[MUSIQUE] [MUSIQUE] De quoi le monde est-il fait, et comment fonctionne-t-il? Quel rapport y a-t-il entre l'eau des océans, l'air que nous respirons, les roches des montagnes, les étoiles? Depuis la nuit des temps, l'homme a cherché à répondre à ces questions. Derrière la multiplicité des phénomènes et la diversité des matériaux, les physiciens sont parvenus à découvrir une unité de constitution. Tous les objets qui nous entourent sont constitués des mêmes objets, des mêmes particules élémentaires. Partons de l'homme, dont la taille est de l'ordre du mètre. 1 000 fois plus petit, nous avons le grain de riz, de l'ordre du millimètre. Encore 1 000 fois plus petit, le grain de pollen, de l'ordre du micromètre, soit 10 puissance -6 mètres. Grossissons encore mille fois et nous entrons dans le domaine de la chimie, avec la distance entre deux atomes d'une molécule de l'ordre de 10 puissance -9 mètre. Les atomes, étudiés par la physique atomique, ne font qu'un dixième de nanomètre. Ils sont constitués d'un nuage d'électrons autour d'un noyau positif 10 000 fois plus petit, soit 10 puissance -14 mètre. Ce noyau, décrit par la physique nucléaire, est constitué de neutrons et de protons dix fois plus petits. Les neutrons et les protons sont eux-mêmes faits de quarks de deux types, up et down, dont on ne connaît pas la taille, mais dont on sait, tout comme la taille de l'électron, qu'elle est inférieure à 10 puissance -18 mètre. Ces particules élémentaires sont étudiées par la physique des particules. Pour faire ces découvertes, il a fallu monter progressivement en énergie, en étudiant des rayons cosmiques ou des collisions dans les accélérateurs. En effet, plus on veut sonder la matière sur de courtes distances, plus il faut fournir d'énergie, car on doit utiliser des sondes correspondant à de petites longueurs d'onde. En physique des particules, l'unité d'énergie est l'électron-volt noté eV. C'est l'énergie apportée à un électron soumis à une différence de potentiel d'un volt. En fait, on utilise plus souvent des multiples de cette unité comme le megaélectron-volt ou MeV, soit 1 million d'électrons-volts, le gigaélectron-volt ou GeV, soit 1 milliard d'électrons-volts, ou bien le teraélectron-volt ou TeV, soit 1 000 milliards d'électrons-volts. À l'heure actuelle, les accélérateurs les plus puissants effectuent des collisions entre particules à des énergies de l'ordre du TeV, alors que les premiers accélérateurs n'en étaient qu'au MeV, soit 1 million de fois moins. On peut relier ces unités d'énergie à des unités de masse par la formule d'Einstein E = mc2. Ainsi, la masse du proton correspond à environ 1 GeV, alors que celle de l'électron est d'environ un demi MeV, soit 2 000 fois plus petite. La dernière particule élémentaire découverte en 2012, le boson H, a une masse de 125 GeV, plus de 100 fois plus grande. Il est très intéressant de tout exprimer en unités d'énergie quand on explore la matière dans le domaine de l'infiniment petit. Cette vision de la matière ne s'est pas construite en un jour. Le monde des particules élémentaires tel que nous le connaissons a été exploré principalement au cours du XXe siècle depuis la découverte de l'électron par Thomson en 1897, jusqu'à la découverte du boson H en 2012 au CERN. Au début du XXe siècle, on s'intéresse beaucoup à l'atome. On s'aperçoit qu'il peut être cassé en électrons et en noyau atomique. Certains de ces noyaux s'avèrent radioactifs, c'est-à -dire qu'ils peuvent changer de nature. soit de manière spontanée, soit en provoquant, en laboratoire, des réactions nucléaires. On parvient à isoler, dans ces noyaux les protons et les neutrons, ce qui permet de mieux comprendre les différents types de radioactivités. À côté de ces découvertes, les études sur l'interaction entre la lumière et la matière aboutissent à deux théories révolutionnaires : la relativité et la mécanique quantique. La première étudie des objets allant à des vitesses très élevées. La seconde regarde des objets échangeant de petites quantités d'énergie sur des temps brefs. En 1928, Dirac essaye de combiner les deux théories pour mieux décrire l'électron, ce qui l'amène à postuler l'existence du positron, une particule associée à l'électron, de même masse et de charge opposée. En 1932, Anderson étudie les rayons cosmiques en prenant des clichés de particules de haute énergie venant de l'espace, et parmi elles, il