[MUSIQUE] On l'a donc vu dans le module 1, l'impact social correspond aux résultats significatifs d'un projet ou des activités d'une organisation pour ses principales parties prenantes, à l'exclusion de ce qui se serait passé de toute manière et de ce qui relève de l'intervention des autres acteurs. L'évaluation de l'impact social permet de répondre à la question suivante : comment rendre compte du changement social, de son importance et de la contribution d'une organisation à celui-ci, et plus concrètement, qu'est-ce qui change dans la vie d'individus grâce aux activités déployées? On peut, pour résumer, dire qu'il existe une multitude de méthodes mais, à ce jour, qu'il n'y a pas de normes. Le site TRASI, Tools and Resources for Assessing Social Impact, répertorie plus de 150 outils, méthodes, références ou exemples de pratiques sur la mesure de l'impact social. Les initiatives sont en effet nombreuses, venant d'acteurs variés et s'inscrivant dans des contextes et des secteurs bien différents. On pourra, à titre d'illustration, faire appel à des méthodes purement qualitatives ou des méthodes très quantitatives, à des méthodes relativement accessibles ou des méthodes nécessitant un protocole scientifique et, enfin, à des approches multicritères ou à des méthodes produisant un indice agrégé. Je vous propose de nous arrêter quelques instants sur les 4 théories ou méthodes principales que nous utilisons dans la démarche de mesure de l'impact social. Il s'agit de la théorie des parties prenantes, de la théorie du changement, de la méthode du cadre logique et, enfin, de la monétarisation ou du calcul du ratio SROI, c'est-à -dire le social return on investment. Commençons donc par la théorie des parties prenantes. Les parties prenantes sont définies, je cite, comme des personnes ou des organisations qui connaissent des changements positifs ou négatifs induits par les activités analysées. À l'origine, la théorie des parties prenantes est issue du monde de l'entreprise et s'intéresse à la prise de décisions managériales ; elle confronte l'intérêt des actionnaires à l'intérêt des non-actionnaires. Donc, selon Freeman, père de la théorie des parties prenantes, en 1984, une partie prenante est un individu ou groupe d'individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels. Les parties prenantes peuvent être classées selon trois critères si l'on suit Mitchell, Hagel et Wood, en 1997 : d'abord le pouvoir, c'est-à -dire la capacité d'influencer sur l'entreprise, ensuite la légitimité, c'est-à -dire la perception ou présomption des actions d'une entité comme désirables ou appropriées selon certains systèmes de normes ou de valeurs sociales, et enfin l'urgence, c'est-à -dire le caractère pressant des demandes portées par les parties prenantes. La théorie des parties prenantes est donc un cadre théorique permettant d'identifier les relations entre l'entreprise et son environnement. Cette théorie vise à analyser et conceptualiser les modes de mise en relation d'une organisation avec l'ensemble des acteurs directement ou indirectement concernés par son fonctionnement, et là je cite Semal, en 2006. Elle permet d'évaluer les performances sociales des entreprises et de reformuler les objectifs organisationnels, éventuellement pour y intégrer une dimension éthique. Cette théorie a d'ailleurs aussi été mobilisée par les organismes publics, notamment pour des questions de développement durable et de responsabilité sociétale, car elle légitime la prise en compte de l'intérêt des différents acteurs et de tous les acteurs. Venons-en à la deuxième théorie, la théorie du changement. Cette théorie consiste à décrire avec précision le problème social auquel on souhaite répondre en indiquant en quoi il est urgent d'agir et l'ampleur de la situation. James, en 2011, définit la théorie du changement comme, je cite, un processus continu de réflexion visant à étudier le changement en profondeur et comment il se produit, et ce que cela signifie pour ce à quoi contribuent les organisations et/ou un groupe de personnes dans un contexte ou un secteur particulier. Les objectifs de la théorie du changement sont d'aider les acteurs à comprendre comment ils peuvent, ainsi que les parties prenantes, contribuer au changement souvent complexe et de long terme. Selon de Reviers, les étapes de la théorie du changement sont les suivantes : d'abord, définir le changement ultime visé à long terme, ensuite préciser les différents changements qui doivent se produire au préalable pour que le changement ultime devienne possible, sorte de condition préalable ; troisièmement, expliciter les hypothèses et les valeurs qui sous-tendent le raisonnement, enfin, quatrième étape, préciser l'articulation