[MUSIQUE] Venons-en maintenant à la deuxième question de ce module : comment utiliser la démarche d'évaluation de l'impact social que vous avez accomplie et quels bénéfices en tirer? En effet, si vous n'utilisez pas les résultats de votre analyse SROI, alors ce n'était pas la peine de la faire. C'est l'une des parties les plus importantes du processus, mais souvent l'une de celles auxquelles on consacre le moins de temps et de ressources. Il est aisé de l'ignorer après l'excitation, l'enthousiasme, liés à la recherche du ratio SROI et les efforts consentis pour ce faire. Pour être utile, l'analyse SROI doit être source de changement. Vous pouviez avoir deux grandes catégories d'objectifs en vous lançant dans une analyse SROI. La première catégorie c'est communiquer vers l'ensemble de vos parties prenantes, ou l'une d'entre elles, par exemple vos financeurs, dans le cadre d'un renouvellement de partenariat. La deuxième catégorie c'est d'améliorer vos pratiques internes et de faire de cette démarche un véritable outil de pilotage pour l'accroissement de la qualité de votre action, la maximisation de votre efficacité et de votre efficience, tout ceci pour obtenir un impact social toujours plus élevé, les deux approches n'étant, bien sûr, pas incompatibles, bien au contraire. Dans cette phase aval, il va donc vous falloir mobiliser de l'énergie pour répondre à vos objectifs initiaux et ne pas vous arrêter si près du but. Communiquer sur les résultats c'est bien le minimum que vous devez à vos parties prenantes, que vous avez associées tout au long du processus. Nous avons vu en effet, tout au long de cette démarche, que l'implication des parties prenantes est un des principes fondateurs de l'approche SROI. Alors, attention à la forme de cette communication, elle devra être adaptée à votre public. et vous ne ferez, bien sûr, pas la même restitution aux salariés en insertion de votre organisation, par exemple, qu'à vos financeurs ou encore à vos encadrants. Le format de restitution sera, bien sûr, plus ou moins synthétique, plus ou moins technique, selon votre public. Se focaliser sur le ratio de retour social est un risque majeur ; le chiffre en lui-même ne signifie pas grand chose, c'est simplement une manière synthétique d'exprimer la valeur que vous avez calculée jusque là . Ce qui est intéressant c'est de comprendre comment vous créez de la valeur, quels bénéfices et pour qui, de façon très concrète ; en synthèse, c'est l'histoire du changement que vous créez qu'il vous faut raconter. Et, rappelez-vous, la transparence et la vérification sont deux des sept principes majeurs du SROI. L'élaboration de votre rapport va être l'occasion de pleinement les mettre en œuvre. Au fil des différentes étapes de l'évaluation SROI, vous avez pu identifier la succession de choix qu'elle implique et qu'il vous faudra pouvoir expliquer, présenter et justifier. Certaines parties prenantes ont été retenues, d'autres pas, certains effets ont été retenus, d'autres pas. Dans le cas de changements qualitatifs, il faudra faire un détour par un dispositif d'observation par des tiers ou d'autopositionnement dont les modalités devront être clarifiées. Il vous faudra expliquer le choix des indicateurs, la durée que vous avez retenue pour les effets, vous avez défini poids mort et attribution, il faudra également expliquer comment. Et si vous allez jusqu'à la monétarisation, vous devrez justifier le choix des proxys, les modalités du value game que vous aurez éventuellement organisé, ou les méthodes de calcul appliqué pour établir les coûts évités. L'argumentation sera donc un élément clé de votre démarche. Tout ceci devra vous amener à beaucoup d'humilité dans la présentation des résultats de votre analyse car, encore une fois, il ne s'agit pas d'une démarche scientifique mais d'une approche pragmatique pouvant être prise en main par des praticiens, dont vous êtes pour la plupart d'entre vous. Sa valeur résidera plus dans le processus que vous avez mis en œuvre et qui vous a permis de vous poser toutes les bonnes questions. Par ailleurs, c'est une démarche apprenante qui vous permettra de mieux défendre votre projet, parce que vous aurez réfléchi de façon approfondie à la façon dont vous créez le changement par votre action. Si votre objectif était de faire progresser votre organisation, là encore, veillez à aller jusqu'au bout du processus et de faire de cette démarche de mesure et d'évaluation de l'impact social un véritable outil de pilotage. Le changement sera, bien sûr, différent selon que vous vous inscrivez dans un SROI prévisionnel, mesure ex ante, ou d'évaluation, mesure