c'est un africain et tout ça, on sort de cette logique de limite de population pour arriver à des limites individuelles. Et c'est pour ça que l'approche du passeport est quand même plus spécifique, est quand même plus ciblée, et puis on évite tous ces problèmes de discussion notamment lorsqu'on va au tribunal pour dire, mais mon athlète il a des particularités physiologiques. Probablement. Mais le modèle adaptif tient en considération ces éléments-là. >> Et en quoi la perspective du passeport stéroïdien, puisqu'on parle >> aussi de passeport stéroïdien, qu'est-ce qu'elle va apporter en plus par rapport au passeport hématologique? >> Alors, le passeport hématologique il permet donc de lutter contre le dopage sanguin essentiellement. Le passeport stéroïdien c'est plutôt le dopage à l'aide des anabolisants, de type testostérone, nandrolone, stanozolol, et tous ces hormones que l'on prend de manière exogène elles vont avoir une incidence sur le profil stéroïdien. Et on voit des changements, dus notamment à la prise d'anabolisants. Il y a un affaissement général du profil stéroïdien. A ce moment-là on peut identifier ce qu'ils manipulent et après il faut simplement aller chercher spécifiquement les molécules que l'on souhaite. >> Est-ce que vous les faites ensemble ou vous ciblez en disant, l'hématologie ça va être plutôt pour des sportifs qui vont faire de l'endurance, ou des sportifs qui sont plutôt sur le travail explosif, vous allez être plutôt sur du stéroïdien ou? >> Je pense qu'il faut distinguer, il y a des populations à risque, >> je vais pas citer les sports, mais les sports qui sont plutôt je dirais sujets à prendre des anabolisants, d'autres qui sont plutôt sujets à prendre des produits de type stimulation de l'erythropoïèse pour augmenter en fait la masse érythocytaire. Il y a des sports où il y a une combinaison des 2. Alors, aujourd'hui par exemple, lorsqu'il y a le Tour de France, le Tour de Romandie, on va regarder les 2 profils en parallèle. On regarde le profil stéroïdien et le profil sanguin. En principe, en principe c'est pas toujours le cas, mais ceux qui se dopent d'une méthode risquent de se doper à l'autre méthode. Donc en fait on regarde les 2, et ceux qui sont suspects dans le profil stéroïdien le sont souvent dans le passeport hématologique. Donc en fait on regarde les 2 éléments. Il faut savoir que les prélèvements sont pas dans le même, dans l'espace temps sont différents. Le passeport sanguin, c'est les tests qui sont effectués en compétition, hors compétition. Par contre, le passeport stéroïdien souvent, l'athlète il est testé lorsqu'il gagne une compétition. Si quelqu'un est sur le podium, Il est testé immédiatement après. Donc, on voit qu'il faut combiner les éléments pour identifier ceux qui se manipulent. Et à partir de là, c'est soit des diligentes et des tests intelligents, ou effectivement d'ouvrir un cas, une procédure. >> Et cela, il faut le faire assez vite, parce que les traces, parce que vous cherchez des traces d'anabolisants ou autres? Et ces traces, elles disparaissent très rapidement? >> Alors, il y a plusieurs stratégies aujourd'hui. Effectivement, soit on fait, donc nous on fait du ciblage de manière, en temps réel. Donc, par exemple, là il y a des analyses qui sont effectuées. Toutes ces données vont être entrées dans la base de données ADAMS, et on va faire un ciblage immédiatement dans le courant de la journée. Donc, dans le courant de la journée, on pourra identifier quels sont les tubes sur lesquels il faudra effectuer par exemple une recherche d'érythropoïétine. Maintenant, il y a une autre stratégie, c'est que ces tubes-là, ils vont être conservés. Ils vont être conservés à long terme, ou à moyen terme. Et en fonction de l'évolution du passeport, on peut retourner sur les échantillons. C'est ce qu'on appelle, les analyses rétrospectives, et trouver notamment des agents anabolisants, ou des, ou même des traces d'érythropoïétine. >> Mais si >> vous prenez un échantillon un temps a, est-ce que alors vous avez un délai pour pouvoir faire l'analyse? Mais la personne qui a pris les produits, combien de temps après il faut pouvoir prélever cet échantillon? Pour avoir une indication de la prise de produit? >> Alors, c'est très dépendant du produit, >> du mode d'administration, et des individus. Cela, c'est le grand, grand, grand problème. Si on prend par exemple l'érythropoïétine, le temps de demi-vie est extrêmement court. Donc, cela veut dire qu'elle va être très vite éliminée. Alors, on a deux