[MUSIQUE] [MUSIQUE] Alors troisième mythe, lui aussi relativement tenace de l'entrepreunariat, qui est que les entrepreneurs sont des experts en prévision. L'entrepreneur c'est quelqu'un qui est capable d'anticiper l'évolution d'un marché, de repérer un futur marché. Et donc une fois que l'entrepreneur a été capable de repérer ce marché, de prédire telle ou telle évolution, eh bien, il est capable de jouer gagnant, en quelque sorte. Et que donc, derrière l'idée c'est que la réussite de l'entrepreneur repose sur sa capacité de prédiction, de prédiction de l'avenir, de prédiction d'évolution d'un marché, que c'est un don que les entrepreneurs possèdent et que, par implication, les gens normaux comme vous et moi ne possèdent pas forcément et que c'est la base de leur réussite. Ce concept est très lié à ce que nous avons vu sur l'entrepreneur visionnaire. Alors là encore, eh bien, aucune étude ne montre cela. On n'a jamais réussi à montrer que les entrepreneurs ont une capacité particulière à prédire telle ou telle évolution. Alors, les entrepreneurs, peut-être comme nous tous, font régulièrement des prédictions, mais ils n'ont pas plus raison statistiquement que les autres, ils se trompent autant que les autres. Et lorsqu'on regarde comment les entrepreneurs fonctionnent, en tout cas les entrepreneurs experts, eh bien, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas du tout dans cette logique, ils ne sont pas du tout dans la logique qui consiste à dire, eh bien, je vais essayer d'anticiper où va ce marche dans 2, 3 ou 5 ans, pour m'y positionner. Ce n'est pas comme ça qu'ils raisonnent, ils ont, au contraire, une démarche délibérée d'éviter les prédictions. Alors, regardons, regardons cela au travers d'un exemple, lui aussi très connu, qui est l'exemple du fabriquant de montres Swatch. Alors, en 1945, l'industrie horlogère Suisse possède plus de 90 % du marché mondial des montres, donc c'est évidemment une part de marché extrêmement significative. Il y a plusieurs évènements qui vont remettre, eh bien, en cause cette domination très forte de l'industrie horlogère Suisse. Premier évènement, c'est en 1951, une société Américaine qui s'appelle Timex, introduit sur le marché une montre très peu chère. Alors Timex a fabriqué des montres pour l'armée Américaine pendant la guerre, et donc elle a une très grosse expérience pour fabriquer des montres qui se contentent juste de donner l'heure, et de le faire pour pas cher du tout; tant et si bien que au début des années 70, la part de marché de l'industrie horlogère Suisse est tombée à 70 %, qu'elle continuera à baisser. Et se produit à ce moment-là, une deuxième révolution qui est l'invention du Quartz, la mise en point de cette nouvelle technologie. Et donc à la fin des années 80, l'industrie horlogère Suisse n'a plus que 5 % du marché. Il est alors question, eh bien, de la liquidation des dernières marques de l'industrie horlogère Suisse. Tous les experts s'accordent à dire que cette industrie n'a plus aucun avenir, que ce sont les fabriquants Japonais qui vont dominer le marché, ce qu'ils font déjà, au mieux, il ne restera sur le marché qu'une ou deux marques Suisses de très haut de gamme, et que donc, 90 à 95 % du marché, eh bien, sera possédé par les Japonais. C'est une évidence pour tout le monde, tous les experts s'accordent sur ce pont, l'industrie horlogère Suisse n'a plus aucune chance. À ce moment-là, au sein donc de, de ce qui reste de l'industrie Suisse, qui a été regroupée dans un conglomérat, eh bien, deux ingénieurs ont mis au point un système pour produire un moule en plastique, et donc ce qui permet à associer à une innovation au niveau des mécanismes des montres, de développer une montre beaucoup plus fine, mais qui comporte également moins de pieces. Et lorsque le directeur de l'entreprise qui était en charge de liquider les derniers actifs de cette entreprise, eh bien, s'aperçoit qu'il dispose de cette invention en interne, il se rend compte qu'en fait il est désormais capable de fabriquer une montre à tres peu cher, mais évidemment cette montre peut disposer du label Suisse et donc il peut avoir une marge confortable. C'est le début de l'aventure Swatch. Aujourd'hui, Swatch possède plus de 25 % du marché et est une entreprise extrêmement rentable. Alors la leçon de cet exemple, elle est relativement simple, elle est que on est entouré d'experts qui font des prédictions sur l'évolution de tel ou tel marché, soit que tel marché va disparaître, que tel marché est en maturité, ou au contraire, que tel nouveau marché va exploser, que le marché de x ou y représentera 5, 6 ou 7 milliards d'euros, dans 5 ans. Eh bien les entrepreneurs ne font pas spécialement attention à ça et on le voit dans le cas de Swatch. Une destinée, un avenir que tout le monde présentait comme absolument évident, eh bien, a été complètement remis en question par l'action entrepreneuriale, alors dans ce cas, au sein d'une entreprise existante, mais par une action entrepreneuriale qui a fait mentir, en quelque sorte, une tendance qui était présentée