[MUSIQUE] [MUSIQUE] Un pacte d'actionnaires est un document juridique rédigé dans une langue juridique spécifique qui fait généralement au moins une bonne trentaine de pages hors annexes. Sa longueur dépendra en fait du nombre de clauses qui lui sont intégrées. Le nombre de clauses est assez souvent corrélé au stade de développement et au risque, mais cela va de paire, que les investisseurs sont prêts à prendre. En effet, le pacte d'actionnaires vise notamment à réduire le risque pour un investisseur en prévoyant à l'avance le traitement réservé à certains problèmes qui pourraient survenir et affecter, in fine, la valeur de l'entreprise. Voyons d'abord les clauses de gouvernance. Un des premiers éléments sur lesquels doivent se mettre d'accord les actionnaires, c'est la manière dont ils souhaitent collectivement administrer la société et prendre les décisions. Il est donc question de la gouvernance. Celle-ci se matérialise, en règle générale, par la constitution d'un comité stratégique, ou la composition du conseil d'administration, ou encore d'un conseil de surveillance, le board, comme on dit dans le jargon, auquel vont être représentés les principaux actionnaires en fonction de leur poids dans le capital de la société. Certains actionnaires peuvent parfois obtenir un siège d'observateur. Outre les actionnaires, le board peut aussi comprendre des membres indépendants qui présentent l'avantage de ne pas être liés financièrement à la société et qui ont donc un avis, en principe, plus objectif, au moins plus distancié. Le pacte d'actionnaires prévoit la fréquence minimale des réunions du board et les questions qui seront soumises à son approbation avec, éventuellement, des droits de veto au bénéfice de certains investisseurs. En plus d'un board, les actionnaires peuvent aussi prévoir la constitution d'un ou plusieurs organes consultatifs, tels qu'un comité d'impact, par exemple, chargé de suivre et de conseiller l'entreprise plus particulièrement sur la dimension impact. Un des aspects de la gouvernance, outre la constitution des organes de direction, consiste dans l'information qui est transmise aux actionnaires, en d'autres termes le reporting. Le pacte d'actionnaires indique ainsi quels types d'informations devront être transmises aux actionnaires, avec quelle régularité, sous quelles formes et sous quels délais. Ainsi, par exemple, l'entreprise va faire un point mensuel sur son chiffre d'affaires, sa marge et le niveau de sa trésorerie, au plus tard dix jours après la fin du mois. En parallèle, elle devra communiquer des états financiers complets et auditer dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice comptable. Le reporting consiste, pour l'essentiel, en des chiffres financiers, mais les actionnaires peuvent aussi demander à être tenus informés de l'avancée de la signature de certains contrats, par exemple, ou de tout autre élément lié directement à l'activité de l'entreprise. En outre, le reporting concerne aussi, et évidemment, la dimension impact. L'entreprise sera tenue de communiquer les données permettant le calcul des différents indicateurs d'impact convenus lors de l'investissement selon un rythme trimestriel, semestriel ou annuel. Après les clauses de gouvernance, venons-en aux clauses d'engagement des fondateurs. Un autre type de clause demandée fréquemment par les investisseurs concerne donc cet engagement des personnes fondatrices qui sont clés dans le fonctionnement de l'entreprise. Rappelons ici que la valeur d'un projet ou d'une entreprise tient le plus souvent à la ou les personnes qui l'ont créé(e) et/ou en assurent la gestion. Les investisseurs veulent donc s'assurer au maximum que les fondateurs resteront bien aux manettes et au capital, et motivés de surcroît, durant toute la durée de leur investissement. Cela passe, par exemple, par une clause dite de lock-up qui empêche les fondateurs de vendre leurs actions pendant un certain temps après l'investissement. Une clause de bad leaver, ce qu'on pourrait traduire en français par clause de départ fautif, sert d'abord à dissuader le ou les fondateurs de quitter le navire et, si cela arrive, deuxièmement, à compenser le tort ainsi causé aux autres actionnaires. En effet, une clause de bad leaver repose sur la définition de comportements caractérisant un départ fautif et y associe une décote plus ou moins prononcée sur la valeur des actions. Si un fondateur est reconnu comme tel, il devra céder sa participation à un prix bien inférieur à celui auquel il l'aurait cédée normalement. Par ailleurs, les investisseurs s'assurent aussi de l'engagement des fondateurs par des clauses d'exclusivité ou de non-concurrence qui, là aussi, empêchent ces fondateurs de se consacrer à un autre projet. Typiquement, le non-respect de ce genre de clauses peut être reconnu comme un cas de départ fautif. Au-delà de l'engagement du ou des fondateurs, il peut aussi être intéressant de s'assurer de l'engagement des salariés eux-mêmes dans le projet. Une manière de le faire est d'accorder des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, les BSPCE, que l'entreprise va pouvoir distribuer à ses salariés. Ceux-ci pourront ainsi faire le choix de convertir ces bons en actions au prix déterminé lors du tour de financement. Il s'agit évidemment là d'aligner les intérêts des salariés sur ceux des actionnaires. Par ailleurs, si les fondateurs sont souvent perçus comme cruciaux pour mener à bien le projet, il peut en être de même pour d'autres cadres de l'entreprise pour lesquels l'investisseur peut demander