approches. Soit on prend le sang, où c'est encore plus court. Mais vu qu'on a le sang, cela vaut la peine de rechercher. Ou soit où il faut faire un test urinaire, mais cela prend du temps, il faut identifier l'athlète, aller le chercher, et tout cela. Par contre, l'avantage de l'urine, c'est que la fenêtre de détection est un peu plus grande que le sang, en ce qui l'érythropoïétine. Maintenant, si on parle de transfusion, la transfusion homologue, la fenêtre de détection est de quelques semaines, voire quelques mois. Donc, on a quand même pas mal de temps d'aller rechercher. Pour les anabolisants effectivement, ce n'est pas toujours facile. Mais il faut savoir qu'on a des outils analytiques maintenant qui sont extrêmement performants. Et on a des fenêtres de détection pour certaines molécules qui sont quand même, qui sont quand même importantes. >> On parle aussi du passeport endocrinien. Est-ce que c'est quelque chose qui existe déjà? C'est un projet? Cela correspond à quoi? >> Alors en fait, le passeport endocrinien, >> il veut dire beaucoup de choses. En fait, ce qu'on veut chercher c'est différents types d'hormones, ou classes d'hormones et on va les identifier dans le sang. Alors si je prends par exemple l'hormone de croissance, il existe aujourd'hui un test de détection directe qui est efficace, mais la fenêtre de détection est très courte. Donc, l'idée c'est de travailler, >> C'est-à-dire, très courte, c'est deux jours? C'est, >> C'est beaucoup moins. On calcule en heures. >> En heures! >> On calcule en heures. Donc, c'est effectivement là le problème de lutte. >> Donc, vous, >> L'hormone de croissance. >> Oui. Vous n'allez pas pouvoir, il faudrait prélever et faire tout de suite l'analyse presque. >> Donc, il faut identifier la personne, il faut faire un prélèvement, et puis il faut être un peu chanceux. Donc, pourquoi je dis chanceux? Eh bien, il faut d'abord savoir ceux qui manipulent. Cela, on arrive à savoir ceux qui manipule. Mais après, il faut l'arrêter au bon moment. Il faut l'arrêter au bon moment. Le passeport, je dirais endocrinien, l'idée c'est d'aller chercher des marqueurs, et à nouveau, de les suivre dans le temps. Donc, on a cette stratégie-là pour lutter contre l'hormone de croissance, et d'avoir une fenêtre de détection beaucoup plus importante. Aujourd'hui, il y a un deuxième test, qui est le test des marqueurs secondaires, qu'on mesure. Notamment, P3NP, et IGF. Et actuellement, on travaille seulement sur une valeur ponctuelle. Et l'idée, c'est de prendre ces variables et de les suivre dans le temps. Et à ce moment-là, on aura probablement une fenêtre de détection qui sera élargie. >> Et cela, on arrivera à la faire dans combien de temps? >> Cela, il faut faire des études cliniques. Donc il faut passer le comité d'éthique, il faut les financement, il faut mettre tout cela en place. Donc, prendre, donner une, je dirais une fenêtre dans le temps est quand même difficile, parce qu'il y a différents groupes qui travaillent là-dessus. Alors, nous, on travaille là-dessus, mais il y a peut-être un groupe australien ou américain qui travaille. Donc, tout à coup, on a des données supplémentaires, et puis on fera un bond en avant. Aujourd'hui, je ne peux pas exactement dire quelle sera en fait la période, en fait que le test sera mis. >> On a des validations, des évaluations de ces passeports? Des coopérations aussi au niveau recherches? Comment cela se passe ces évaluations? >> Pour le passeport endocrinien? >> Pour le passeport en général. Les différentes dimensions. >> Le passeport en général? Alors, cela fonctionne de la manière suivante. Le laboratoire de Lausanne, ou le laboratoire de Montréal ou de Paris, ils effectuent les analyses comme on vient de voir. Les échantillons en fait sont stockés. En revanche, les analyses, les résultats d'analyse sont envoyés directement dans une base de données qu'on appelle ADAMS. À ce moment-là, l'échantillon qui est totalement anonyme, est associé à un athlète de manière anonyme, ce qu'on appelle le BP ID. Et à ce moment-là, on a des profils qui sont, si vous voulez, dessinés. Et le système met en place des systèmes d'alerte automatique pour nous dire, cette variable sort des limites individuelles. À ce moment-là, il y a une APMU. Donc, c'est un, c'est une unité en fait qui évalue les profils, et qui détermine s'il a déjà eu des profils anormaux ou pas. >> Et qui, une unité qui est à l'Agence mondiale antidopage? >> Alors, c'est des unités indépendantes. Il existe deux stratégies. Soit