[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo intitulée Le courant autoritaire. Cette vidéo a deux objectifs. Le premier est d'être capable d'identifier le courant autoritaire qui se fonde sur la pensée du philosophe Hans Jonas. Et le second est de savoir les spécificités du courant autoritaire et l'essentiel des critiques auxquelles il a donné lieu. >> Oui, le courant autoritaire, c'est un des courants extrêmement importants de l'écologie politique, il y a beaucoup d'auteurs. Le point de départ de ce courant, c'est un début de constat, parce qu'on est au début des années 70. C'est un début de constat ou en tout cas, une espèce de présupposé, de difficulté voire d'incapacité des systèmes politiques démocratiques représentatifs à faire face aux grandes difficultés écologiques. Alors, on va passer du constat à un positionnement aussi. Et le positionnement consistera à dire non, puisque les régimes démocratiques ne peuvent pas faire face aux difficultés environnementales globales, il convient d'instaurer des régimes autoritaires. Comme on a affaire un peu à une frange un peu délicate, un passage assez délicat entre le constat et puis le positionnement à proprement parler autoritaire, parfois, on va intégrer dans ce courant autoritaire des gens qui ne le méritent pas tout à fait. Je pense, par exemple, à quelqu'un comme William Ophuls, qui dans son premier texte sur la philosophie politique de la rareté, va prôner l'opportunité de mandarins de l'écologie qui décideraient en quelque sorte pour les autres. Là, ça flirte effectivement vraiment avec l'autoritarisme. Mais après, c'est plutôt quelqu'un qui va prôner une démocratie rousseauiste, jeffersonienne, donc c'est assez délicat. Même un auteur plutôt comme Heilbroner a été rangé dans ces autoritaires. Il se pose plus des questions qu'il ne prône à proprement parler un régime autoritaire. Les Allemands, Harich, Gruhl, là on est vraiment plus du côté de gens qui vont prôner un régime autoritaire. Et puis, on a Hans Jonas, sur lequel je vais revenir, alors là, c'est très clair. Il y a une position très ferme, consistant à dire les démocraties ne peuvent pas et il faut passer à autre chose. Mais là, on est partout dans ces textes, on est quand même dans la décennie 70. Ce qui est intéressant et on y reviendra dans la suite de ce cours. Qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui? Très récemment, des Américains comme Sherman et Smith reviennent sur l'incapacité des démocraties à faire face aux problèmes, tout particulièrement au changement climatique. Donc, la question est toujours à l'ordre du jour et nous y reviendrons. Maintenant, quelques mots quand même sur le plus important de ces penseurs autoritaires, à savoir l'Allemand Hans Jonas. Allemand certes, mais qui a, après s'être engagé dans l'armée britannique durant la Deuxième Guerre mondiale, pour aller combattre le nazisme, c'est important de rappeler ça, le nazisme en Palestine, effectivement ensuite, quand il revient, Hans Jonas fait sa carrière aux États-Unis. Et là, c'est vers la fin de sa carrière qu'il va rédiger, durant la décennie 70, son Principe Responsabilité. Pas Principe de responsabilité, mais Principe Responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique. Il développe dans la première partie de ce gros et volumineux livre, très profond, il développe son éthique. Selon lui, les éthiques classiques ne répondent pas au grand enjeu contemporain qui est la responsabilité des actuelles générations pour la qualité de vie, voire la survie des générations futures sur cette planète. Et ce qu'il dit, c'est qu'effectivement, pour assumer cette responsabilité, par rapport aux générations futures, le régime démocratique est un régime inadéquat. Il reconnaît qu'il se trompe peut-être, mais que selon lui, le moteur même des démocraties, c'est en quelque sorte l'hédonisme des foules. C'est le plaisir immédiat. C'est la consommation. Hans Jonas, c'est la génération après celle d'Anders. Justement, ce qu'il dit c'est qu'aujourd'hui, ne nous menacent peut-être pas tant les armes atomiques que la consommation de chacun, que le consumérisme généralisé. C'est ce consumérisme généralisé qui augmente les flux de matières, qui augmente les flux d'énergie, et qui fragilise complètement le système biosphère et qui pourrait soit rendre la vie humaine extrêmement difficile, voire la faire disparaître sur Terre. Et sa position face à ça est très claire. Pour lui, nous sommes dans une situation de philosophie très particulière. La question qui nous est posée aujourd'hui n'est plus celle des Grecs. C'est-à-dire quel serait le meilleur régime en soi qu'il conviendrait de dégager? Mais, dans cette passe très difficile pour le genre humain, quel est le régime qui est le plus rapidement possible apte à restaurer une certaine forme de maîtrise du pouvoir politique sur les techniques? C'est vraiment la grande question d'Hans Jonas. Et pour lui, comme nous sommes dans une situation d'urgence, il n'y