[MUSIQUE] Nous avons vu précédemment tous les espoirs mis dans l'évolution de la société de l'information et dans la dynamique de la société numérique. Pour autant, ces technologies de l'information et de la communication ont-elles résolu tous les problèmes humains et sociaux? S'il fallait un exemple, la crise de la Covid montre que les problèmes sociaux, que les problèmes humains n'ont pas été réglés par cet essor de la société de l'information et de la connaissance, et cette société numérique. Prendre conscience des limites de ces technologies est indispensable et même si des auteurs que nous avons vus précédemment ont été tout à fait euphoriques par rapport à l'essor du numérique et de la société de l'information, nous trouvons aussi un certain nombre d'auteurs qui apportent des nuances. Nous examinerons donc les apports de ces grands auteurs qui sont, on va le dire, critiques par rapport à la société de l'information. Par exemple, Dominique Wolton souligne que plus on a des technologies de communication, moins on se comprend, moins on communique ou plutôt plus on communique avec difficulté semble-t-il. Manuel Castells, qui a eu en 2012 l'équivalent du prix Nobel en sciences sociales, le prix Holberg, à transformer la formule de McLuhan, The medium is the message, qui est devenu pour Manuel Castells The network is the message. Manuel Castells occupe une position intermédiaire, il est relativement peu critique, il prend quand même déjà du recul. Il montre que l'on assiste à une mutation totale de la société et que l'on est en direction de la galaxie de l'Internet, une société en réseau. Dans son livre Communication et pouvoir, il montre aussi que l'on est parvenu grâce à Internet à une société de communication individualisée mais qui se situe dans un réseau mondialisé. Internet permet donc tout à la fois de toucher le monde entier et d'effectuer des conversations ciblées d'individu à individu. C'est avec Ellul que l'on a un auteur très critique qui apparaît. Un grand classique écrit par Jacques Ellul est Le bluff technologique. C'est un ouvrage écrit en 1988 et qui indique que par bluff technologique, Jacques Ellul ne signifie pas que les techniques ne tiennent pas ce qu'elles promettent ni que les techniciens sont des bluffeurs, il parle ici du discours dithyrambique tenu par les techniciens, par les politiques et par les médias, qui décuplent les possibilités techniques et voilent radicalement les aspects négatifs. En d'autres termes, le bluff technologique c'est l'illusion que la technologie va pouvoir tout régler, et cette illusion est portée par les médias, les politiciens notamment. Pour lui, il indique même que la technique en quelque sorte a remplacé la religion. Un autre auteur que nous vous proposons de connaître c'est Neil Postman. Pour Postman, la culture est soumise aux technologies avec des effets qui peuvent être délétères. Dans un ouvrage qui s'appelle Se distraire à en mourir, il y a une illustration que nous avons un petit peu retracée mais qui n'est pas l'illustration d'origine pour des questions de droits d'auteur. Quelle est cette illustration? On voit tout simplement un homme qui descend les marches de livres, ce sont des livres, et en fait il descend en quelque sorte la galaxie Gutenberg. Et puis à la fin, cet homme se transforme et devient un singe qui est hypnotisé par la télévision. Que veut dire par là Neil Postman? C'est que les technologies finalement imprègnent nos cerveaux et affaiblissent notre pensée. D'ailleurs, Neil Postman évoque et compare Orwell et Huxley. Comme vous le savez, Orwell c'était Big Brothers, le réseau de surveillance, l'interdiction, la censure, et Huxley en revanche c'est une lente mais sûre déliquescence. Postman considère que c'est plutôt Huxley qui a raison, c'est-à -dire qu'il y a une déliquescence. Selon Postman, on se dirige vers le meilleur des mondes d'Aldous Huxley plutôt que vers Big Brothers d'Orwell. Il écrit, Postman, plus personne n'a envie de lire. La passivité et l'égoïsme nous ont envahi. La vérité est noyée dans un océan d'insignifiances. Notre culture est préoccupée par des fadaises. Poursuivons la présentation des travaux de Postman. Ici, nous nous référons à un autre de ses ouvrages qui s'appelle Technopoly. Il présente le mythe du roi Tammuz. C'est un mythe qui figure dans Phèdre de Platon et ce mythe à l'origine est raconté par Socrate. Le roi Tammuz reçoit un jour Theuth, Qui est Theuth? Theuth c'est l'inventeur de l'écriture. et Theuth vente les mérites de son invention. Alors, Tammuz lui dit, Ceux qui s'appuieront sur l'écriture pour garder la trace des choses cesseront d'exercer leur mémoire. Sans instruction digne de ce nom, la grande quantité d'informations qu'ils recevront les remplira de vanité. Ils deviendront un fardeau pour la société. En résumé, l'écriture ne peut se substituer à l'instruction tout comme aujourd'hui les technologies ne peuvent se substituer à l'effort d'apprentissage et d'acquisition des connaissances. En réalité, Tammuz souligne qu'il y a des points positifs mais aussi des points négatifs dans toute technologie, et le danger c'est de croire comme le souligne Jacques Ellul, c'est de croire qu'il n'y a que des effets positifs. Il faut prendre conscience des effets négatifs. Nicolas Carr poursuit ses analyses. Il s'appuie sur un grand historien anglais qui s'appelle Mumford. Qu'avait dit Mumford en observant comment la société avait évolué à l'époque médiévale et à la sortie du monde médiéval? Il avait indiqué que l'horloge avait changé la société. Le fait qu'il y avait des horloges, ça a rythmé toute l'organisation sociétale de son époque. Et enfin, Nicolas Carr vite les travaux de neuroscience qui montrent que les technologies façonnent le cerveau. C'est ainsi qu'il a été démontré que le taximan de Londres développait certaines capacités spécifiques de son cerveau, ceci pour dire que les technologies ont une importance majeure avec les points négatifs et les points positifs. Et ici, nous avons juste mis en exergue un certain nombre de points négatifs. Si l'on applique ça aux millénials, c'est-à -dire à la jeune génération, il est clair que par exemple cette jeune génération va avoir des qualités et des défauts liés à l'usage très développé du smartphone. Les qualités sont claires, c'est l'interaction, la rapidité, l'agilité, les défauts c'est certaines capacités d'analyse qui nécessitent du temps, de la réflexion posée. Et on voit donc qu'avec ces analyses, on prend le bilan du pour et du contre, des aspects positifs et négatifs. Et pour terminer, nous signalerons un ouvrage très récent qui s'appelle Apocalypse cognitive, qui est paru en début 2021. Il s'agit d'un livre de Gérald Bronner qui réactualise ces débats déjà lancés par Orwell, Huxley et puis repris et approfondis par Ellul et Postman. En conclusion, les auteurs critiques permettent d'avoir du recul sur l'euphorie de la société d'information et les travaux de Jacques Ellul et Neil Postman sont essentiels. [MUSIQUE]