elle est associée à une agence nationale. Ou à une fédération, ou encore associée à un laboratoire antidopage. Ici à Lausanne, on en a une, l'APMU. Et on travaille avec plusieurs, appelons clients, ou fédérations. Il y a la Fédération de cyclisme, il y a l'aviron, il y a l'ensemble des sports qui sont associés à Sportaccord. Donc, on a beaucoup de fédérations qui travaillent avec nous. Et on évalue ces profils, et on diligente des tests. On leur dit, écoutez, ce profil-là est suspect, allez effectuer un test urinaire, sanguin, supplémentaire. Mais les profils, ils sont ensuite, anormaux, ils sont envoyés à un panel d'experts, qui sont indépendants de la Fédération. Ils sont sous notre responsabilité. Et nous, on envoie ces profils. Ils les évaluent, et si un expert détermine que le profil est anormal, et qu'il est dû à du dopage, à ce moment-là, on l'envoie encore à deux experts indépendants, qui sont dans des domaines de compétences différentes. Le premier par exemple peut être en hématologie. Le deuxième peut être un expert en dopage. Et le troisième, par exemple en médecine du sport. Et lorsque les trois experts unanimement disent que le profil est anormal, est probablement dû à une origine de dopage, à ce moment-là, on réunit la documentation. Notamment, le calendrier de compétition, on réunit toute la documentation associée à la chaîne de possession, à l'analyse. Et à ce moment-là, lorsque les experts sont convaincus que la manipulation est due à du dopage, à ce moment-là, on signe ce qu'on appelle un Adverse Passport Finding, et la Fédération, elle ouvre un cas. Et après on termine souvent au Tribunal. >> C'est, c'est vraiment une coopération internationale. ADAMS, tout le monde va alimenter la base. Il y a un labo en Australie, en Afrique, ou en Amérique du Sud, va alimenter, va pouvoir alimenter la base et tout le monde a accès, à partir de numéros anonymisés, c'est cela? >> Alors, les laboratoires sont obligés de rendre toutes les données dans ADAMS. Maintenant, les Fédérations et les Agences nationales ne sont pas obligées. Notre Agence nationale par exemple travaille avec un autre système. Nous, on n'a pas le choix, on est obligé de rendre dans ADAMS. Mais c'est vrai que l'idée, c'est d'avoir une seule base de données, et puis qu'on puisse partager l'information. C'est-à-dire qu'un athlète suisse qui réside en Italie, l'Agence nationale italienne peut tester cet athlète, mais l'ensemble des données est partagé entre la Suisse, l'Italie et la Fédération. Donc, on voit qu'on évite ainsi des tests inutiles. >> Et vous, vous avez uniquement des codes. Mais dans ADAMS, il y a aussi des localisations. Alors qui fait le lien entre ces codes et les localisations? >> Alors nous, on n'a pas accès à cela. On a accès uniquement à, donc le numéro de l'échantillon. Et l'identité de l'athlète par un BP ID en code. C'est comme un code de passeport, il faut s'imaginer cela. Par contre, quand un cas est disons ouvert, et puis que les experts souhaitent avoir le calendrier de compétition, à ce moment-là, ils passent par nous. Et nous, on demande à la Fédération. La Fédération a l'ensemble de ce qu'on appelle les whereabouts, donc les localisations des athlètes. Et à ce moment-là, eux, ils nous fournissent un tableau, un sorte de fiche Excel. On a les lieux de compétition, et cela, on fournit ensuite aux experts. >> Et, on parle parfois de qualification des passeports. Qu'est-ce que cela veut dire, cela? >> On qualifie un passeport comme normal, suspect, ou anormal. C'est des catégories qu'on a définies ici à l'interne. On pourrait appeler cela des passeports a, b, c, cela n'a pas, cela n'a pas tellement d'importance. L'essentiel, c'est de savoir ceux qui sont, je dirais suspects, c'est qu'on focalise plus sur ces passeports-là. Quelqu'un qui est normal, il ne faut pas s'acharner dessus. Et puis surtout, il faut dédier les ressources à disposition pour les athlètes qui manipulent. Et surtout l'intérêt du passeport, il n'y a pas des milliers de cas qui ont été ouverts. Si on peut regarder sur les sites internet, le cyclisme, la Fédération d'athlétisme, ils ont ouverts peut-être une centaine de cas. Mais ce qui est intéressant avec le passeport, c'est qu'on diminue ou on donne une chance à ceux qui ne se dopent pas. Et puis surtout, on diminue en fait la prévalence. Donc, cela a un effet déterrent extrêmement efficace. Et puis, c'est comme cela qu'on peut donner une chance à ceux qui ne se dopent pas. >> Avec l'expérience que vous avez du