[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour. Si je vous avais posé la question il y a peut-être 15 ans de ça, au début des années 2000, de savoir dans quelle organisation vous vouliez être, l'organisation qui pour vous est la plus désirable, il y a de fortes chances que vous auriez répondu à l'époque, une organisation plutôt importante, avec une grande pyramide de pouvoirs, très stable. Et c'était effectivement les organisations qui étaient les plus désirables et les plus dominantes encore au milieu des années 90. En 1995, quand on prenait les entreprises les plus importantes du Fortune 500, qui est l'équivalent du CAC 40 aux États-Unis, vous retrouvez les grandes sociétés comme Airbus, Procter & Gamble, General Motors, etc. Des entreprises qui fournissent des produits qui sont industriels, lourds, matériels et qui effectivement fonctionnent avec souvent plus de 20 niveaux de hiérarchie. Et si en fait, je vous pose aujourd'hui la question de savoir, mais quelle entreprise désirable est celle dans laquelle vous auriez envie d'être, il y a quand même des chances assez importantes où vous me répondiez, plutôt en fait la start-up, l'entreprise très vivante, avec beaucoup de passion, beaucoup d'énergie humaine. C'est beaucoup plus ça qui attire aujourd'hui. Et de fait, si on prend le même classement aux États-Unis, toujours au Fortune 500, mais aujourd'hui, vous voyez en fait que toutes ces entreprises très industrielles, très pyramidales, très hiérarchiques, ont été totalement balayées et remplacées par les entreprises qui sont des start-ups qui ont réussi, qui ont énormément grandi, dont Facebook, Google, Apple, Amazon et j'en passe. Qu'est-ce qui s'est passé? En fait, on voit que sur l'espace d'une petite quinzaine d'années, ça a totalement basculé, on est passé sur un nouveau modèle organisationnel. L'entreprise vers laquelle on cherche à aller, l'entreprise qui représente l'idéal social humain a complètement changé. Il y a différentes raisons, il y a différents facteurs qui expliquent pourquoi, pourquoi cette transition s'est opérée et pourquoi elle s'est opérée maintenant. D'abord, c'est dû au fait que le monde lui-même est en train de changer, on l'a vu dans les chapitres précédents. Donc, le monde a changé tout simplement parce qu'on passe dans un monde qui est de plus en plus incertain, un monde qui change et qui évolue de plus en plus vite, qui est de plus en plus chaotique. Et évidemment, dans un monde qui est de plus en plus complexe, de plus en plus incertain, finalement, avoir beaucoup de stabilité, avoir beaucoup de rigidité quand on est une entreprise, ce n'est plus forcément une qualité. Finalement, les entreprises qui sont adaptées à un monde qui change en permanence, à un monde qui est en flux permanent, ce sont les entreprises qui elles-mêmes sont capables de s'adapter, de pivoter très rapidement, donc beaucoup plus finalement le modèle de toutes ces start-ups où il n'y a pas 20 niveaux de hiérarchie, mais plutôt quatre ou cinq, où finalement il y a une raison d'être qui est très éclairante et qui porte le collectif des collaborateurs. C'est beaucoup plus ça l'idéal. Donc, ça déjà c'est un premier facteur important pour comprendre le changement de modèle. L'autre facteur c'est également la question du sens. Quand vous parlez aux jeunes aujourd'hui, quand ils rejoignent les entreprises, vous vous rendez compte que l'environnement dans lequel ils ont grandi n'a plus rien à voir avec ceux de leurs parents. Aujourd'hui, j'ai 41 ans. Donc, j'ai grandi avec Internet, mais les jeunes qui ont aujourd'hui 25 ans ont grandi avec les réseaux sociaux. Ils ont toujours grandi finalement dans un environnement où l'information circulait de façon complètement libre, complètement transparente. Et aujourd'hui quand ils intègrent les entreprises, et qu'on leur explique qu'il y a des hiérarchies très lourdes, que c'est très compartimenté, cloisonné, ce sont des choses qu'ils ne comprennent plus parce que leur modèle c'est finalement un modèle où l'information circule de façon libre, où chacun est à la fois producteur et récepteur d'informations. Et ça aussi c'est un facteur de changement extrêmement important. Et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, toutes les entreprises qui fonctionnent sur ces modèles, où il y a beaucoup plus de transparence, beaucoup plus de confiance, beaucoup moins de cloisonnement, ce sont des entreprises qui non seulement vont attirer les jeunes talents, mais globalement ce sont des entreprises qui se révèlent beaucoup plus performantes. En