a alors que deux possibilités. N'oubliez pas, le livre paraît en 79, donc à la fin de la décennie 70, avant l'effondrement du bloc de l'Est. Donc, pour lui, on a soit d'un côté les démocraties populaires de l'Est, soit les démocraties représentatives de l'Ouest. On vient de le dire, à ses yeux, ces démocraties représentatives libérales sont incapables d'assumer la responsabilité pour le futur, parce qu'elles ont comme moteur l'accroissement de la richesse matérielle du plus grand nombre. En revanche, côté Est, on a affaire à des régimes autoritaires, et les populations sont déjà habituées, et c'est le moins qu'on puisse dire, à une certaine forme de frugalité. Donc, ce sont les régimes de l'Est qui doivent constituer le cadre à partir duquel de nouveaux régimes écologiques pourraient apparaître. Et l'expression qu'il choisit pour décrire grosso modo ces régimes est on ne peut plus claire. Il s'agit à ses yeux d'instaurer une tyrannie bienveillante, on appréciera l'oxymore, une tyrannie bienveillante et bien informée. Qu'entend-il par tyrannie bienveillante et bien informée? C'est tout simplement le fait qu'une petite élite, il ne précise pas vraiment la composition de cette élite, mais on imagine qu'elle comporte aussi un certain nombre de scientifiques, qu'une petite élite doit s'emparer du pouvoir, que cette petite élite n'a aucun compte à rendre au peuple, qu'elle ne doit pas hésiter à recourir au pieux mensonge. Et nous dit-il, dans les régimes de l'Est, le pieux mensonge, on connaît, on a une certaine pratique. On a fait croire aux gens que l'avenir est radieux à l'arrivée, et finalement on leur a imposé un régime de fer. Donc, cette petite élite doit assurer un pouvoir sans faille sur les techniques, doit en quelque sorte mater cette espèce d'appétit de consommation, doit nous faire sortir de la fête industrielle, pour instaurer un régime où on va apprendre, au moins pour l'Ouest, parce qu'on n'a même pas à l'apprendre pour l'ex-Est, à réduire nos consommations, à réduire nos flux d'énergie, et à réduire nos flux de matières. Donc ça, c'est tout à fait l'objectif. Et pour ce faire, dit-il, on ne doit pas hésiter éventuellement à recourir au mensonge. Donc, on a affaire à une petite élite. Le système jonassien ne tient que si cette petite élite est, on pourrait presque dire, vertueuse, savante et vertueuse. Elle doit aussi faire preuve d'une imagination, parce que c'est elle qui va devoir déployer ce qu'il appelle l'heuristique de la peur. C'est-à-dire qu'avant de laisser se développer une technologie, comme on ne peut pas savoir au sens propre du terme quelles seront ses conséquences, on doit en fonction des connaissances que l'on possède, imaginer les pires conséquences possibles, fût-ce dans un avenir loitain, de cette technique vis-à-vis de laquelle on a des hésitations. Et si on imagine qu'elle peut remettre en cause soit la qualité fondamentale de la vie humaine, soit compromettre même la possibilité d'une vie humaine, on ne doit pas hésiter à renoncer à ces techniques. Donc, c'est ce que cette petite élite doit assurer. Mais, très sincèrement, on peut avoir quelques doutes. On va avoir là une élite qui est persuadée de détenir le salut du monde, de devoir assurer une transition pour entrer dans un nouveau régime de croisière, qui sera fondé sur des flux de matières, des flux d'énergie moindres, en ayant totalement tourné le dos au consumérisme. C'est cette transition que doit accomplir cette élite. Mais, là on a une élite persuadée de devoir sauver le monde, persuadée de ses connaissances, et j'y insiste, soumise à aucun contrôle. Pas de Conseil constitutionnel, pas d'élections, pas de responsabilités à rendre devant une quelque instance populaire que ce soit. Or, j'ai bien peur dans de telles conditions qu'une élite au départ assez sage ne finisse par dériver, comme l'histoire humaine nous l'a montré, lorsque l'on a affaire à des gens en petit nombre sans le contrôle, et qui concentrent un trop grand pouvoir. >> Nous arrivons au terme de cette vidéo, et justement dans cette vidéo, nous avons présenté le courant autoritaire qui a pour principale figure le penseur et philosophe allemand, Hans Jonas. Ce courant part du constat que les systèmes politiques démocratiques représentatifs ne sont pas à même de répondre aux défis environnementaux actuels. Seul un régime autoritaire est capable de restaurer une certaine maîtrise du pouvoir politique sur les techniques. Hans Jonas prône à ce titre l'instauration d'une tyrannie bienveillante et bien informée, qui conduirait à une réduction de la consommation et des flux de matières et d'énergie. Selon Jonas, les éthiques classiques ne répondent pas au grand enjeu contemporain qui est la responsabilité des actuelles générations pour la qualité de vie, voire la survie de l'humanité. Nous avons aussi présenté le caractère inapproprié de l'autoritarisme face au problème qu'il prétend résoudre. Je vous remercie d'avoir suivi cette vidéo. [MUSIQUE] [AUDIO_VIDE]