parvient à identifier des positrons. Après ce premier succès, il faut 20 ans de travail théorique acharné pour combiner mécanique quantique et relativité, afin de décrire l'interaction électromagnétique entre des particules chargées comme l'électron et le positron. En parallèle, les découvertes expérimentales continuent. En 1936, Anderson, encore lui, découvre dans les rayons cosmiques une nouvelle particule 200 fois plus massive que l'électron, avec la même charge électrique. Cette particule se comporte donc comme une version très massive de l'électron, qui est instable et se désintégrerait très rapidement en un électron. C'est le muon. Cette découverte remet en cause la compréhension du monde. Quelle est cette nouvelle particule qui ne sert à rien pour décrire la matière qui nous entoure? Dans les années 1950, on se tourne vers les accélérateurs de particules pour mieux contrôler les énergies des réactions étudiées. Lors de collisions de plus en plus énergétiques, on découvre tout un zoo de nouvelles particules. Elles sont sensibles à l'interaction forte, la même interaction qui maintient les protons et les neutrons ensemble dans les noyaux atomiques. Mais leur multiplication surprend les physiciens, qui cherchent un nombre limité de briques élémentaires pour expliquer la matière. Heureusement, en 1964, Gell-Mann et Zweig émettent l'idée que toutes ces particules soumises à l'interaction forte ne sont pas élémentaires. Elles sont constituées de deux ou trois éléments plus fondamentaux, les quarks, appelés up, down et strange. On peut alors classer tout ce zoo de particules selon un schéma logique, et même prédire de nouveaux assemblages de quarks qu'on arrive à observer dans les collisions. À la même époque, on commence à mieux comprendre la nature de la troisième interaction fondamentale au niveau subatomique, l'interaction faible, qui est responsable de certains types de radioactivité. On identifie les neutrinos qui sont produits lors de ces désintégrations. En parallèle, les physiciens théoriciens Glashow, Weinberg et Salam parviennent à décrire cette interaction faible en faisant intervenir de nouvelles particules, les bosons W et Z. Pour expliquer la masse très lourde de ces particules, ils doivent utiliser un mécanisme proposé par Higgs, Brout et Englert en 1964, qui aboutit à ajouter une nouvelle particule : le boson H. Ainsi, en 1970, les bases théoriques de la physique des particules moderne sont posées. La théorie précède l'expérience sur de nombreuses questions. Par exemple, en 74 et 77, on découvre de nouveaux quarks, charm et beauty, alors que leur existence était soupçonnée depuis longtemps. Au fil des années 1980 à 2000, auprès du CERN et du Tevatron, on découvre les pièces manquantes du tableau des particules, l'équivalent de la classification périodique de Mendeleïev au niveau des particules élémentaires. L'épopée s'achève avec la découverte du boson H en 2012 au Large Hadron Collider du CERN, le LHC, qui conclut et confirme la vision actuelle de la physique des particules, le modèle standard. Nous avons donc vu que toute la complexité du monde qui nous entoure peut se ramener à un petit nombre de briques élémentaires. Au début du XXe siècle, on pensait qu'il s'agissait d'atomes. On s'est aperçu progressivement que ces atomes étaient constitués d'éléments plus fondamentaux. Il a fallu pour cela sonder des distances de plus en plus petites, c'est-à -dire aller à des énergies de plus en plus élevées en étudiant les rayons cosmiques ou en faisant des collisions dans les accélérateurs de particules. Au passage, on a découvert non seulement les constituants de la matière ordinaire, l'électron, les quarks U et D, mais aussi d'autres particules inattendues, plus lourdes, instables, se désintégrant très rapidement. On a aussi réussi à décrire les interactions qui les affectent, les interactions électromagnétiques, fortes et faibles. Cette vision moderne de l'infiniment petit, le modèle standard, nécessitait un dernier élément, le boson H, découvert en 2012. Maintenant, il s'agit non seulement de tester plus précisément ce modèle standard, mais aussi de chercher s'il y a quelque chose de plus, de nouvelles particules, de nouvelles interactions, de nouveaux phénomènes dans notre quête des distances toujours plus petites, des énergies toujours plus élevées. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]