[MUSIQUE] [MUSIQUE] Après avoir défini les cibles de l'investissement à impact et déterminé ses principales caractéristiques, il convient de présenter maintenant les acteurs qui incarnent ce mouvement, à commencer par les entrepreneurs à impact. Qui sont les entrepreneurs à impact et en quoi se distinguent-ils des entrepreneurs traditionnels? La caractéristique première d'un entrepreneur à impact, c'est son engagement. En effet, un entrepreneur à impact est avant tout motivé par une mission sociale et/ou environnementale. Cette mission explique des attentes différentes par rapport aux entrepreneurs classiques. Ainsi, le rendement d'impact prime sur le rendement financier et croissance est synonyme de maximisation des impacts générés, et non des profits. Même si la croissance en termes de capacité de production et de chiffre d'affaires est possible, elle n'est envisageable que si la stratégie d'impact reste intacte, voire est améliorée. Par exemple, avant d'envisager un changement d'échelle, qui impliquerait une croissance du revenu, une entreprise d'insertion doit veiller à ce que les salariés en insertion bénéficient d'un suivi et d'un accompagnement, d'une qualité et d'une régularité égales, si ce n'est améliorées, par rapport au stade préchangement d'échelle. Cet engagement prononcé est rendu possible et reconnu grâce à l'évolution des courants de pensée et des perceptions de l'entreprise. Ainsi, nous passons progressivement d'abord d'une vision de l'entreprise qui n'a pour mission que la défense des intérêts et la rémunération des actionnaires, qui correspond à la Shareholder Theory de Milton Friedman, en 1970, économiste de l'école de Chicago, à une vision de l'entreprise qui tient compte de toutes ses parties prenantes, actionnaires certes, mais aussi clients, fournisseurs, salariés, l'État, la société civile, qui tient compte aussi des aspects extrafinanciers de son activité avec des politiques RSE qui minimisent les externalités négatives, tout ceci se faisant dans le cadre de la théorie d'Edward Freeman, la théorie des parties prenantes, Stakeholders Theory, en 1984, puis, enfin, un troisième stade, la vision d'une entreprise qui exprime une intention d'impact cherchant à créer des effets positifs. C'est donc dans ce cadre de responsabilisation croissante des entreprises que les entrepreneurs à impact ont trouvé leur place et ont trouvé le rôle qu'ils doivent jouer. Enfin, les entrepreneurs à impact ont bénéficié d'un cadre législatif favorable à leurs activités. Certaines formes juridiques ont été mises en place pour traduire formellement la mission extrafinancière de l'entreprise, ce qui a donc facilité la création et l'identification des entreprises à impact. Nous pouvons notamment retenir deux lois charnières, la loi du 31 juillet 2014 dite loi Économie Sociale et Solidaire, dont j'ai parlé dans le module précédent, et qui reconnaît officiellement l'économie sociale et solidaire dans le cadre législatif et qui introduit les statuts juridiques spécifiques tels que le label ESUS, présenté également dans le module précédent. Cette loi est venue compléter les agréments d'État qui existaient auparavant, comme l'agrément Entreprise d'Insertion ou Entreprise Adaptée. Puis une deuxième loi a été votée le 22 mai 2019 pour la croissance et la transformation des entreprises, la loi PACTE, qui introduit la qualité d'entreprise à mission qui permet à une entreprise de déclarer sa raison d'être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux d'intérêt social et d'inscrire une mission ayant trait à cette raison d'être dans ses statuts. Toutes les entreprises, quelle que soit leur structure juridique, peuvent bénéficier de la qualité de société à mission si elles remplissent les conditions légales. Cette qualité d'entreprise à mission n'est donc pas une nouvelle structure juridique, mais une forme de labellisation. Le cadre juridique permet non seulement une reconnaissance économique et légale des entreprises à impact et leur accorde aussi l'accès à des ressources spécifiques à travers des subventions, par exemple, 10 650 euros par équivalent temps plein par an pour des entreprises d'insertion qui ont obtenu l'agrément. L'identification statutaire permet également le recensement ainsi que le regroupement des acteurs dans des associations, en collectifs ou en communautés, ce qui renforce les logiques de coopération et de collaboration. Ainsi, nous venons de vous proposer une définition d'un entrepreneur à impact et nous vous avons décrit l'environnement social et légal dans lequel il s'est développé. Nous savons combien être entrepreneur est un métier qui demande passion, patience et résilience. Et être entrepreneur à impact revient à relever des défis spécifiques encore plus élevés et plus compliqués que je vais vous présenter brièvement. D'abord et avant toute chose, l'entrepreneur à impact fait face à un enjeu économique fondamental : quel business model pérenne et générateur de valeur faut-il adopter? L'équilibre économique d'une entreprise à impact peut être plus difficile à trouver et à généraliser. Pour réaliser sa mission, l'entreprise à impact délivre des produits ou des services qui visent à créer des effets positifs transformant la société et/ou son secteur d'activité et elle intègre dans son modèle économique le coût social de ses actions. Ces coûts sociaux ne sont en général pas pris en compte par l'entreprise classique en l'absence de valeur monétaire déterminée. En effet, alors qu'il est simple de quantifier le volume de produits vendus et d'en déterminer un prix pour calculer ainsi les revenus générés, il est beaucoup plus difficile de quantifier et monétiser le retour financier direct de l'insertion professionnelle d'une dizaine de personnes ou du recyclage de plusieurs tonnes de textile, d'autant que les gains monétaires ne reviennent pas directement à l'entreprise. Ce faisant, l'entrepreneur à impact supporte des coûts plus élevés pour assurer sa mission. Au vu de ce constat, les défis sont de construire un modèle économique pérenne qui intègre le coût social et de faire accepter cette démarche aux investisseurs et aux consommateurs, qui sont en général et respectivement confrontés à une rentabilité financière moindre pour les investisseurs et à des prix plus élevés pour les consommateurs. Dans un second temps, l'entrepreneur à impact fait face précisément à cet enjeu d'impact, comment penser sa croissance tout en préservant la stratégie d'impact. Le paradoxe de la croissance dans l'impact est de viser une portée toujours plus grande de son impact, ce qui passe par un accroissement des capacités productives, mais tout en assurant l'intégrité de sa stratégie d'impact. En effet, si une entreprise qui œuvre pour une alimentation plus saine et biologique et qui soutient des agriculteurs et des éleveurs locaux change d'échelle, elle doit pouvoir assurer le même mode d'approvisionnement et la même qualité nutritionnelle des repas sur une plus large échelle, et non pas succomber à la tentation plus facile et lucrative de la massification de la production. En réalité, la mission sociale et/ou environnementale qui anime l'entrepreneur à impact l'empêchera d'envisager une telle dérive. Il va préférer maintenir son impact à échelle réduite et à l'échelle à laquelle il opère déjà en attendant de trouver les moyens financiers et humains pour l'accompagner et le suivre progressivement dans une étape supérieure de changement d'échelle. Pour mener à bien son projet à impact, l'entrepreneur social doit collaborer avec des investisseurs en vue de trouver des moyens dont il ne dispose pas, notamment des moyens financiers et une ingénierie financière et stratégique, ce que l'on appelle du capacity building.