[MUSIQUE] Bonjour à tous, et bienvenue dans cette nouvelle vidéo. Beaucoup d'espoirs ont été mis dans les nouvelles technologies, pour répondre à l'ensemble des défis humains et environnementaux. Alors, nous pouvons nous demander si le double mouvement de tertiarisation et de numérisation de nos sociétés peut sauver la planète. En France, en 1906, 25 % des emplois étaient dans le tertiaire. Leur part dépasse aujourd'hui 60 % dans le monde entier. Le secteur tertiaire regroupant les biens et les services immatériels, il semble logique de déduire que la tertiarisation est favorable à l'environnement. D'ailleurs, en 2004, un rapport de l'institut français de l'environnement, l'ifen, affirmait que la tertiarisation permettait un découplage entre la croissance économique, et les émissions de gaz à effet de serre. Il chiffrait qu'entre 1980 et 1997, la croissance des richesses était de 37 %, quand les émissions de gaz à effet de serre baissaient de 17 %. Et vous le savez, ces chiffres sont aujourd'hui remis en question, puisqu'ils n'intègrent pas le carbone que nous importons dans les produits que nous importons sur notre territoire. A la tertiarisation de l'économie, s'ajoute aujourd'hui la numérisation de la société. Sept milliards d'abonnements mobiles sont opérationnels dans le monde, et 500 milliards de mails sont échangés, chaque jour. La numérisation a un impact direct énergétique et climatique, mais il est négatif. Les technologies de l'information et de la communication, les TIC, contribuent à 10 % de la consommation d'énergie dans le monde. Beaucoup de débats ont eu lieu sur les data-centers, ces grands centres regroupant les équipements des principaux acteurs numériques. Mais, les data-centers ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Ils représentent moins de 20 % de la consommation d'énergie du numérique. 80 % de cette consommation est diffuse. Elle est le fait des utilisateurs. Et nous ne sommes pas toujours conscients de ces réalités. Mais par exemple, utiliser une tablette, ou un smartphone, pour regarder une heure de vidéo par semaine, consomme autant que deux réfrigérateurs sur l'année. Outre la consommation d'énergie, des TIC nécessitent de prélever des ressources, dont certaines, sont de plus en plus rares. Or, ces matières sont peu, ou mal, recyclées. Entre 20 et 50 millions de tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques sont produites chaque année dans le monde. Mais, on estime que moins d'un sixième sont correctement recyclés. Et le numérique est un secteur où, le renouvellement des matériels est extrêmement rapide. La durée de vie moyenne d'un ordinateur est de cinq à huit ans. Celle d'un téléphone portable est de quatre ans, et ces mêmes téléphones ne sont utilisés qu'à 25 % de leur durée de vie. Effets de mode et obsolescences programmées, expliquent l'immense gaspillage de matières lié aux nouvelles technologies. Ces données nous inviteraient donc à conclure que la dématérialisation de l'économie, n'a pas eu les effets environnementaux escomptés. Mais notre analyse est très partielle. Le potentiel d'innovation est devant nous. Le numérique offre des opportunités environnementales majeures. Premier bénéfice : le numérique offre un potentiel d'économies d'énergies et de ressources. Comme nous l'avons vu dans les précédentes vidéos, les réseaux intelligents, les smart grids, permettent d'optimiser la gestion de nos ressources. L'internet des objets, c'est-à -dire l'interconnexion et l'échange des données entre des objets, va révolutionner notre organisation. C'est une réalité en pleine explosion, comme vous le constatez sur ce graphique. En 2020, entre 50 et 80 milliards d'objets, seront connectés dans le monde. Et tous les secteurs seront connectés. En agriculture, par exemple, des capteurs dans les champs permettront d'optimiser l'arrosage ou les périodes de récoltes. Les voitures intelligentes devraient éviter les embouteillages, et les fameuses Googlecars, totalement automatisées, ont déjà parcouru 500 km sans accident, au Nevada. Les villes de Songdo, en Corée du Sud, ou la e-city, en Malaisie, sont des exemples de l'utilisation du numérique pour répondre aux défis écologiques. Le deuxième bénéfice attendu des nouvelles technologies, est qu'elles permettent une relocalisation du travail et de la production. Elles permettent une relocalisation du travail à proximité des habitations, grâce, par exemple, au co-working. Un espace de co-working, est un espace entièrement connecté, qui permet à chacun de venir travailler quelques jours par semaine. Il ne se confond pas avec le télétravail, qui lui, s'effectue à la maison, et pose de gros problèmes d'isolement. Le co-working, lui, est un tiers lieu. Or, les différentes études montrent que 50 % des actifs salariés pourraient recourir à ce type d'organisation, qui