fait, il y a un travail tout à fait remarquable qui a été fait par Frédéric Laloux, qui est un consultant qui a longtemps travaillé dans le monde des agences de consulting, et qui en fait a écrit un livre qui s'appelle Reinventing organizations. Je vous conseille fortement ses lectures, parce qu'il pose en fait cette hypothèse, que tout comme il y a une évolution dans la biologie, dans l'histoire de l'évolution des espèces, de la même manière, il y a une évolution dans l'histoire des organisations et des entreprises. Ce qu'il entend par là , c'est que si on remonte en arrière, quelques centaines de milliers d'années en arrière, on voit que les premières organisations c'était des organisations très simples, c'était des tribus de chasseurs qui finalement ont évolué avec l'invention de l'agriculture. Et quand l'agriculture est arrivée, pour la première fois, on a eu des sociétés sédentaires, où les fonctions se sont spécialisées et de plus en plus de métiers qui sont apparus. Ensuite, on a eu l'invention de la monnaie, et avec l'invention de la monnaie, ça a continué, cette complexité, cette complexification du modèle organisationnel, et ça a encore continué évidemment avec l'arrivée de la technologie, l'ère industrielle, etc. Et en fait, Laloux montre qu'on passe par des phases. Et il a d'ailleurs modélisé et il a utilisé des couleurs pour chaque organisation, en disant, on a commencé par l'infrarouge, et petit à petit, on est monté, l'orange, le jaune, etc. Et en fait, il montre que la forme d'organisation la plus récente, dans les tons c'est le vert, et il dit en fait, ça, ça a apparu au XXe siècle. C'est des organisations très horizontales, comme les associations par exemple, où il y a beaucoup de place au participatif, à la démocratie, à la discussion, etc. Et en fait, ce que montre Laloux, c'est qu'il y a une phase encore supérieure qui est une phase qui aujourd'hui est incarnée par un petit nombre d'organisations. On en compte à peine une centaine à travers la planète. Il dit, et ça c'est des organisations qui arrivent à fonctionner en véritable intelligence collective. C'est des organisations qui finalement ont remplacé le process, qui ont remplacé toute la rigidité des méthodes de management et de gestion classiques par une nouvelle manière de piloter les collaborateurs, de diriger et de produire, qui est beaucoup plus centrée sur le fait qu'il y a une raison d'être partagée à l'intérieur de l'organisation. Les gens savent pourquoi ils sont là . C'est surtout le sens qui les porte, et on laisse beaucoup de liberté, on laisse énormément de confiance dans l'organisation, et c'est sur la base de cette liberté et de cette confiance, sur cet espace de liberté que va se construire la performance de l'organisation. Et ce qui est assez remarquable, c'est qu'on voit que les premiers sauts entre les modèles organisationnels ça prend quelques dizaines de milliers d'années entre les chasseurs jusqu'au moment où l'agriculture apparaît, puis ensuite quelques milliers d'années. Et là , on est en fait à une échelle de temps, ces quelques dizaines d'années, on vit ces sauts les plus récents. Et ce que dit en fait Frédéric Laloux, c'est qu'il y a une forte chance maintenant que ce soit un peu comme l'extinction des dinosaures, c'est que finalement c'est comme une nouvelle espèce qui est apparue. Et cette nouvelle espèce d'entreprise qui est basée sur la culture, qui est basée sur la raison d'être, qui est basée sur la transparence d'informations, va se révéler tellement plus efficace, qu'elle va se reproduire et s'étendre beaucoup plus rapidement, jusqu'à remplacer finalement les espèces précédentes. En fait, aujourd'hui on se rend compte que fondamentalement, il y a deux modèles organisationnels. Il y a un modèle qui est basé sur le contrôle, qui est basé sur le process. On part du principe que ce qui motive les collaborateurs à travailler, c'est qu'ils vont être contrôlés. C'est en fait, comme on dit, la politique de la carotte et du bâton. Et puis en face de ça, il y a un autre modèle, qui est beaucoup plus basé sur la culture, la raison d'être partagée, et qui est un modèle qui est ouvert et collaboratif. Et finalement, à travers toutes les déclinaisons, on parle de l'entreprise agile, de l'entreprise apprenante, de l'entreprise humaniste, tout ça renvoie effectivement à ce modèle ouvert, transparent et collaboratif. C'est vraiment ça l'enjeu du basculement qu'on est en train de vivre aujourd'hui, et c'est aussi le choix aujourd'hui que les entreprises et les dirigeants doivent faire.