[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce quatrième et dernier module du deuxième MOOC consacré à l'investissement à impact, nous nous intéressons donc à la relation qui va se nouer entre un entrepreneur et son investisseur une fois toutes les autres étapes du processus d'investissement réalisées. Nous allons commencer par un état des lieux des préjugés qui concernent cette relation, puis nous verrons en quoi il s'agit bien d'un partenariat qui se noue et se construit au fil du temps entre les deux, et, enfin, nous aborderons les principes qui aideront à la conduite de ce partenariat. D'abord, la relation est souvent perçue comme un rapport de force financier. En effet, trop souvent, cette relation financeur-financé est réduite au strict aspect financier. Elle est ainsi l'objet de nombreux préjugés, comme l'investisseur focalise son attention sur les performances financières de l'entreprise et exerce une pression sur l'entrepreneur pour assurer que la cession de sa participation se fera dans les meilleures conditions financières, ce qui peut impliquer une certaine ingérence dans la gestion. Deuxième préjugé, l'entrepreneur ne dit pas tout à l'investisseur car il veut rester maître à bord de son projet et a du mal à entendre les conseils. On a donc tendance à résumer la relation entre investisseur et entrepreneur à ce rapport de force dans lequel l'entrepreneur a l'impression de subir une pression à la rentabilité, au détriment de sa mission et de ses motivations initiales, quand l'investisseur a le sentiment que l'entrepreneur lui échappe et prend des décisions contraires à ses intérêts financiers ou d'impact. Entrepreneurs et investisseurs sont en fait engagés dans une logique partenariale. En réalité, quand on s'intéresse à l'investissement à impact, l'objectif d'un entrepreneur à impact et d'un investisseur à impact est le même : maximiser l'impact du projet en en maximisant la portée et les effets, y compris donc en termes de volume d'affaires ; a priori, plus l'entreprise vend son produit ou son service, plus son impact est grand. Le grand enjeu de la relation entre entrepreneurs et investisseurs et qui se matérialise dès les premières étapes de leur collaboration lors du processus d'investissement, c'est donc bien l'alignement de l'un et de l'autre sur un projet, sur une vision. L'alignement des intérêts qui en découle nécessite également un alignement des représentations de chacun sur les motivations et intérêts de l'un et de l'autre. C'est ainsi que peut se construire une confiance réciproque sur les intentions de chacun, et nous avons bien là une logique partenariale. Le partenariat se définit comme une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts, leurs moyens en vue de réaliser un objectif commun relié à un problème ou un besoin clairement identifié dans lequel, en vertu de leur mission respective, ils ont un intérêt, une responsabilité, une motivation, voire une obligation. Le partenaire financier se distingue des autres parties prenantes de l'entrepreneur dans la mesure où ses relations opérationnelles avec ce partenaire financier sont plus étroites. C'est la seule partie prenante pour laquelle la relation nouée repose au moins autant sur l'argent que sur les considérations sociales, et même qui commence par l'argent. C'est d'ailleurs une forme de paradoxe à gérer pour l'entrepreneur. Derrière l'alignement sur l'objectif de cette logique partenariale, entrepreneurs et investisseurs ont en réalité besoin l'un de l'autre. L'entrepreneur peut attendre de l'investisseur un soutien stratégique, une aide y compris dans les coups durs, des recommandations pour développer le projet et accroître son impact, une contribution à des levées de fonds ultérieures sur lesquelles l'investisseur va réinvestir ou amener des co-investisseurs de son réseau, d'autant plus faciles à convaincre que la présence du premier investisseur est rassurante pour eux. L'investisseur, lui, attend de l'entrepreneur le maintien de la trajectoire convenue lors de l'investissement ou, le cas échéant, une trajectoire alignée sur une stratégie modifiée d'un commun accord, un reporting financier et un reporting d'impact qui vont lui servir à la fois à suivre la vie de l'entreprise mais également à rendre des comptes à ses propres souscripteurs, et la planification de sa sortie ; celle-ci est forcément le fruit d'un échange avec l'entrepreneur et, là encore, d'un alignement, puisqu'il faut s'assurer que la sortie se fasse dans des conditions favorables pour les deux parties en termes de retours financiers, mais aussi en termes d'impact. En particulier, il s'agit de s'assurer que la mission de l'entreprise survivra au départ de l'investisseur, voire du fondateur. Venons-en maintenant aux principes qui peuvent guider l'animation de la relation partenariale. Nous avons parlé tout à l'heure de la confiance réciproque nécessaire à une bonne relation. Toute suspicion ou arrière-pensée nuit gravement à la relation, ce qui demande à l'entrepreneur comme à l'investisseur d'être le plus transparent possible sur leurs intentions comme sur leurs doutes. L'un comme l'autre doivent faire preuve de beaucoup d'empathie pour pouvoir appréhender les intérêts de chaque partie et en dégager les intérêts communs en allant au-delà d'une évidente différence de culture organisationnelle. L'un comme l'autre doivent également se montrer solidaires, en particulier lorsque surviennent des difficultés. Certes, l'entrepreneur est aux manettes opérationnelles, mais l'investisseur a un rôle de contrôle sur l'entreprise. Cette relation, pour être fructueuse, demande à être cultivée et exige donc du temps. Il convient de prendre au maximum le temps d'une réflexion et d'échanges communs tant quand tout va bien, et prioritairement quand tout va bien, que quand quelque chose va mal. C'est quand tout va bien qu'il faut envisager un futur moins rose et/ou moins souriant. Pour cela, le contact est à la fois formel au sein des instances de gouvernance définies au moment de l'investissement, mais il est aussi informel. Nous avons vu au module précédent que l'un des enjeux de la contractualisation réside dans la définition des modalités de gouvernance et de reporting. Une partie de la relation se joue donc en amont de l'investissement, en décidant du cadre dans lequel entrepreneurs et investisseurs vont obligatoirement se rencontrer, prendre des décisions structurantes pour l'activité, mais aussi échanger des informations via le reporting. Notons ici l'importance de bien structurer le board, le conseil d'administration, avec des profils de personnes susceptibles de s'entendre et de travailler ensemble. Un administrateur indépendant, qui aura donc pour qualité de représenter un avis plus objectif, plus distancié, pourra aider à trancher certaines questions épineuses, faire office de tampon entre les différents membres. Le calibrage du reporting a également son importance. Le reporting exige de l'entrepreneur du temps et des ressources. Il s'agit donc de ne pas en attendre trop et de ne pas exiger trop d'informations à une fréquence trop rapprochée, mais de bien adapter ce reporting aux besoins des investisseurs, mais aussi aux capacités de l'entrepreneur. La relation est, bien entendu, également informelle, on le disait. Entrepreneurs et investisseurs ont tout intérêt à dialoguer en dehors de ce cadre formel décidé lors de la contractualisation. Par exemple, l'entrepreneur ne doit pas hésiter à aller voir spontanément l'investisseur s'il perçoit ou s'il anticipe une difficulté et ne pas attendre d'être au pied du mur. La transparence entre entrepreneurs et investisseurs exige d'oser s'avouer les difficultés ou les doutes sans attendre. Par ailleurs, il peut être utile que la communication de l'entreprise vers l'investisseur se fasse également via le responsable financier et administratif qui maîtrise parfois mieux certains enjeux et certains chiffres financiers que l'entrepreneur lui-même.