[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Les médias ont beaucoup parlé du LHC au moment de la découverte du boson de Higgs. Mais qu'est-ce que le LHC? C'est ce que nous allons voir dans cette séquence. Le LHC, ou Large Hadron Collider, est la base de notre contexte expérimental pour étudier l'infiniment petit. Le principe de base : accélérer des milliards de protons, ou parfois des noyaux atomiques, dans un sens et dans l'autre pour les faire se rentrer dedans, et peut-être découvrir de nouveaux phénomènes. 100 mètres sous terre, les protons parcourent l'anneau circulaire accélérateur de 27 kilomètres de circonférence à une vitesse vertigineuse, extrêmement proche de la vitesse de la lumière. Ils font près de 11 250 fois le tour de l'anneau en une seule seconde. Pour éviter tout obstacle à cette course folle, les protons circulent dans ce qu'on appelle un tube à vide, justement car il y règne un vide poussé avec une pression dix fois plus faible que l'atmosphère lunaire. Les faisceaux se percutent près de 40 millions de fois par seconde en quatre points de collision autour desquels quatre grands détecteurs sont installés : ATLAS, CMS, LHCb et ALICE. Pour parvenir à réaliser de telles collisions, il a fallu inventer une technologie de pointe. Près de 10 000 aimants supraconducteurs sont utilisés pour maintenir un champ magnétique extrême, et ces aimants doivent être refroidis avec de l'hélium superfluide à une température de- 271°C, ou 1,9 k, plus froid que l'espace intersidéral. Chaque faisceau est en fait constitué de plusieurs milliers de paquets de protons séparés les uns des autres par quelques mètres de distance. Chaque paquet contient plus de 100 milliards de protons. Quand on fait la somme de l'énergie de tous les protons, l'énergie d'un faisceau est monumentale : 360 mégajoules, soit l'énergie d'un TGV en pleine vitesse. Et tout ceci doit se croiser à 10 microns près au point de collision. Cela exige une précision comparable à celle qu'il faudrait pour faire se percuter deux aiguilles lancées à dix kilomètres de distance. Une fois une collision effectuée, il s'en dégage tout un tas de particules, et le but de notre détecteur est d'enquêter sur ce qui s'est passé, ce qui veut dire identifier les particules, mesurer leur position, leur trajectoire, leur énergie, charge, masse, etc. Nous voulons tout savoir. Pour y arriver, il faut en général plusieurs couches de détecteurs, chacune pour identifier un type de particules spécifiques. Chacun des nombreux éléments du détecteur est imaginé et construit séparément aux quatre coins du monde. Pour les expériences du LHC, c'est au bout de deux décennies de préparation qu'est arrivé le moment haletant de l'assemblage final au CERN. Comme un meuble en kit, il faut assembler les différentes pièces et les faire fonctionner ensemble. Ces détecteurs gigantesques et complexes qui mesurent jusqu'à 40 mètres de long et 20 mètres de haut rassemblent des systèmes électroniques de haute technologie, d'où partent quelques millions de câbles pour enregistrer les informations concernant chaque collision intéressante. Après un démarrage de courte durée en 2008, le LHC a effectué ses premières collisions entre protons fin 2009 à une énergie et un nombre de collisions faibles. Progressivement, le LHC a augmenté et amélioré ses performances. En 2012, il a terminé sa première période de prise de données, appelée Run 1, en dépassant les prévisions les plus optimistes. Le point d'orgue du Run 1 a été la découverte du boson de Higgs et la mesure de certaines de ses caractéristiques comme sa masse. Grâce au Run 1, le modèle standard a pu également être testé, par exemple en mesurant les masses du quark Top ou des bosons W+, W- et Z⁰ avec des précisions jamais atteintes auparavant. Certains aspects de l'interaction forte et de l'interaction faible ont également été mieux compris. Les physiciens ont aussi exploré la possibilité d'une physique au-delà du modèle standard en repoussant les limites sur les masses de nouvelles particules, comme celles qui constitueraient la matière noire. Le LHC s'est arrêté de début 2013 au printemps 2015 pour se préparer à de nouvelles conditions de travail. L'énergie des collisions augmente de 8 TeV à 13 TeV, avec un triplement du nombre de collisions par seconde. Il a fallu adapter toute la chaîne d'accélération et les détecteurs face à l'augmentation du nombre de croisements de faisceaux. Certains éléments des détecteurs ont été réparés ou remplacés par des éléments plus performants. C'est aussi le cas pour les tubes à vide où circulent les faisceaux, et certains éléments de l'électronique qui enregistrent les données venant des collisions. La phase de prise de données qui a suivi cet arrêt, le Run 2, est un succès. Dès mi-2016, la quantité de collisions produites a dépassé celle du Run 1. Les résultats publiés confirment les caractéristiques du boson de Higgs. Ils mesurent de façon encore plus précise divers processus du modèle standard et aboutissent à des contraintes encore plus fortes sur de nouvelles particules au-delà du modèle standard. Mais les physiciens des particules voient plus loin. En effet, nous préparons actuellement une nouvelle phase du LHC. Elle est prévue à partir de 2025 pour dix ans de fonctionnement avec une augmentation d'un facteur 100 du nombre de collisions par rapport au Run 1. Ces conditions extrêmes de fonctionnement impliquent un nombre record de collisions par croisement de faisceaux, jusqu'à dix fois plus qu'au Run 1, ainsi que des radiations dans les détecteurs sans égales. Mais pourquoi vouloir accumuler autant de collisions? Pour avoir accès aux processus les plus rares, pour rechercher de nouvelles particules avec des masses de plus en plus grandes, et finalement pour repousser les limites de notre connaissance. D'autres collisionneurs sont aussi imaginés pour succéder au LHC, comme des collisionneurs linéaires où des électrons et anti-électrons feraient plusieurs kilomètres en ligne droite pour finalement se rencontrer à des énergies de l'ordre du TeV. D'autres physiciens envisagent une version encore plus gigantesque du LHC, avec un anneau circulaire de 80 kilomètres de circonférence, de quoi atteindre une énergie jusqu'à 100 TeV. Nous avons ainsi vu ce qu'est l'accélérateur LHC ainsi que les détecteurs qui y opèrent. C'est un contexte expérimental unique pour étudier les particules élémentaires et leurs interactions, qu'elles soient bien connues comme le Top, tout juste découvertes comme le boson de Higgs, ou encore à découvrir car au-delà du modèle standard. Il faut pour cela effectuer des collisions très énergétiques et en grande quantité. Si la moisson du LHC est déjà riche, nous réfléchissons au prochain collisionneur de particules encore plus puissant. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]