[MUSIQUE] [MUSIQUE] Après l'analyse externe, puis l'analyse interne, venons-en à l'analyse financière. Une fois le modèle de l'entreprise et sa stratégie bien compris, l'investisseur doit évidemment s'intéresser aux chiffres : on rentre donc dans l'analyse financière. Il s'agit là pour l'investisseur de comprendre comment la stratégie se retranscrit concrètement en termes de prévision de chiffre d'affaires, de profit, mais aussi de trésorerie. Cette analyse repose à la fois sur les états financiers passés de l'entreprise, s'ils sont suffisamment significatifs, mais aussi et surtout sur le business plan financier souvent présenté dans un tableur Excel qu'aura préparé l'entrepreneur en amont. Revenons rapidement sur ce qu'on appelle les états financiers d'une entreprise. Les états financiers d'une entreprise se composent du compte de résultat, du tableau de flux de trésorerie et du bilan. Le compte de résultat vise à décrire la formation du profit de l'entreprise sur une période donnée. On y retrouve donc le chiffre d'affaires, les différentes charges concurant directement ou moins directement à la production de ce chiffre d'affaires, les frais généraux, par exemple, qui concourent indirectement, ce qui donnera l'excédent brut d'exploitation ou EBE, en anglais EBITDA, et le résultat d'exploitation ou REX, qui correspondent à la rentabilité opérationnelle de l'entreprise. La différence entre ces deux indicateurs correspond aux amortissements, qui mesurent l'utilisation faite de l'actif immobilisé, des équipements par exemple, mais ne correspondent à aucun flux de trésorerie. Au résultat opérationnel, on ajoute les postes liés à la politique de financement de l'entreprise, typiquement les intérêts payés sur la dette, et à des opérations exceptionnelles. On arrive ainsi au résultat net. Le compte de résultat est donc primordial pour comprendre et évaluer la rentabilité d'une entreprise. Le tableau de flux de trésorerie se situe, lui, dans le prolongement du compte de résultat,. Au-delà de la de la rentabilité, ce tableau permet de suivre la génération des flux de trésorerie dont dépend l'entreprise pour rester à flot. En effet, le résultat net obtenu dans le compte de résultat ne correspond pas à la trésorerie supplémentaire générée par l'entreprise. Ainsi, certains postes de recettes ou de charges sont comptabilisés au compte de résultat alors qu'ils ne seront pas encaissés ou décaissés au moment de ce décompte ; ils ne le seront que plus tard. C'est la fameuse notion de besoin en fonds de roulement ou BFR, qu'il faut absolument maîtriser pour comprendre que, par exemple, une entreprise rentable peut courir à la faillite si les délais de paiement accordés aux clients sont trop longs, alors même qu'elle est en pleine croissance. Le besoin en fonds roulement, BFR, correspond ainsi schématiquement à la différence entre les créances clients et les stocks d'une part, pour lesquels le cash n'a pas encore été encaissé, et les dettes fournisseurs et les dettes fiscales et sociales d'autre part, dans lesquels le cash n'a pas encore été décaissé. Dans un tableau de flux de trésorerie, on s'intéresse plus particulièrement à la variation de ce BFR sur une année. Ce tableau inclut également les investissements réalisés par l'entreprise, qui viennent évidemment diminuer sa trésorerie, et enfin les flux de financement positifs si l'entreprise augmente ses fonds propres ou souscrit à un prêt ; négatifs si elle rembourse un prêt ou paie des dividendes à ses actionnaires. La somme de tous ces flux indique ainsi la variation de la trésorerie de l'entreprise sur une période donnée. Le bilan, contrairement au compte de résultat et au tableau de flux de trésorerie est, lui, une photo de l'entreprise à un instant t, qui présente d'un côté son passif, autrement dit les ressources allouées par les actionnaires ou les créanciers ; et de l'autre son actif, autrement dit les emplois faits à partir de ces ressources. On trouve notamment à l'actif les immobilisations, qui correspondent à des équipements, à du foncier, on parle d'immobilisations corporelles ; ou à des brevets des marques, on parle d'immobilisations incorporelles. Le terme immobilisation traduit le fait que cet actif n'est pas immédiatement transformable en cash, trésorerie, mais est immobilisé. À l'inverse, l'actif circulant est constitué, par exemple, des stocks, ou des créances clients, que l'entreprise va transformer en liquidité, en trésorerie à court ou moyen terme. Au passif, on trouve de manière schématique les capitaux propres et les dettes, différents par le fait que seules les dettes sont exigibles et doivent être nécessairement remboursées un jour aux créanciers. Ces trois états financiers sont scrutés par les investisseurs qui cherchent à y décoder les leviers de croissance de l'entreprise, sa rentabilité, sa capacité à générer de la trésorerie et donc à rester à flot, on parle de liquidité, mais aussi de solvabilité, sa capacité à honorer ses engagements tels que les remboursements de dettes, par exemple.Les investisseurs vont analyser scrupuleusement les comptes passés pour y déceler les performances de l'entreprise et se faire une opinion, par prolongement de cette historique, sur ses performances futures. Les performances futures doivent faire l'objet d'un travail important de la part de l'entrepreneur qui va les formaliser dans son business plan. Et les enjeux du business plan sont les suivants : les projections de chiffre d'affaires, de profit, de trésorerie, qui prennent la forme des états financiers décrits précédemment à l'exception du bilan doivent impérativement reposer sur une modélisation fine de l'activité de l'entreprise. L'entrepreneur doit décomposer son activité et formuler des hypothèses d'évolution en accord avec le potentiel qu'il décèle pour son projet. Les hypothèses concernant tant le nombre de clients, le prix, le