[MUSIQUE] [MUSIQUE] Deuxième travail. Extraire les caractéristiques-clés, à partir de ces histoires ayant fait l'objet d'un premier traitement. Nous pouvons maintenant identifier des caractéristiques, des insights propres à la problématique traitée. C'est une étape difficile mais indispensable pour que la phase d'idéation aboutisse à des idées ancrées dans le monde réel et désirables pour le bénéficiaire. Il faut extraire les principaux insights, pour reprendre le terme anglais, des histoires qui ont été racontées à l'étape précédente. Je vous rappelle qu'un insight, comme nous l'avons défini dans l'épisode précédent, désigne une information que l'on ne peut obtenir qu'en se trouvant au coeur de l'action et qui permet de révéler les besoins profonds, et souvent non exprimés verbalement, des utilisateurs. C'est une sorte de révélation, une prise de conscience de quelque chose que vous n'aviez pas imaginé au préalable sur ce qu'est, ce que veut, ce que perçoit, un bénéficiaire. Si l'étape précédente racontait des histoires spécifiques à un nombre restreint de bénéficiaires, il s'agit maintenant de généraliser. Et pour ce faire, IDEO propose, toujours dans son livret sur les Human Entrants Design de choisir les quelques post-its qui semblent les plus pertinents pour l'équipe parmi ceux écrits lors de la phase précédente. Il faut ensuite écrire l'insight, la tendance qui ressort, par groupe de post-its sélectionnés en faisant l'effort de généralisation. Les insights obtenus peuvent ensuite être classés selon leur catégorie, selon le domaine qu'ils concernent. L'enjeu est avant tout de réussir à faire des liens entre ces catégories, à inclure ces catégories dans une expérience utilisateur globale. Prenons un exemple concret. Imaginons qu'un designer de services se rende dans une gare SNCF, le temps d'une après-midi. Là, il observe plusieurs choses, un voyageur pestant contre une machine à composter fonctionnant mal, des parents pressés car le numéro de voie s'est affiché tardivement et qui ne voient pas que leur petite fille vient de laisser tomber la peluche préférée. Une porte de train se refermant obstinément sur les voyageurs ou encore un monsieur ne trouvant pas sa voie étant initialement parti dans la mauvaise direction. Parmi toutes ces histoires, trouvons un insight en lien avec celle de la peluche. Cette histoire est spécifique, un insight doit être général. L'insight qui en découle peut être le suivant. Les délais courts entre l'affichage de la voie et le départ du train, par exemple, sont une source de stress pour les voyageurs, affectant l'expérience utilisateur. Cet insight pourrait être placé dans la catégorie orientation du voyageur ou encore le voyageur en gare, avec, par exemple, l'insight qui découlerait de l'histoire du monsieur n'ayant pas trouvé sa voie. L'insight sur les portes de train se refermant trop vite sur les passagers irait plutôt dans la catégorie déplacements dans le train ou plus largement le voyageur dans le train. Vous l'avez compris, la difficulté de cette étape réside dans la capacité à construire un cadre structuré qui reflète l'expérience globale de l'utilisateur, ici le voyageur, à travers les différentes étapes qu'il parcourt. Les insights obtenus sur les différents moments vécus par l'utilisateur, sur ses attentes et sur ses difficultés rencontrées, nous permettent de trouver les fenêtres d'opportunité. Et c'est le troisième travail de la phase d'idéation, la création d'espaces d'opportunités. Une fenêtre d'opportunités est le terreau de nouvelles idées. Elle permet de considérer un problème présent comme une possibilité future. Une opportunité n'est pas une solution mais un cadre au sein duquel l'équipe peut développer des solutions. IDEO donne un conseil précieux sur ce point. Une opportunité doit commencer par les mots: comment pourrions-nous? Pour reprendre l'exemple de la gare SNCF et de l'orientation du voyageur, une opportunité pourrait être Comment pourrions-nous orienter le voyageur de façon à diminuer voire supprimer les situations stressantes en gare? Un insight, c'est finalement la juxtaposition de deux situations contradictoires que l'on relie par l'élocution