entre ce raisonnement et l'intervention. Deux types de production sont souvent proposés, d'abord une carte des changements qui représente ce qu'on appelle le chemin du changement, cette carte peut être linéaire ou non, et un deuxième document, c'est-à -dire une liste des hypothèses qui ont conduit à l'élaboration de la carte. L'accent est mis sur la réflexion des acteurs, leur contribution au changement, leurs interventions, leurs interactions, leur perception du changement. Ainsi, la théorie du changement aide à concevoir l'intervention mais aussi l'évaluation et à déterminer également les données qui seront à collecter. Pour bien évaluer l'impact des actions, il est donc essentiel de clarifier les changements envisagés afin de faciliter l'évaluation des impacts attendus. Intéressons-nous maintenant à la troisième méthode, la méthode du cadre logique. Proche de la théorie des parties prenantes, cette méthode du cadre logique est, selon Rosenberg et Posner, en 1979, un modèle logique et un outil de planification qui repose sur une hypothèse de relations de cause à effets linéaires. C'est une méthode de planification des projets, ciblée sur les objectifs, et dans laquelle les bénéficiaires du projet sont impliqués, ainsi que l'illustre l'exemple de l'Asdi en 2003. Il y a donc des rapports logiques entre le problème global, le but, les objectifs spécifiques, les résultats anticipés et les activités. Le cadre logique facilite l'analyse de ces rapports et de ceux qui les relient à l'environnement. Le cadre logique permet aussi d'identifier les facteurs clés qui conditionnent la réussite d'un projet. Et il faut noter que c'est aussi une méthode utilisée par de nombreuses agences de développement public. Enfin, pour conclure, voici la quatrième méthode, la monétarisation et le calcul du ratio SROI. La démarche SROI, retour social sur investissement, social return on investment, d'origine et de tradition anglo-saxonne, a été développée par le SROI Network et c'est un des outils privilégiés de mesure de l'impact social. La démarche SROI est un cadre d'analyse pour mesurer et rendre compte d'une conception élargie de la valeur incluant les coûts et les bénéfices à la fois sociaux, environnementaux et économiques. La démarche SROI vise à promouvoir les actions participant à la réduction des inégalités sociales et de la dégradation environnementale, ainsi qu'à l'amélioration du bien-être. La démarche SROI explicite comment est créé le changement induit par l'innovation sociale mise en œuvre, mesure les résultats sociaux et environnementaux et les exprime en valeur monétaire afin de calculer, in fine, et lorsque cela a un sens, un ratio coûts/bénéfices. Ainsi, un rapport de 3 sur 1 exprime le fait que pour 1 euro investi ou dépensé la valeur sociale créée est estimée et calculée à 3 euros. Donc la démarche SROI parle de valeur plus que d'argent ; l'argent n'est qu'une unité de mesure que tout le monde connaît et, en tant que telle, une manière pratique et couramment admise pour exprimer la valeur créée. Une démarche SROI peut englober la valeur sociale créée par une organisation ou un projet dans son ensemble ou alors se concentrer sur un aspect spécifique de l'activité de l'organisation ou du projet. La démarche SROI peut être menée par une équipe interne ou par un expert extérieur ou par une combinaison des deux. C'est donc une démarche privilégiée de mesure de l'impact social d'un projet ou d'une organisation qui peut, comme on le disait il y a quelques minutes, aller jusqu'au calcul d'un taux sans que cela ne soit, encore une fois, toujours nécessaire ou pertinent. Et dans ce dernier cas, où le calcul d'un taux n'est pas nécessaire ou pertinent, la démarche reste cependant utile et adaptée. La démarche SROI a été élaborée à partir des concepts du reporting social et des analyses coûts/bénéfices. Elle repose sur 7 principes et se déroule selon 6 étapes. Les 7 principes de la démarche SROI sont : un, impliquer les parties prenantes, deux, comprendre ce qui change, trois, évaluer ce qui compte, quatre, n'inclure que ce qui est matériel, cinq, ne pas surévaluer, six, être transparent, enfin sept, vérifier les résultats. Ces 7 principes se déclinent en 6 étapes qui sont de : un, définir le champ d'application et identifier les principales parties prenantes, deux, exposer le changement attendu, trois, attester les résultats et leur attribuer une valeur, quatre, déterminer l'impact, cinq, calculer la ratio, lorsque c'est nécessaire ou utile, enfin six, rendre compte, utiliser et intégrer les résultats. Le schéma conceptuel de la démarche est présenté à l'écran et nous reviendrons sur ce schéma et sur sa mise en œuvre concrète et effective dans le module 3.