ex post. Les résultats d'une analyse SROI prévisionnelle peuvent vous amener à revoir les activités que vous avez planifiées afin de vous aider à maximiser la valeur sociale que vous projetez de créer. Ces conclusions peuvent aussi vous inciter à revoir les systèmes que vous avez planifiés pour recueillir les données. Une analyse SROI doit normalement conduire votre organisation à réagir à ses conclusions, à se les approprier, puis à réfléchir à leurs implications pour la gouvernance, pour le management et pour les pratiques au quotidien de l'organisation. Assurez-vous que les conclusions de l'analyse seront bien intégrées à votre processus de planification stratégique. Vos ratios seront très utiles dans vos communications avec la partie prenante, néanmoins il est plus utile de considérer l'évolution du ratio dans le temps que le ratio en lui-même. L'analyse peut vous indiquer de manière précise si les résultats de vos activités s'améliorent ou non. Si vous choisissez de vous inscrire dans une logique de comparaison des résultats et de mesure des évolutions, il vous faudra faire entrer le SROI dans les processus de reporting de votre organisation afin de garantir un recueil des données régulier, notamment en ce qui concerne les résultats. Ceci pourra passer par un processus de formation de l'équipe qui garantira que les connaissances et l'expertise demeurent au sein de votre organisation, un historique clair pour la prochaine analyse SROI, une description des ressources qui seront nécessaires au suivi permanent du SROI et une réflexion sur la manière d'assurer la fiabilité des données. Ce MOOC vous a permis de vous familiariser avec l'approche SROI. Nous avons brièvement évoqué en introduction les autres approches possibles qui sont à utiliser pour renforcer une approche SROI, ou à utiliser de façon indépendante. Alors, prenons le temps, à ce stade, de découvrir ces méthodes plus avant. Elles sont expérimentales, par indicateurs sociologiques, économiques, autant d'adjectifs barbares pour désigner des méthodes dont vous avez déjà entendu parler sans le savoir. Ainsi, les approches coûts/bénéfices entrent dans la catégorie des approches économiques. Elles sont souvent employées dans le cadre de l'évaluation de politiques publiques, par exemple en matière de santé, ou dans le domaine de l'environnement : quel est le coût de tel traitement préventif, quels seront les coûts évités pour l'assurance maladie grâce à cette politique de prévention? Sans le savoir encore, question de vocabulaire d'experts, vous avez également entendu parler d'approches expérimentales. Toujours en matière de santé, tester l'efficacité d'un médicament peut consister, par exemple, à distribuer au hasard un placebo, substance dénuée d'effets, ou la substance médicamenteuse visée, et à comparer les résultats au sein des groupes témoins, celui qui a absorbé sans le savoir le placebo et expérimental, celui qui a absorbé le médicament. Il s'agit de la méthode dite de randomisation ; ce type de méthode a commencé à être appliqué à de grands programmes sociaux en France depuis 2007, soit plus de 40 ans après les premiers travaux analogues menés aux États-Unis. Cette méthode connaît depuis un développement rapide, dans le cadre notamment des travaux d'Esther Duflo, professeure titulaire de la chaire Savoirs contre pauvreté au Collège de France. S'il n'y a pas constitution physique d'un groupe témoin, mais seulement statistique, le groupe témoin est une population statistiquement semblable, on sera alors dans une approche quasi expérimentale. C'est, par exemple, l'approche qui a été mise en œuvre par l'ESSEC dans le cadre de l'étude de son programme d'égalité des chances, Une grande école, pourquoi pas moi, PQPM. Il s'est alors agi de comparer la population bénéficiaire du programme à une population statistiquement semblable constituée à l'aide d'un panel établi par l'INSEE. Les approches dites par indicateurs visent à identifier les données chiffrées représentatives d'une action. Par exemple, si l'on reprend le cas du domaine de la santé, on pourra suivre le taux de guérison lié à un traitement, le pourcentage de personnes qui ont dû l'interrompre pour cause d'effets secondaires lourds. Enfin, les approches sociologiques s'intéressent à l'humain. il s'agira, par exemple, de voir comment l'introduction d'un nouveau traitement a été accueillie par une population, quels comportements, capacités nouvelles, interactions elle a généré. Ces méthodes apportent un éclairage qualitatif qui pourra donner lieu à indicateurs sur les effets de l'action sur les acteurs concernés. [AUDIO_VIDE]