[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Alors dans cette session, nous allons introduire la notion d'incertitude. Au début de ce cours nous avons évoqué un mythe important qui est le mythe selon lequel les entrepreneurs aiment le risque. Et nous avons évoqué ce mythe et montré que en fait, c'est totalement inexact. En fait comme tout le monde, dans leur activité les entrepreneurs prennent des risques bien sûr, il n'existe pas d'activité qui ne soit pas risquée et donc l'entrepreneuriat comme toute autre activité est risqué, même si ces risques peuvent être de nature différente et spécifique, et comme toute le monde, dans cette activité, les entrepreneurs cherchent à réduire ce risque et à le contrôler. Nous avons cité Rémy Julienne le cascadeur, qui a l'habitude de dire : mon métier c'est de réduire le risque. Alors encore une fois quand on connait son métier, c'est un peu surprenant. Rémy Julienne fait un métier risqué sur certains aspects, mais ce risque, il le contrôle en préparant longuement et minutieusement avec son équipe, chacune des cascades qu'il entreprend. En fait la matière première, en quelque sorte de l'entrepreneur, sa base de travail, ce n'est pas le risque, mais c'est l'incertitude. Alors les deux sont souvent confondus. On mélange risque, incertitude, ça semble être finalement la même chose, et pourtant les deux notions sont très différentes, et cette différence est très importante pour les implications qu'elle a en ce qui concerne l'entrepreneuriat. Et donc il est très important de bien comprendre ce qu'est l'incertitude, la nature spécifique de l'incertitude, et en quoi elle est différente du risque. Alors pour comprendre ce qu'est l'incertitude, il faut se tourner vers quelqu'un qui s'appelle Frank Knight, que vous ne connaissez peut-être pas, et pourtant, Frank Knight est un économiste, prix Nobel, auteur d'un ouvrage intitulé : Risque, incertitude et profit. Alors il s'agit d'un ouvrage ardu à lire comme beaucoup de livres d'économie, donc s'y atteler est une tâche difficile et de longue haleine, et pourtant ce livre constitue un des fondements de la théorie économique et en particulier entrepreneuriale moderne. Alors l'origine de l'ouvrage c'est que Frank Knight cherche à comprendre une question qui parait relativement simple, qui est l'origine du profit. Pourquoi les entreprises génèrent du profit. C'est une question qui a fasciné les plus grands économistes. Alors on ne va pas s'y attarder aujourd'hui, j'y reviendrai juste un tout petit peu vers la fin. Pour faire simple, Knight montre qu'en fait le profit vient de l'incertitude et que donc le profit rémunère en quelque sorte la capacité de l'entrepreneur à gérer cette incertitude. Alors, en utilisant le vocabulaire des probabilités, Frank Knight distingue en fait trois cas de figure pour caractériser un environnement. Ce qu'il appelle la prédiction, le risque, et l'incertitude. Les trois sont différents, et nous allons maintenant les regarder en détail. Alors le premier cas c'est la prédiction. La prédiction concerne un futur, un avenir dont la distribution d'états possibles- pour employer un langage probabiliste- la distribution d'états possibles est connue. Alors l'exemple le plus simple, c'est d'imaginer une urne dans laquelle on met des boules. On va mettre trois boules vertes, deux boules rouges, et si on met la main dans l'urne pour choisir une boule les yeux fermés, eh bien on sait que on a trois chances sur cinq ou 60 % de chances de tirer une boule verte. Voilà, c'est un exemple très simple, Alors dans ce cas nous connaissons ce qu'on appelle la distribution de l'échantillon, le nombre de boules vertes et le nombre de boules rouges, et nous connaissons également la nature de ce qu'il y a dans l'urne, en l'occurrence des boules de deux couleurs différentes, nous en connaissons la proportion. Et donc nous pouvons faire des prédictions sur une base probabiliste, en anticipant la probabilité qu'on ait de tirer une boule rouge ou une boule verte. Alors c'est très intéressant en théorie, ça remplit, ce type d'exemple, des centaines de manuels de statistiques et de probabilités, mais évidemment ce type de situation est très rare dans la réalité, et donc on ne va pas s'y attarder beaucoup, c'est un exemple extrêmement théorique. Un peu plus intéressant est donc le second cas, qui est celui du risque proprement dit. Alors contrairement à la distribution, le risque concerne un future dont la distribution des états possibles initialement n'est pas connu, contrairement à la prédiction où on connait le nombre de boules et leur répartition, le risque, c'est une situation dans laquelle on ne connait pas a priori le nombre d'évènements et leur répartition, mais sur une base historique, on est capable de l'estimer. Alors l'exemple très simple c'est celui du monde des assurances. Les assureurs ont une très bonne estimation de la probabilité de vol d'un certain modèle de véhicule, par exemple la Twingo, qui est la voiture par ailleurs la plus volée en France, eh bien les assureurs savent de manière très précise chaque année combien de Twingo sont volées, la couleur des Twingo qui sont volées, ils sont capables de répartir ces vols par région, par période de l'année, etc., etc. Pourquoi? Eh bien tout simplement parce que cet évènement est répété malheureusement un très grand nombre de fois. On a donc un historique sur lequel baser ces estimations de probabilités. Et tant que les conditions ne changent pas, cette probabilité apprise en quelque sorte, eh bien ne change pas non plus, et c'est donc ce qui permet aux assureurs de vous proposer un prix pour assurer votre Twingo, puisque, connaissant le nombre de Twingo qui sont volées par rapport au nombre de Twingo qui sont en circulation, eh bien ils connaissent la probabilité que votre voiture soit volée, et donc ils sont capables de vous proposer une assurance à un prix qui va leur permettre de gagner de l'argent. Donc le risque c'est une probabilité calculée sur une base historique, sur la base d'une répétition, très nombreuse d'échantillons d'un même évènement. Alors ça s'applique, on l'a vu dans le domaine de l'assurance mais ça s'applique également dans le domaine du contrôle de qualité dans une usine, où on fabrique des dizaines de milliers de pièces chaque jour, et donc on est capable, en en prenant certaines au hasard, eh bien d'estimer le nombre de défauts dans le processus de fabrication. Le principe ici c'est que on est dans un processus de répétition qui permet en quelque sorte l'apprentissage. Le troisième cas est l'incertitude, et là c'est très différent. L'incertitude toujours, reprenant le vocabulaire probabiliste de Frank Knight, il correspond à un futur dont la distribution des états est inconnue, mais pas juste inconnue parce qu'on n'arrive pas à la connaitre, elle est inconnue parce qu'elle est impossible intrinsèquement à connaitre. On ne connait pas le nombre de boules à l'intérieur de l'urne encore moins les couleurs, et d'ailleurs on n'est même pas sûr que ce soit vraiment des boules qui sont à l'intérieur, ça peut être des objets de différentes natures, c'est l'inconnu total. Alors cette incertitude est dite objective, alors objective ça veut dire quoi? C'est-à-dire que l'incertitude ne résulte pas de l'incapacité du joueur ou de l'observateur à trouver l'information. Ça n'est pas parce que l'observateur est incompétent, ou parce qu'il n'a pas le temps, ou parce qu'il n'est pas doué ou qu'il n'est pas assez formé, il n'arrive pas à trouver l'information de ce qu'il y a dans l'urne simplement parce que cette information n'existe pas. On est face à un phénomène totalement inconnu comme je le disais tout à l'heure, on ne sait même pas si dans l'urne ce sont bien des boules de différentes couleurs, qui se trouvent.