comme tous, en tout cas, comme inévitable. Alors, l'exemple Swatch montre donc qu'il n'y pas de tendance inévitable. Alors ça veut dire que la prédiction finalement n'est pas très utile, puisque on prédit des choses, mais les entrepreneurs par leurs actions, eh bien, nous font mentir. Les entrepreneurs, on l'observe, ne font pas de prédictions, ils transforment les marchés, ils font mentir donc ces prédictions, on le voit avec Swatch, mais on le voit avec d'autres exemples. Alors, on peut parler de Starbucks, par exemple, fabriquant de café, la chaîne de café. Alors Starbucks démarre, là encore, de manière extrêmement banale aux Etats-Unis dans les années 70, en 1971 précisément. Le début Starbucks c'est quoi? C'est l'ouverture d'un café à Seattle, là encore, démarrage extrêmement modeste. Ce qui est intéressant c'est que Starbucks se développe au moment où la consommation de café est en baisse, tendancielle depuis 20 ans, et là encore, tous les experts s'accordent à dire que, eh bien, le marché est en, le marché du café est en déclin, et donc investir sur ce marché est en quelque sorte stupide. Ce qui semble un bien meilleur investissement à l'époque, ce sont, eh bien, soit les boissons énergétiques, soit les boissons aux fruits, puisque c'est bien connu, meilleures pour la santé. Eh bien Starbucks, là encore, fait mentir ces prédictions puisque, dans un marché qui était supposé être en déclin, eh bien, Starbucks connait une réussite fulgurante. Autre exemple Européen, Espagnol plus précisément. Zara se crée en 1975, connait, là encore, un succès fulgurant, au moment même où l'industrie textile Européenne est, en déclin, eh bien, approfondi. Et là encore, tous les experts s'accordent à dire que, eh bien, il n'y a aucun avenir pour une industrie textile Européenne, sauf peut-être dans le très haut de gamme, mais que sinon, eh bien, ce sont les pays à faible coût de main d'œuvre qui, eh bien, domineront le marché du textile. Zara fait totalement mentir ces prédictions, est aujourd'hui un acteur extrêmement important du marché du textile, avec d'autres acteurs Européens comme H&M par exemple. Donc là encore, l'entrepreneur, non seulement ne fait pas de prédictions, mais par son action, fait mentir les prédictions que d'autres ont pu faire pour lui. Et donc les entrepreneurs adoptent en quelque sorte le fameux adage qui est que, la meilleure façon de prédire l'avenir, eh bien, c'est de le créer soi-même, et non pas d'essayer juste de suivre les traces que d'autres ont pu écrire pour nous. Quelles implications pour vous? Eh bien, si vous vous attaquez à un marché nouveau, eh bien, éviter les études de marché, encore une fois, puisque elles sont remplies de prédictions des fameux experts que nous avons évoqués à plusieurs reprises. Éviter également les exercices de futurologie, à de très, très rares exceptions, eh bien, ils s'avèrent souvent faux. Alors, soit ils pêchent par excès d'optimisme, on imagine un marché qui va se développer et au final qui ne se développe pas, ou ils pêchent par excès de pessimisme, on l'a vu dans le cas de Swatch ou de Starbucks. Baser votre projet sur une prédiction vous rendra plus fragile, parce qu'à ce moment-là, vous êtes dans une logique de pari. Vous dites voilà, je pense que le marché va aller là et je vais miser sur cette évolution. Alors si ça marche, tant mieux, vous êtes en quelque sorte comme Compaq, vous avez réussi votre pari, mais si ça ne marche pas, eh bien, et encore plus, si vous avez beaucoup misé, il sera beaucoup plus difficile pour vous de vous remettre de ce pari raté, si la prévision ou la prédiction était fausse. Plutôt que donc baser votre développement sur une prédiction, eh bien, démarrer modestement et transformer peu à peu votre idée. Vous n'avez pas besoin de prédire, vous avez juste à développer votre marché. Et lorsque la vision sera plus affinée, eh bien, à ce moment-là, les choses seront plus faciles à anticiper. Alors, en résumé dans cette leçon, nous avons vu donc le troisième mythe de l'entrepreneuriat, qui est que les entrepreneurs sont des experts en prédiction. Nous avons vu que c'est faux. Ils ne sont pas meilleurs prévisionnistes que vous et moi, au contraire, ils ont non seulement tendance à ignorer ces prédictions, qui sont faites par des experts, mais plus encore à les faire mentir, puisque leur action a pour effet de transformer leur industrie, soit en créant des nouveaux marchés, soit en bouleversant des marchés existants, et donc à faire mentir les prédictions qui auront pu être faites auparavant. Donc ils ne prédisent pas, ils utilisent plutôt une logique qu'on va appeler une logique de contrôle, c'est-à-dire qu'ils transforment cet environnement, en agissant directement et même si cette transformation, ce contrôle est à leur échelle. Tout entrepreneur ne transforme pas entièrement une industrie comme Swatch a pu le faire, ou Starbucks, mais ça peut être une industrie locale, ça peut être une région, etc. Les entrepreneurs ne prédisent pas, ils transforment leur environnement sans prédire où va cet environnement.