[MUSIQUE] [MUSIQUE] Les études genre ont pour ambition de montrer que les rapports sociaux de sexe sont transversaux au monde social, et le genre y est théorisé à la fois comme une réalité empirique, c'est-à-dire qu'on peut observer des normes de genre, qu'il y a des normes de genre qui organisent le monde et c'est également un concept analytique critique qui vise à déconstruire cette différence, cette binarité. Donc, le genre est un principe organisateur binaire, un principe binaire d'organisation du monde. Il y a des hommes, il y a des femmes, il y a du masculin et du féminin. Il y a des emplois masculins et des emplois féminins et il y a des sexualités légitimes, quand il y a des sexualités illégitimes. Selon ces normes, les hommes seraient extravertis, les femmes seraient davantage introverties. Les hommes seraient rationnels quand les femmes seraient plus émotives, les hommes useraient d'autorité quand les femmes seraient davantage rusées. >> Ces oppositions complémentaires pourraient être anodines, >> mais elles portent en elle des valorisations différenciées. Ces qualificatifs attachés à l'un ou l'autre sexe sont également des hiérarchies. Il est plus valorisé d'avoir une activité extérieure qu'une activité domestique. Il vaut mieux être actif que passif. De même, certains qualificatifs n'ont pas le même sens lorsqu'ils sont associés à un homme ou à une femme. Ainsi, l'homme public est quelqu'un qu'il est de bon ton de fréquenter, quand on évite la femme publique. Une secrétaire effectue un travail sans grandes qualifications, tandis qu'un secrétaire est le bras droit ou alors l'homme de confiance. Cette partition binaire donne lieu à des hiérarchies et cette hiérarchisation détermine des positions différenciées qui sont généralement présentées comme étant naturelles, la conséquence logique des différences biologiques. >> Pour prendre un exemple concret et voir comment ces normes se matérialisent, les dernières statistiques suisses sur le domaine d'étude et de formation, classifiées selon les sexes, montrent bien comment ces oppositions se matérialisent dans le choix même >> de notre futur, de notre formation, dans ce qu'on a envie de faire de notre vie. Alors, aux femmes, majoritairement la santé, le social, le commerce, les sciences humaines. Aux hommes, majoritairement la technique et l'industrie, les sciences dites dures. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les sciences et les techniques sont davantage valorisées, qu'elles sont mieux rémunérées que le social, la santé et les sciences humaines. >> Comme l'écrivent Bereni, Chauvin, Jaunait, Revillard, dans leur livre Introduction aux études sur le genre, la première démarche des études sur le genre a été de faire éclater les visions essentialistes de la différence des sexes, >> qui consistent à attribuer des caractéristiques immuables aux femmes et aux hommes en fonction, le plus souvent, de leurs caractéristiques biologiques. La perspective anti-essentialiste est au cœur de la démarche. Il n'y a pas d'essence de la féminité, ni d'ailleurs de la masculinité, mais un apprentissage tout au long de la vie, des comportements socialement attendus d'une femme et d'un homme. Autrement dit, les différences systématiques entre femmes et hommes ne sont pas le produit d'un déterminisme biologique, mais bien d'une construction sociale. >> Alors, quand on parle de construction sociale, il faut voir que la question du genre >> renvoie également aux sexualités qui sont légitimes ou illégitimes. La norme de genre dominante est liée à l'hétérosexualité. Elle suppose et elle impose que les hommes soient virils, qu'ils soient hétérosexuels, quand les femmes doivent être féminines et hétérosexuelles. Toute personne qui déroge à cette norme dominante doit payer le prix de sanctions sociales, sous forme de moqueries, de discrimination, de marginalisation, d'exclusion, voire de violence. >> Toutes ces représentations du genre sont évidemment à replacer dans leur contexte historique et culturel, >> comme le rappelle Joan Scott. Je cite, le genre est un élément constitutif des relations sociales basé sur la perception des différences entre les sexes, et le genre est un moyen premier de signifier des relations de pouvoir, le but des investigations historiques est de mettre en cause l'idée de fixité pour mettre au jour la nature des débats ou des controverses qui permettent de donner cette apparence éternelle d'une représentation fixe et binaire des différences. Cette analyse doit inclure une notion de politiques et se référer aux institutions et organisations. Penser le genre permet donc d'analyser la façon dont ces normes sociales sont prégnantes dans les institutions, dans la vie quotidienne ou dans notre intimité. Elles servent à légitimer des différences, des différences de traitement, et sont en ce sens une manière de signifier le pouvoir. >> Il serait faux de croire que les études genre sont destinées principalement aux femmes et comme le dit Isabelle Clair dans son petit livre Sociologie du genre, le genre n'est pas qu'une affaire de femmes, même si ce sont d'abord les femmes qui l'ont forgé, parce qu'il permet de rendre compte d'expériences imperceptibles pour la majorité des hommes, >> et donc passées sous silence des siècles d'écriture durant. Il ne se réalise pas que dans la mixité, il agit partout et tout le temps, son empire se manifeste dans toutes les têtes et dans toutes les institutions, y compris dans les univers exclusivement peuplés d'hommes, c'est pourquoi le concept est aussi valable pour comprendre la vie des secrétaires que celle des chasseurs alpins. Isabelle Clair insiste donc sur ce processus de partition et de hiérarchisation à l'œuvre. >> Le genre est un principe organisateur, structurel de nos pratiques qui nous impose de nous conformer à des manières de faire spécifiques associées à chaque sexe. Manières de faire qui sont présentées comme naturelles, instinctives, allant de soi, mais qui sont au contraire le fruit de l'intériorisation des normes, jamais totalement figées mais en constante renégociation. [MUSIQUE] [MUSIQUE]