[MUSIQUE] [MUSIQUE] Pas évident de voir l'infiniment petit, c'est-à -dire la matière à des distances du millionième de milliardième de mètre. Il n'y a pas de microscope assez puissant pour aller rechercher des détails aussi fins. Alors, comment faire? Les physiciens utilisent des accélérateurs de particules, des outils d'un type très particulier que nous allons découvrir à présent. Qu'est-ce qu'un accélérateur? C'est un instrument complexe et de haute technologie capable de créer, d'accélérer et de guider des particules vers une destination bien définie, par exemple sur une cible ou sur un détecteur. Mais il ne faut pas se tromper sur ce qu'on veut dire par accélérer. Est-ce qu'accélérer signifie nécessairement donner une plus grande vitesse? Non, car depuis Einstein, nous savons qu'il existe une vitesse limite, celle de la lumière, et lorsqu'une particule s'approche de la vitesse de la lumière, accélérer veut surtout dire augmenter son énergie. Ainsi, pour caractériser un accélérateur, on parlera surtout de sa capacité à apporter à une particule une certaine quantité d'énergie plutôt que parler de vitesse. Pour comprendre un peu plus ce qu'est un accélérateur, parlons de ses caractéristiques principales. Tout d'abord le type de particules accélérées. Elles peuvent être des électrons, des protons, des ions, des agrégats, c'est-à -dire un ensemble de molécules contenant jusqu'à quelques milliers d'atomes. Toutes ces particules sont très diverses en taille, en masse, mais elles possèdent toutes un point commun, elles sont chargées. En effet, le principe de base de presque tout accélérateur est d'utiliser un champ électrique pour créer une force sur une particule chargée, la force de Lorentz. La force de Lorentz comporte également une composante magnétique, mais qui s'exerce de façon orthogonale à la direction de propagation de la particule. Le champ magnétique ne peut donc pas être utilisé directement pour accélérer, mais il sert par contre à dévier ou courber la trajectoire de la particule pour en changer sa direction. Une autre caractéristique importante des accélérateurs est l'énergie finale atteinte par les particules. L'unité usuelle utilisée est l'électron-volt, qui est une unité bien plus adaptée que le joule pour exprimer l'énergie d'une particule. Un électron-volt correspond par exemple à l'énergie acquise par un électron soumis à une tension de un volt. Usuellement, on parlera surtout en millions d'électron-volts, le MeV, en se rappelant que 1 MeV est égal à 1,6 x 10 (- 13) joules. Selon l'accélérateur et son utilisation, l'énergie finale de la particule sera de quelques milliers d'électron-volts à des TeV, un téra-électron-volt, un million de fois plus élevé, pour les plus grands accélérateurs au monde. Autre caractéristique, la taille de l'accélérateur. Selon l'énergie souhaitée, un accélérateur a des dimensions très variées, de quelques dizaines de centimètres à des dizaines de kilomètres. Généralement, plus il est grand, plus il est possible d'atteindre une énergie élevée. On parle aussi du courant pour un accélérateur, qui s'exprime en ampères et correspond à la quantité ou au flux de particules accélérées. Il peut aller de quelques picoampères à quelques kiloampères, la taille des faisceaux de particules, qui peut varier de quelques centimètres à quelques micromètres. Autre caractéristique, la structure du faisceau. Le faisceau peut être un filet continu de particules, ou bien pulsé avec des bouffées de particules en paquets. Une autre grandeur est très importante, surtout pour les accélérateurs pour la recherche fondamentale. C'est la luminosité, c'est-à -dire le nombre de particules par seconde et par unité de surface du faisceau. Plus la luminosité est grande, plus on pourra faire de collisions de particules lorsque les faisceaux se rencontrent. Regardons plus en détail comment les accélérateurs fonctionnent. Un accélérateur doit contenir des structures accélératrices. L'objectif de ces structures est de développer un champ électrique le plus élevé possible afin d'accélérer le plus fort possible les particules. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut être aussi capable de guider les particules, c'est-à -dire de les dévier ou courber leur trajectoire pour les conduire là où on veut. Ce guidage est obtenu grâce au champ magnétique produit par des aimants. Il faut aussi des outils pour mesurer en différents points les caractéristiques du faisceau. Ce sont les diagnostics de faisceaux. Un accélérateur est donc une succession de structures d'accélération et d'aimants entrecoupés de dispositifs pour mesurer les caractéristiques du faisceau afin de piloter la machine. Commençons par les structures d'accélération. Il existe deux grandes familles d'accélérateurs. Les accélérateurs électrostatiques qui fournissent un champ électrique constant. Ils sont simples de conception mais limités en énergie. De nos jours, on leur préfère souvent les accélérateurs radiofréquences qui fournissent un champ électrique variable avec le temps et permettent de fournir des énergies plus importantes. Ces cavités radiofréquences fournissent l'énergie d'accélération à partir d'une onde électromagnétique de type onde radio ou GSM, mais de puissance 10 000 à 100 000 fois plus élevée. Ces cavités se divisent en deux grands types, les cavités en cuivre fonctionnant à des températures ambiantes, et les cavités supraconductrices qui fonctionnent à très basse température,- 269 degrés, ou même moins. Les cavités en cuivre sont faciles à exploiter mais elles ont une certaine résistance électrique. Quand on leur fournit de l'énergie, une partie va être convertie en chaleur par effet Joule et elle ne sera pas transmise aux particules de faisceau. En revanche, les cavités supraconductrices ne perdent quasiment aucune énergie par effet Joule. Toute l'énergie fournie est utilisée pour accélérer les particules. Pour les aimants, on trouve deux familles. D'une part, les aimants de déviation pour aiguiller les faisceaux. On applique un champ magnétique aux particules chargées qui sont ainsi déviées. D'autre part, il existe aussi des aimants de focalisation qui utilisent un champ magnétique pour contraindre les particules à rester groupées. En effet, la tendance naturelle au sein d'un paquet de particules ayant la même charge électrique est de s'éloigner le plus possible les unes des autres. Les aimants de focalisation sont ici l'équivalent des lentilles optiques qui concentrent la lumière. Comme pour les cavités, ils existent deux grandes technologies, avec des aimants dits chauds et des aimants supraconducteurs. On trouve deux grandes catégories d'accélérateurs pour le monde de la recherche. Dans les accélérateurs circulaires, les particules tournent en rond. Elles passent plusieurs fois dans les systèmes d'accélération en gagnant de l'énergie à chaque tour. Ils sont très efficaces, mais le guidage des faisceaux n'est pas toujours simple. De plus, lorsque les particules sont déviées pour suivre une trajectoire courbée, elles émettent une lumière appelée rayonnement synchrotron, ce qui fait perdre de l'énergie au faisceau. Dans des accélérateurs linéaires, les particules ne passent qu'une seule fois dans chaque structure qui compose l'accélérateur. C'est moins efficace, mais le guidage et le contrôle du faisceau sont plus simples, et il n'y a pas de perte d'énergie par rayonnement synchrotron. Les accélérateurs peuvent donc être très différents les uns des autres parce qu'ils ont de très nombreuses utilisations. Lesquelles? Cela va de la recherche fondamentale comme la physique des particules, la physique nucléaire, la physique du solide, à des applications industrielles comme la stérilisation ou la métallurgie, également en passant par la santé, production de traceurs radioactifs ou le traitement de certains cancers, et même l'énergie comme pour le traitement de déchets nucléaires. En recherche fondamentale, l'objectif est de sonder la matière à de très petites échelles pour comprendre sa composition, son fonctionnement et ses propriétés. Ainsi, les accélérateurs sont utilisés en physique des particules pour créer des nouvelles particules par des collisions à énergie très élevée. C'est par exemple le cas au LHC, le Large Hadron Collider, près de Genève. En physique nucléaire, ils permettent de créer des noyaux n'existant pas à l'état naturel, qu'on appelle noyaux exotiques, par exemple au GANIL, le Grand Accélérateur National d'Ions Lourds, près de Caen. En biologie et en physique des matériaux, ils servent de super-microscopes pour sonder la composition et la structure des molécules. Les applications sont trop nombreuses pour être toutes détaillées ici. Prenons le domaine de la santé, le traitement de certains cancers. Pour des tumeurs qui sont difficilement accessibles en chirurgie ou dont le traitement par chimiothérapie serait trop dangereux pour les organes environnants, on peut utiliser des accélérateurs pour détruire la tumeur par exposition à un faisceau de protons accélérés. On trouve quelques centres de traitement de ce type en France, par exemple le centre de protonthérapie à Orsay. Nous avons donc vu que pour sonder l'infiniment petit, les physiciens et les ingénieurs ont conçu des accélérateurs capables de fournir des énergies très élevées à des particules. En utilisant des champs électriques et magnétiques, ils peuvent concevoir des accélérateurs très différents en énergie, en taille, en forme, afin de répondre à de nombreux problèmes dans le domaine de la physique fondamentale, mais aussi dans bien d'autres domaines scientifiques. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]