[MUSIQUE] [MUSIQUE] Ce n'est pas forcément la meilleure réponse, c'est une des réponses. Historiquement, les politiques d'environnement ont commencé sur ce qu'on a appelé le mode command and control, c'est-à -dire que la puissance publique, l'État, fixait des règles, des interdictions de faire, des obligations de faire, des normes d'émissions, etc, et les industriels, ou les particuliers, devaient les respecter, sous peine d'amendes, etc. Ce genre de mécanisme fonctionne bien sur des très grosses industries, des très grosses entreprises, qu'on est capable de contrôler avec un corps de contrôle, comme les inspecteurs des installations classées par exemple, en France. Cela fonctionne nettement moins bien quand on s'attaque à ce qu'on appelle les pollutions diffuses, qui sont émises par un nombre très important d'individus. Si on prend un exemple, la sidérurgie rentre dans la première catégorie, mais la pollution automobile rentre dans la seconde catégorie. On imagine mal mettre un inspecteur des installations classées derrière chaque automobile. Donc, dans ces cas-là , on essaie d'envoyer ce qu'on appelle un signal prix aux agents économiques que sont les ménages, les acheteurs, les consommateurs, mais aussi les producteurs automobiles, c'est par exemple le cas du bonus-malus, en favorisant les véhicules qui émettent peu, soit de polluants atmosphériques, soit de CO2, et en défavorisant ceux qui en émettent beaucoup. Les deux instruments sont quelques fois couplés, c'est-à -dire qu'on peut avoir une norme et un avantage fiscal si on va au-delà de cette norme, ou une pénalisation si on ne respecte pas la norme. C'est donc vraiment un des moyens qui a été plus ou moins utilisé selon les pays, Les pays qui ont le plus utilisé l'écofiscalité sont la Scandinavie, tous les pays scandinaves que sont la Finlande, le Danemark, qui est sans doute celui qui l'utilise le plus, la Suède, qui a fait des réformes très importantes dans ce domaine dès le début des années 1990, la Norvège, mais aussi la Suisse, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne. Les pays latins l'ont un peu moins utilisée ; maintenant, elle se diffuse un peu dans les pays d'Europe centrale. Mais, si on prend l'exemple du péage urbain, nous n'avons aucun péage urbain en France alors que c'est autorisé depuis la loi Grenelle, il existe à Singapour, à Londres, à Oslo, à Milan, à Stockholm, et dans d'autres villes dont je ne me souviens pas forcément. La fameuse redevance poids-lourds, que nous avons échoué à mettre en place en France, existe en Suisse, en Autriche, en Allemagne, en République tchèque, en Slovaquie. Il y a des taxes incitatives sur les déchets qui existent dans de très nombreux pays, et sur les rejets de polluants. Voilà , la palette est donc quasiment infinie. [MUSIQUE] Cette question est à la fois compliquée et très pertinente. Il y a, me semble-t-il, trois types d'efficacité dans l'écofiscalité. Il y a d'abord l'efficacité environnementale : il faut que la taxe aboutisse à diminuer les pollutions ou les comportements dommageables à l'environnement. Cela suppose qu'on ait des taux très élevés sur des matières polluantes et qu'on ait des produits de substitution pour que les gens puissent changer de comportement. Par exemple que les transports collectifs soient très développés, c'est ce qu'on veut, diminuer l'usage de l'automobile. Ensuite, il y a l'efficacité budgétaire, une efficacité totalement contraire. Le ministère des Finances, par exemple, veut des taxes qui rapportent de l'argent. Il a donc le même raisonnement pour l'écofiscalité et il veut, en général, des taxes fixées sur des assiettes très larges avec des taux très bas, ce qui fait qu'il n'y a pas de douleur du contribuable à contribuer. Dans ce cas là , évidemment, il n'y a pas d'effet incitatif. Maintenant, si on en vient à l'efficacité économique, au sens d'une taxe qui ne perturbe pas le fonctionnement de l'économie, ce qui est très important, surtout au vu de la situation économique difficile dans laquelle sont la plupart des pays d'Europe, il faut des taxes qui ne soient pas trop coûteuses pour les entreprises, premièrement ; deuxièmement, qui ne s'ajoutent pas aux impôts qu'elles payent déjà , mais qu'elles viennent les remplacer. C'est ce qu'on appelle la théorie du double dividende, c'est-à -dire qu'on doit d'un côté diminuer les