[MUSIQUE] Venons-en enfin à l'analyse concernant l'impact de l'entreprise. Elle est évidemment une des spécificités des investisseurs à impact, qui en fin de compte vont souvent débuter leur analyse par cette dimension, afin de s'assurer d'abord que la cible d'investissement est bien mue par une volonté d'impact, ensuite que cet impact est significatif, et enfin évidemment que l'impact recherché correspond à la thèse d'investissement de l'investisseur. Si l'impact est donc au cœur la plupart du temps du premier filtre d'analyse, les investisseurs vont évidemment y revenir tout au long de la due diligence pour étudier plus en détail le besoin social auquel l'entreprise répond et l'efficacité de la solution proposée. Quand on parle d'efficacité, on rentre dans la question de l'évaluation et de la mesure de l'impact social ou environnemental. L'investisseur veut s'assurer qu'au-delà de la mission que se fixe l'entreprise, son activité a bel et bien un effet de transformation de la société ou de l'environnement. L'investisseur et l'entrepreneur vont ainsi chercher à définir ensemble un jeu d'indicateurs pertinents à cet égard, d'abord pour mesurer en amont de l'investissement dans l'idéal à condition que les données soient déjà disponibles, le potentiel de transformation. Enfin, lorsque l'investisseur est convaincu du potentiel et souhaite investir, ces indicateurs permettront de mesurer au cours de la période d'investissement cet impact et permettront de suivre, contrôler la performance sociale et environnementale de l'entreprise, afin de s'assurer que la transformation attendue et promise est bien réalisée. Sur l'évaluation de la mesure d'impact, vous pourrez vous reporter utilement aux ressources mises à disposition en ligne par la chaire Entrepreneuriat et Innovation à impact de l'ESSEC, en particulier le MOOC que j'ai consacré à cette question et qui est disponible sur Coursera. Retenons ici cependant quelques notions fondamentales de cette évaluation d'impact. D'abord, il existe plusieurs types d'indicateurs, les indicateurs de réalisation qui mesurent les actions, les efforts déployés, par exemple le nombre de postes en insertion dans une entreprise d'insertion par l'activité économique. Les indicateurs de résultat mesurent le changement induit par la réalisation de l'activité de l'entreprise. Dans notre exemple, le nombre de sorties positives, d'emplois en insertion, c'est-à -dire le nombre de personnes qui vont trouver un emploi pérenne ou une formation. Les indicateurs d'impact enfin mesurent ce qui dans le changement observé peut être attribué à la solution mise en place et qui aboutit à la transformation visée. Dans notre exemple, il faut se poser la question de ce que feraient les personnes bénéficiant d'un dispositif d'insertion si ce dispositif n'existait pas, et en quoi la situation des personnes qui ont été accueillies a été améliorée. Un bon indicateur est premièrement utile, il apporte une information, il aide à la compréhension du changement en faisant un lien explicite entre deux phénomènes. Deuxièmement, il est disponible, l'information est facilement accessible. Troisièmement, il est acceptable, la diffusion, le partage, le suivi de l'information ne pose de problème à aucune des parties prenantes. Quatrièmement, l'indicateur est fiable, l'information est de qualité suffisante et suffisamment précise pour attester du changement à mesurer. Enfin, cinquièmement, l'indicateur est comparable. L'indicateur doit pouvoir permettre de comparer les différentes situations pour aider à la décision. On peut signaler également une différence majeure entre les indicateurs sociaux et environnementaux. Les premiers portent sur une réalité sociale, sur des changements d'habitudes, de vie, de comportement qui sont par nature assez difficilement quantifiables et exigent un certain recul et un certain temps d'observation. Si on s'intéresse par exemple au bien vieillir, l'évaluation et la mesure d'impact devront mesurer les changements générés par exemple en termes de réduction de l'isolement ou d'amélioration de la santé psychique et physique. Ce sont par nature des phénomènes relativement intangibles, parfois à peine perceptibles à l'œil nu, qui vont nécessiter de travailler en direct et dans le temps avec les bénéficiaires. À l'inverse de ces indicateurs sociaux, les indicateurs environnementaux sont plus souvent quantitatifs et assez immédiatement mesurables, par exemple pour les émissions de gaz à effet de serre qui sont les indicateurs d'impact phares dans le champ environnemental et qui sont souvent mesurés par un bilan carbone. Notons que l'investisseur est très souvent accompagné dans ses analyses et dans ses évaluations d'impact social ou environnemental par des experts de l'évaluation et de l'impact, et plus particulièrement sur les aspects sociaux parce que ces évaluations requièrent différentes sciences sociales. C'est ce type d'accompagnement par exemple qu'offre et propose le labo Évaluation et Mesure d'impact social et environnemental de l'ESSEC qui vous a été présenté par notre témoin Elise Leclerc. Enfin, il convient de souligner que si sur l'analyse financière la comptabilité offre un cadre, un référentiel précis et communément admis, c'est loin d'être le cas sur l'impact social et environnemental. De nombreux investisseurs se réfèrent aux ODD, Objectifs de développement durables, qui ont été formalisés en 2015 par l'ONU, mais beaucoup d'investisseurs optent également pour leurs propres grilles de lecture et d'analyse en fonction de leur thèse d'investissement, ce qu'on appelle les approches in house, qui sont malheureusement souvent confidentielles et non publiques. Au-delà de l'évaluation et de la mesure de l'impact, les investisseurs mènent souvent une analyse plus globale des externalités positives et négatives de l'entreprise ciblée, y compris en dehors de sa mission. Par exemple, une entreprise dont la mission est de valoriser des déchets, l'investisseur s'intéressera à la manière dont l'entreprise traite ses salariés et ses parties prenantes par exemple, même si cela n'est pas au cœur de sa mission principalement de nature environnementale dans l'exemple que je vous donne. Cette analyse plus globale est en effet une analyse ESG dont nous avons déjà parlée, Environnement Social Gouvernance, et comme son nom le suggère, s'applique généralement à la manière dont l'entreprise est dirigée et dont les décisions sont prises pour vérifier notamment comment celles-ci intègrent ces différentes parties prenantes au processus de décision. Au moment de la due diligence, une manière pour les investisseurs de vérifier que l'intention d'impact est au cœur du modèle d'une entreprise, est de regarder son statut juridique, s'il s'agit d'une association, d'une coopérative ou d'une société commerciale bénéficiant du label ESUS Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale. Cela signalera clairement que statutairement, l'organisation se fixe des objectifs allant au-delà de la lucrativité et pratique a priori une gouvernance intégrant les différentes parties prenantes. Certains investisseurs en font un prérequis. D'autres utilisent ces statuts juridiques comme un simple critère d'analyse non obligatoire et élargissent leur champ d'investissement à des entreprises qui ne présentent pas forcément toutes ces caractéristiques. Outre le statut juridique, le fait qu'une entreprise soit labellisée B-Corp par exemple ou Lucie 26 000 par exemple, peut également renseigner directement l'investisseur sur les questions de RSE, Responsabilité Sociale et Environnementale, de cette entreprise.