panier moyen, par exemple, pour déterminer l'évolution du chiffre d'affaires, que l'évolution des coûts des marchandises, le nombre de personnes nécessaires à recruter, les ressources marketing à allouer, les équipements supplémentaires à acheter, ce qui va permettre d'estimer les marges d'une part, et les flux de trésorerie d'autre part. Il importe, dans la formulation des hypothèses, de bien calibrer les hypothèses de croissance des ventes, et les hypothèses de capacité de production. La qualité d'un business plan, en tout cas, dépend directement de la clarté de ces hypothèses, de leur degré de détail, mais aussi de la façon dont elles sont justifiées et étayées. C'est là un point absolument crucial, et je pèse mes mots. Une fois le détail des hypothèses bien assimilé par l'investisseur, celui-ci va s'attacher à les questionner, les challenger, et éventuellement à les moduler pour construire des scénarios alternatifs qui seront souvent plus conservateurs que celui présenté par l'entrepreneur. Sur la base des différents scénarios, l'investisseur va pouvoir plus particulièrement s'intéresser au besoin de financement suggéré par le business plan, et construire ainsi un plan de financement avec l'entrepreneur. C'est-à -dire décomposer le besoin de financement en différents postes et par année, et lui associer les ressources nécessaires, qu'il s'agisse d'autofinancement, de fonds propres ou de dettes. Le plan de financement se construit en fonction des capacités prévisionnelles, bien sûr, de l'entreprise à satisfaire les attentes des différents apporteurs de fonds, Si on utilisait la dette, il faudra s'assurer que les prévisions de cash-flow seront suffisantes pour respecter l'échéancier. Si on utilise des fonds propres, il faudra s'intéresser au potentiel de valorisation de l'entreprise d'ici la sortie des investisseurs en capital. Je reviendrai à la question de valorisation dans un instant. Toutes ces considérations reposent donc principalement sur le business plan proposé par l'entrepreneur, souvent retravaillé par l'investisseur. L'analyse financière est donc également constitutive de l'étape de valorisation de l'entreprise, je le disais il y a un instant. Pour rappel, l'enjeu de la valorisation est à la base de déterminer le prix auquel les investisseurs en capital vont acheter des actions de l'entreprise, et par conséquent leur nombre d'actions, et finalement leur poids dans la gouvernance. Prenons un exemple concret. Si une entreprise doit donner 100 000 et qu'elle compte actuellement 100 actions, une valorisation qu'on dit pre-money, c'est-à -dire avant une augmentation de capital de 1 million d'euros donne un prix par action de 10 000 euros. Les investisseurs vont souscrire à 10 actions qui correspondent à 100 000 euros d'apport supplémentaire, et détiendront ainsi 10 sur 100 plus 10, soit 1/11 ou encore 9 % du capital. On peut retenir que plus la valorisation est élevée, moins l'entrepreneur cède de capital aux investisseurs. Pour l'entrepreneur, l'enjeu de la valorisation est donc bien avant tout de ne pas être trop dilué, autrement dit de garder une part du capital la plus importante possible pour conserver le contrôle de l'entreprise. Ce que regarde particulièrement l'investisseur, ce sont les perspectives de sortie et de plus-value à la sortie. Et là , plus la valorisation est élevée à l'entrée, et moins la plus-value réalisée à la sortie sera élevée. Or, la plupart des investisseurs, en particulier les institutionnels ou les sociétés de gestion sous mandat, ont le plus souvent des contraintes de rendement, même dans le champ de l'investissement à impact. Pour l'investisseur, l'exercice de valorisation demande donc de se projeter sur la sortie et d'estimer ce qu'il retirera de l'investissement. Il lui faut donc considérer le type d'investisseur capable de racheter la participation, dans quel contexte et à quel prix, compte tenu des prévisions financières élaborées dans le business plan. D'un point de vue plus technique, la valorisation fait souvent l'objet de deux calculs. Il y a deux méthodes majeures. La méthode des multiples, qui consiste à identifier des entreprises similaires à la cible d'investissement, calculer les multiples de valorisation utilisées sur les transactions passées, par exemple le rapport entre valorisation et chiffre d'affaires, ou le rapport entre valorisation et excédent brut d'exploitation. Ces multiples seront ensuite appliquées à la cible d'investissement. Pour les entreprises plus matures, la méthode du DCF, Discounted Cash Flow, repose sur des prévisions financières de l'entreprise et est plus souvent utilisée. Dans les faits, bien que les investisseurs cherchent au maximum à rationaliser la valorisation via l'une ou l'autre de ces méthodes, cette valorisation reste avant tout le fruit de négociations entre l'entrepreneur et les investisseurs, et entre les investisseurs eux-mêmes, et cette valorisation est finalement le reflet du potentiel auquel ces différents acteurs croient plus ou moins pour l'entreprise. Notons ici que, dans le cas d'investissements à impact, le potentiel n'est pas seulement financier, mais il est aussi lié à la mission de l'entreprise et à l'impact recherché. Bien que ce ne soit pas immédiatement mesurable d'un point de vue financier, des investisseurs seront prêts à payer plus cher une entreprise dont le potentiel d'impact leur semble très significatif. Au-delà de l'analyse financière, on peut passer rapidement sur l'analyse légale et fiscale. C'est une des étapes incontournables d'un processus d'investissement et de la due diligence légale et fiscale, qui va consister à vérifier en fin de compte que l'entreprise est bel et bien en règle avec la loi et que ses pratiques de gestion de propriété intellectuelle sont saines. Cette analyse est d'ailleurs souvent externalisée et confiée à un cabinet d'avocats spécialisés.