taxes qui frappent le travail en France et les charges sociales qui sont trop élevées et les remplacer, en partie, par une augmentation des taxes sur les pollutions. Nous voulons moins de chômage et plus de travail, donc il faut moins taxer le travail, et nous voulons moins de pollution, donc il faut davantage taxer les pollutions. D'une manière générale, quand on regarde la composition des charges des entreprises, aujourd'hui, la part des taxes environnementales est extrêmement faible par rapport à la part des taxes qui portent sur le social, sur le salaire ou sur les charges sociales. Ce n'est donc pas cela qui est, en soi, un facteur de baisse de compétitivité ; mais, naturellement, comme ces charges sont importantes, il ne faut pas que cela vienne se rajouter à ces charges là . C'est aussi une question qui est différente selon les secteurs : vous avez des secteurs qui sont très exposés à la concurrence internationale, et d'autres qui le sont beaucoup moins. Nous avons donc moyen de rendre ces taxes efficientes, voire même d'en faire un facteur de compétitivité. Je prends l'exemple de la Suède qui a instauré des niveaux de taxes extrêmement élevés, à peu près 6 000 euros la tonne sur le NOx, qui est le produit qui a été mis en cause dans l'affaire Volkswagen, et 108 euros la tonne sur le CO2 ; cela n'a pas du tout nui à l'économie, au contraire, les Suédois se sont mis à déposer beaucoup de brevets pour les technologies anti-NOx. Il y a donc tout un secteur qui s'est créé autour de cela et ils sont aujourd'hui exportateurs de technologies anti-NOx. [MUSIQUE] Curieusement, on demande toujours à l'environnement d'être social, et rarement au social d'être environnemental. Or, le développement durable est un trépied : économie, écologie, social. Il faut donc aussi que le social devienne environnemental. Néanmoins, cette question est très pertinente parce que l'écofiscalité est souvent une fiscalité indirecte ; et la fiscalité indirecte, évidemment, est moins progressive que la fiscalité directe. Il y a deux manières de faire. Il y a une manière qui consiste à dire qu'on va augmenter les impôts sur les produits polluants, notamment sur les produits de consommation, et donc, évidemment, les catégories défavorisées qui consacrent une plus grande part de leurs revenus aux biens de consommations vont être défavorisées. Il y a une seconde manière de faire [AUDIO_VIDE] qui est de ne pas augmenter pour ces catégories là , mais, dans ce cas, on perd le caractère incitatif de l'écotaxe, puisque ces catégories là , étant dispensées de l'impôt ou de la majoration, ne sont pas soumises au signal prix. Il y a une troisième manière de faire qui, à mon avis, est la bonne et qui a été mise en place par certains pays, de soumettre tout le monde à l'impôt écologique ou à l'augmentation de la surtaxe pour problèmes de pollution ou d'environnement, et de verser une allocation monétaire correspondant à ce surcoût aux catégories défavorisées. Ce qui fait que elles conservent le signal prix, mais elles ne sont pas pénalisées socialement. Je prends un exemple très concret qui s'est passé en France. Dans la loi qu'on a appelée la loi Brottes, en 2013, on a multiplié par 2 le nombre de bénéficiaires en France des tarifs sociaux du gaz. Cela correspond à un problème qui est le problème de la précarité énergétique. C'est donc une mesure qui est certainement très bonne sur le plan social, mais qui est très problématique sur le plan environnemental puisqu'elle supprime le signal prix pour ces personnes là qui, du coup, ne sont plus incitées à économiser le gaz, qui est une ressource fossile et qui donc émet du CO2. Une autre manière de faire, qui aurait été possible mas qui n'a pas été évoquée dans ce débat, aurait été de ne pas augmenter ces tarifs sociaux, voire même de supprimer les tarifs sociaux, et de verser aux personnes concernées par ces tarifs sociaux une allocation correspondante. Ce qui fait qu'ils n'auraient pas pâti de l'augmentation des tarifs sociaux, qui est une forme de subvention dommageable à l'environnement, et qu'ils auraient quand même eu une incitation à économiser le gaz ; ils auraient donc gagné, en gros, sur les deux tableaux. On a donc des solutions au problème de base, ce qui n'est pas faux, d'une fiscalité écologique qui, par moments, peut avoir des effets pervers socialement. [AUDIO_VIDE]