pourtant ou or. Si on reprend l'exemple du monsieur qui ne trouve pas la voie de départ de son train, on pourrait dire, les personnes qui prennent leur train ne trouvent pas leur voie, et pourtant le panneau d'affichage annonce la voie. C'est à partir de là que le brainstorm des solutions concrètes peut commencer. Et c'est le quatrième travail de cette phase d'idéation ou d'imagination. Le brainstorm permet de réfléchir à des solutions sans se soucier de contraintes techniques, organisationnelles ou opérationnelles. Il ouvre le champ des possibles. Pour autant, un brainstorm doit être organisé pour être efficace. Et cette organisation est rendue possible par les étapes précédentes, qui ont permis d'identifier un cadre de pensée à travers les fenêtres d'opportunités. Cette dernière étape commence par la génération d'idées en quantité, dans le cadre fixé. Il peut être nécessaire de trouver 100 idées pour que naisse une idée intelligente et réalisable. Il faut toujours avoir en tête les étapes précédentes. Quelles sont les attentes, les caractéristiques de mes usagers? Les limites actuelles de mon service? Ce travail doit être, là aussi, mené en groupe et chacun doit être à l'écoute de ce que dit l'autre. Une idée en nourrit une autre et ainsi de suite. Cela permet une évolution permanente des idées, en plus de la création de nouvelles idées, pour aboutir à un panel d'idées variées mais surtout développées. Pour reprendre la fenêtre d'opportunités sur l'orientation du voyageur en gare SNCF, les idées pourraient être les suivantes : prévenir à l'avance par SMS les usagers du numéro de voie, placer des assistants en gare pour orienter les voyageurs, mettre en place un numéro de voie par ville desservie, mettre en place une signalétique plus efficace, mettre à disposition un plan de gare sous le panneau d'affichage des voies et sur l'application smartphone SNCF. Et bien d'autres idées encore. Toutes ces idées ne seront évidemment pas retenues. Choisir les bonnes idées, à l'issue du temps de brainstorm, est donc un enjeu majeur. Véronique Killen a fondé en 2009 la dSchool Paris, qui s'inscrit dans le mouvement lancé par la dSchool de Stanford créé par David Kelly. Vous vous souvenez que David Kelly est le co-fondateur des agences IDEO et qu'il est à l'origine de la diffusion de l'approche du Design Thinking. Donc son ouvrage 101 repères disponible en ligne et que vous trouverez dans les ressources complémentaires de ce MOOC, Véronique Hillen explique que la sélection des idées est généralement intuitive et collective dans le cadre d'une approche de Design Thinking. Ceci signifie que les participants aux sessions de brainstorm choisissent à la fin certaines des idées qui ont émergé sans avoir à se justifier, le pari étant qu'ils sont tellement imprégnés du contexte qu'ils vont spontanément aller vers des solutions pertinentes. Nous sommes dans un choc frontal avec la culture de rationalité et de respect de la hiérarchie qui caractérisent les organisations publiques et beaucoup d'entreprises privées aussi. Enfin, pour conclure cet épisode, prenons quelques minutes pour revenir sur la notion de créativité, qui se trouve au coeur de cette phase de l'approche Design. La créativité est devenue en ce début de XIXe siècle un impératif, quel que soit l'univers dans lequel on évolue. Il faut être créatif et innover, et l'approche Design est aujourd'hui considérée comme la plus propice à générer de la créativité et donc de l'innovation. Je voudrais insister sur un point. Comme nous l'avons vu, tout au long de cet épisode, l'étape de génération d'idées, ou de créativité, ou d'idéation, n'est que l'une des étapes d'un processus exigeant, qui permet de poser le cadre d'émergence des solutions pertinentes, puis de les tester et de les mettre en oeuvre. C'est tout le sens de l'immersion terrain qui précède la phase d'idéation et de toutes les étapes qui précèdent le brainstorming lui-même. Et une fois les idées sélectionnées, il faudra les tester, étudier la possibilité d'une mise en place, les affiner et ce sera là l'objet du prochain épisode, qui traitera de la phase de mise en œuvre, d'implémentation, par l'expérimentation. [MUSIQUE]