ce qu'on appelle une assurance homme clé qui ouvrira à une indemnisation si la personne concernée quitte l'entreprise, puisque l'on considère que cela entraînerait une diminution significative de sa valeur. Venons-en maintenant aux clauses de gestion des transactions et de gestion de la sortie. Un dernier type important de clauses insérées dans les pacte d'actionnaires traite de la possibilité pour un actionnaire d'acheter ou de vendre ses actions et précise les conditions qui y sont attachées. La clause de préemption, par exemple, permet aux actionnaires existants de racheter les actions de l'un d'entre eux en priorité par rapport à des investisseurs extérieurs. Cette clause permet d'éviter la dilution des actionnaires existants sous l'effet de l'entrée d'un nouvel investisseur. La clause de tag along, ou de sortie conjointe en français, s'applique dans les cas où l'investisseur majoritaire de la société cède ses parts. Dans ce cas, un actionnaire minoritaire peut demander à céder également ses parts aux mêmes conditions que celles consenties à l'actionnaire majoritaire. La clause de drag along est similaire, mais correspond cette fois-ci à une obligation. Si un actionnaire, souvent majoritaire, est en situation de céder ses parts à un investisseur extérieur qui souhaite racheter l'ensemble du capital de l'entreprise, l'actionnaire concerné peut obliger les autres actionnaires à vendre également leurs titres aux mêmes conditions. Pour l'actionnaire majoritaire, cette clause facilite la concrétisation d'opportunités de cession de ses actions auprès de nouveaux investisseurs prêts à racheter l'intégralité du capital. Les clauses de tag along et drag along concernent donc la sortie des investisseurs du capital de l'entreprise mais ne régissent pas forcément les conditions de cette sortie en termes de plus-value. Et il existe justement des clauses protégeant les investisseurs quant à la plus-value potentielle de leur investissement. C'est le cas de la clause de liquidation préférentielle. De manière schématique, cette clause implique qu'en cas de rachat des titres d'un investisseur, celui-ci bénéficie d'une valeur plancher en dessous de laquelle, si le montant du rachat ne suffit pas, le complément est prélevé sur le capital détenu par le ou les fondateurs. Une clause de liquidation préférentielle à 1 signifie que l'investisseur récupérera au minimum sa mise initiale, quitte à diluer le ou les fondateurs, si nécessaire, en cas de revente. Le même mécanisme s'applique dans une clause de ratchet. Celle-ci signifie que si la valorisation du capital retenue lors d'un tour de financement ultérieur est inférieure à celle retenue lors du tour initial, autrement dit que les investisseurs risqueraient de faire une moins-value, la répartition du capital est modifiée au profit des investisseurs initiaux et au détriment du ou des fondateurs afin d'aligner la part du capital des investisseurs sur la nouvelle valorisation. Toujours concernant la sortie des investisseurs, une clause de rendez-vous impliquera pour l'entreprise, à une date déterminée, de se mettre en recherche de nouveaux investisseurs afin d'assurer la liquidité des investisseurs initiaux. Ces différentes clauses ont donc pour objectif de limiter les risques de liquidité et de rendement pour les investisseurs. Après ce bref panorama des principales clauses d'un pacte d'actionnaires, voici quelques conseils pour réussir l'étape de contractualisation à destination des entrepreneurs comme des investisseurs. Notre premier conseil est destiné aux entrepreneurs. Vous l'avez vu, la contractualisation est un sujet technique, les pactes d'actionnaires sont longs et rédigés dans une langue propre aux problématiques juridiques, qui n'est pas forcément celle de l'entrepreneur. Il est donc primordial de se faire accompagner par un professionnel. Soit l'entrepreneur engage son propre avocat ou, dans certains cas, dispose en interne d'une personne qualifiée en la matière, soit il peut profiter aussi des conseils d'un avocat unique qui serait engagé par l'ensemble des parties prenantes d'une opération d'investissement. L'écueil, dans ces deux cas, c'est que les conseils d'un avocat sont chers et donc pas toujours à la portée d'un entrepreneur en phase de démarrage. Passer par des programmes d'incubation ou d'accompagnement peut apporter une solution à cette difficulté, puisque ce genre de programme comprend souvent une assistance en matière juridique. Sans parler de solliciter un avocat, on peut aussi recommander aux entrepreneurs tout simplement de mobiliser leur réseau personnel, en particulier d'autres entrepreneurs ayant déjà vécu l'expérience. Un deuxième conseil tient à la constitution du capital, ou, dans le jargon, la table de capitalisation. En effet, il faut avoir à l'esprit que plus il y a d'actionnaires autour de la table, plus les négociations sont potentiellement difficiles et longues, simplement parce qu'il faut pouvoir faire accepter et signer les différents documents dans les mêmes termes à l'ensemble de ces actionnaires. Il peut donc être opportun pour un entrepreneur de chercher à nettoyer sa table de capitalisation régulièrement en faisant sortir les petits actionnaires tels que les proches ou des business angels. Cela devrait grandement faciliter les tours de financement ultérieurs. Pour conclure, la contractualisation doit, en tout cas et en toute circonstance, former les bases d'une bonne relation de long terme entre entrepreneurs et investisseurs, ce que nous aborderons dans le module suivant. [AUDIO_VIDE]