permettrait de limiter les transports. Le gain, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, est immense. Entre 1 million et 3 millions de tonnes par an, en France, selon la Commission Européenne. Les nouvelles technologies permettent aussi une immense économie de matière. Vous avez sans doute entendu parler des imprimantes 3D, et de la fabrication additive. Commençons par la fabrication additive. Traditionnellement, pour fabriquer un objet, nous prenons un bloc, dont nous retirons progressivement de la matière, jusqu'à obtenir la forme souhaitée. La méthode additive est inverse : nous ajoutons progressivement de la matière, jusqu'à obtenir la forme souhaitée. Ce qui offre l'avantage, de ne pas gaspiller de la matière. Et ceci est rendu possible, par la combinaison d'un ordinateur, d'un laser, d'une matière, souvent en résine photosensible, et d'une imprimante capable de fabriquer des objets en trois dimensions. Ces imprimantes sont utilisées aujourd'hui en médecine, pour fabriquer des prothèses sur mesure, ou des implants. Elles sont utilisées par les constructeurs automobiles, pour concevoir des prototypes. Et de plus en plus, elles sont utilisées par des particuliers pour fabriquer des pièces sur mesure, par exemple pour réparer leur électroménager. Il suffit pour cela d'échanger des plans, qui se trouvent en libre accès, sur internet. Le particulier devient, non seulement consommateur, mais producteur. Et vous imaginez, là encore, les bénéfices environnementaux de ces technologies, qui économisent de la matière, et des transports. Le troisième bénéfice escompté de la numérisation, est qu'elle permet le développement de l'économie de l'usage et de l'économie du partage. Selon Jeremy Rifkin, dans L'âge de l'accès, le capitalisme est entré dans une nouvelle ère. Il n'est plus fondé seulement sur la propriété du bien, mais sur l'accès à son usage et à l'expérience. C'est le principe du design de services. Alors que, traditionnellement, les entreprises créent un besoin chez le consommateur, pour lui vendre un produit, le design de services part, au contraire, des besoins attendus par le consommateur. C'est ainsi, que les grandes villes ont développé les vélos, ou les voitures, en libre-service. Car les usagers ont besoin de se déplacer, et pas nécessairement de posséder un vélo ou une voiture. Cette économie de l'usage prend une nouvelle dimension avec le numérique, qui permet des échanges entre particuliers. On passe alors de l'économie de l'usage à l'économie de partage, qui est traitée dans une autre vidéo consacrée aux modèles de développement. La tertiarisation, et la numérisation, sont une immense opportunité écologique. Mais, naturellement, la technologie n'est que la moitié de la réponse. L'autre moitié, est une évolution des valeurs et de l'organisation de la société. La première exigence, est de privilégier la qualité à la quantité. Toute société fondée sur l'accumulation quantitative de biens, ne peut relever le défi écologique puisque nous sommes en forte croissance démographique. La deuxième exigence, est une profonde réflexion éthique. Nous avons déjà abordé la question de la protection des données personnelles. Je voudrais aller un tout petit peu plus loin, et vous inviter à réfléchir sur l'impact que peuvent avoir ces technologies, quant à notre distinction de l'humanité et de la nature. Le philosophe Mensvoort, dans Pyramid of Technology, a développé un concept intéressant de next nature. Il propose une pyramide des technologies. Au stade le plus bas, elles ne sont que projets. Elles n'interfèrent pas dans nos vies. En haut de la pyramide, la technologie est tellement intégrée dans nos vies, qu'elle transforme même la nature de l'homme. Ce fut le cas, par exemple, avec la cuisson des aliments, qui a été inventée il y a 200 000 ans. Cette cuisson nous a permis d'ingérer plus de calories, plus facilement. Et par conséquent, de consacrer moins de temps, et moins d'énergie, à la quête de nourriture. Notre système digestif s'est donc rétrécit, et notre cerveau a augmenté. La cuisson a eu un rôle fondamental dans ce qu'on appelle le processus d'hominisation. Qu'en est-il aujourd'hui? La technologie a décuplé nos capacités de calcul ou de mémorisation. Ce que Michel Serres appelle l'exo-darwinisme. Le téléphone portable, par exemple, est devenu un prolongement de nous-mêmes. Mais il reste extérieur à nous. Or, nous sommes aujourd'hui capables d'aller beaucoup plus loin. Nous sommes capables de créer des prothèses auditives, des yeux bioniques, des prothèses de jambes biomimétiques, qui peuvent totalement décupler nos capacités physiques. Où sera alors la distinction entre l'homme, donc, la nature, et la technologie? C'est le débat sur le transhumanisme, et je vous laisse sur cette belle réflexion. [AUDIO_VIDE] [AUDIO_VIDE]