passeport, vous voyez sur quelques années des prévalences qui diminuent? Sans citer des sports en général? >> Alors, effectivement, il est très difficile pour savoir s'ils ne se dopent plus. Par contre, ils se dopent moins. Et cela, on peut le voir. Alors cela, c'est extrêmement efficace. On voit bien un changement d'attitude. Les Fédérations qui mettent en place le passeport, on voit un changement de comportement de manière importante. Cela veut dire que si vous prenez la voiture, puis vous allez de Lausanne à Genève, vous roulez à 120. Vous êtes totalement dans les normes. Si vous roulez à 125, vous allez devoir freiner parce qu'il y a des radars. Est-ce que vous allez arriver vraiment plus rapidement à Genève? Je ne suis pas convaincu. Et en fait, je crois aujourd'hui avec le passeport, c'est cela. C'est qu'on a réduit l'écart entre ceux qui roulent normalement, et ceux qui roulent trop vite. >> Donc, on a fait des progrès à la fois en termes de justice, puisque les différences sont moins importantes, et aussi en termes de santé, grâce au vrai sport. >> Je pense que c'est la plus grande réussite du passeport aujourd'hui. C'est qu'on a diminué le risque sur la santé des athlètes. Et on a diminué en fait la différence entre ceux qui se dopent et ceux qui ne se dopent pas. >> Est-ce que le passeport permet aussi d'être en veille par rapport à de nouvelles substances, par rapport à de nouvelles techniques de dopage? >> Alors effectivement, nous avons été le laboratoire qui a mis en place le test de la détection de la transfusion homologue. Et en fait l'idée, c'était très simple, c'est qu'on observait les variables, donc hématologiques, et on vérifiait aussi des variables, par rapport au suivi médical. Et on suivait notamment la ferritine. Et c'est un paramètre extrêmement intéressant, parce que quand vous vous dopez à l'EPO, la ferritine a tendance à baisser. Si vous, au contraire, vous vous dopez avec de la transfusion, la ferritine augmente. Et en fait, en faisant ce simple système de vérification de la ferritine, des variables de ferritine, et des variables hématologiques, on a pu identifier qu'il y avait un shift, un changement de comportement, du dopage à l'EPO au dopage à la transfusion. Et cela, c'est apparu à peu près en 2003, à peu près. Et c'est comme cela qu'on a mis des ressources en place, ici au laboratoire, pour mettre en place le fameux test pour la détection de la transfusion homologue. Et puis, les premiers cas étaient en 2004. Prenons notamment le, les Jeux olympiques. Il y a eu des cas après, un peu plus tard. >> Et pour le grand public, le grand public a l'impression qu'il y a tous les jours de nouvelles molécules, de nouveaux produits, et a toujours l'impression que la lutte antidopage a un peu de retard. Est-ce que c'est le cas ou pas? >> Alors, c'est très intéressant, parce qu'on a actuellement deux stratégies. Une stratégie, c'est de travailler avec l'industrie pharmaceutique. Le cas de la CERA est un excellent exemple. On a travaillé avec l'Agence mondiale antidopage, le fabricant, donc Roche, pour pouvoir le citer, et le Laboratoire antidopage. Et on a travaillé main dans la main, pour que, lorsque la molécule serait le marché, on aurait un test à disposition. La CERA a été mis en marché début 2008. Et en 2008 déjà, les premiers cas tombaient. Il faut rappeler par exemple que l'EPO, de manière artificielle je veux dire, a été mise en place fin des années 80. Et le premier test validé, accepté, était en 2000, 2001. Donc, on voit qu'il y a eu une énorme différence de temps, tout simplement parce qu'on travaille avec l'industrie pharmaceutique. On travaille sur d'autres molécules encore aujourd'hui. Donc cela, c'est le premier élément. Le deuxième élément, ce qui est intéressant c'est qu'aujourd'hui, on parle d'EPO de quatrième génération, cinquième génération, les biosimilaires et tout cela. Eh bien le passeport, il les identifie tous. Parce qu'on ne cherche pas la molécule elle-même, on cherche les effets. Donc, si vous avez la possibilité de créer, ici à l'université, une EPO spécifique, avec une fenêtre de détection incroyable, indétectable, eh bien nous on sera capables, puisqu'on va chercher les effets. On ne va pas chercher la molécule elle-même. Donc, c'est pour cela que le principe de ce passeport est extrêmement intéressant, c'est que les ressources pour identifier la molécule sont quand même limitées parce qu'on va chercher simplement les effets. >> Merci beaucoup Neil. >> Je vous en prie. [MUSIQUE] [MUSIQUE]