[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans ce deuxième épisode, nous allons nous intéresser à la première phase de l'approche du design thinking, l'immersion ou inspiration. Les différents témoignages que nous venons d'écouter ou de voir nous emmènent à nous poser cinq grandes questions. Un, qu'apporte cette phase d'immersion-inspiration? Deux, quels en sont les acteurs? Trois, quels sont les outils des méthodes à disposition pour aller au plus près des besoins des parties prenantes? Quatre, quelles sont les grandes étapes de la phase d'immersion-inspiration? Et enfin, cinq, quels sont les enjeux majeurs de cette phase? Dans mon propos à venir j'utiliserai indifféremment les deux termes immersion et inspiration qui recouvrent la même réalité dans la mesure où l'on considère que l'inspiration est nourrie et se déclenche dans le cadre de la phase d'immersion. Alors premièrement commençons par nous intéresser à ce qu'apporte cette phase d'immersion. La phase d'immersion, elle est décisive pour plusieurs raisons. Tout d'abord c'est à ce moment-là que l'équipe du designer se présente et rencontre les différentes parties prenantes du projet, usagés comme acteurs publics. C'est un moment clé au cours duquel les designers doivent convaincre de l'intérêt de la démarche, et plus encore, mobiliser les équipes, qui au sein des administrations seront amenés à mettre en place à terme les solutions imaginées lors du processus d'innovation publique. Il est bien évident que les équipes administratives ont, comme la plupart d'entre nous, une certaine appréhension face au changement, comme le souligne Laetitia Monjoin, neuropsychologue au sein de l'hôpital gériatrique de la Roberstau et Cécile Lachaux qui est chef du service insertion au département du Val d'Oise. Ensuite, cette phase permet aux équipes pluridisciplinaires de rompre avec les idées préconçues en partant à la rencontre des acteurs de terrain pour aller au plus près de l'expérience qu'ils vivent en tant que bénéficiaires ou professionnels du service étudié. Il s'agit de s'émanciper de l'approche traditionnel, top down, pour étudier les usages et les pratiques réels. C'est grâce à cette phase que les designers peuvent se faire les avocats de l'utilisateur, selon l'expression utilisée par Stéphane Vincent, de la 27e Région. Cette phase d'immersion constitue la fondation du reste du processus d'innovation publique. Jean-Claude Charlet, cofondateur de Schoolab, et qui intervient très souvent à l'ESSEC, Schoolab est un accélérateur de projets innovants, Jean-Claude Charlet y voit un moment de sérendipité, qui est un nom anglais qui désigne la possibilité d'atterrir par hasard sur des pistes créatives. Enfin, cette phase permet d'entamer un débat, de démarrer la conversation, et d'emmener tout le monde autour d'une même table afin de discuter des problèmes rencontrés, par le service concerné. C'est bien sûr un enjeu clé dans une approche basée sur la co-construction. Venons-en maintenant à la mise en oeuvre opérationnelle et tout d'abord posons-nous la question de qui sont les acteurs impliqués? Revenons un instant sur ce que nous dit Jean-Claude Charlet. La phase d'immersion, est donc un moment de sérendipité, si tel est le cas, c'est parce que la phase d'immersion mobilise une grande diversité d'acteurs. Et comme l'explique Jean-Claude Charlet, l'approche traditionnelle d'innovation s'appuie sur le seul back office, et c'est l'une des vertue de l'approche du design que de réintégrer dans le jeu le front office, c'est-à-dire, ceux qui dispensent le service et l'usager lui-même. On observe d'ailleurs une forte adhésion de la part des agents à cette démarche d'empathie par rapport à l'usager. C'est un point qui ressort de tous les témoignages qui sont proposés dans ce MOOC. La diversité concerne également l'équipe des designers pluridisciplinaires comme nous l'avons vu au cours du premier épisode et c'est de l'interaction entre ces différents publics de la diversité de leur regard, que peuvent naître ce que Jean-Claude Charlet, appelle les étincelles qui pourront emmener des opportunités, des nouvelles solutions. C'est ainsi que le service de délivrance des visas de Singapour est devenu le plus performant au monde grâce à la prise en compte de l'ensemble des vécus. C'est l'expérience globale de l'usager, c'est-à-dire l'interface informatique, mais aussi le lieu physique qui a pu être pris en compte. C'est également ainsi, en allant à la rencontre de documentalises, de professeurs comme de collégiens, que les CDI centres de documentation et d'information, des collèges du département de la Loire-Atlantique, ont pu être envisagés comme des espaces d'apprentissage interactifs, et non plus seulement comme des lieux de connaissance et d'information, comme le souligne Julie De Brito, chef du projet innovation publique du département de la Loire-Atlantique. Après les acteurs, penchons-nous sur les outils et méthodes à disposition pour aller au plus près du besoin des parties prenantes. A chaque fois, il s'agit pour ces équipes d'utiliser des démarches d'enquêtes qualitatives développées par sciences sociales, que sont l'observation et les entretiens individuels ou collectifs. Grâce à ce processus, les problèmes tels qu'ils sont ressentis par les usagers et les agents administratifs, peuvent émerger et être explicités afin de trouver une solution. La phase d'inspiration est véritablement une période de diagnostic durant laquelle toutes les questions, du plus triviales aux plus complexes, sont posées. Il y a deux grands types d'approche. Questionner, interviewer d'une part. Observer, d'autre part. Ce sont deux types d'approche qui ont évidemment vocation à se compléter. L'interview peut être individuelle ou collective, passer par des questionneurs, ou des rencontres, des moments, des visions. Les réunions et entretiens organisés par les équipes pluridisciplinaires créent un espace dans lequel les fonctionnaires et les usagers peuvent expliquer comment ils perçoivent leur rôle, leur classe dans le service étudié, et ce qu'ils en attendent. Il faut parfois être créatif pour réussir à entrer en contact avec l'usager. Dans le cadre du projet de médiathèque rurale à Lezoux, Les designers et chercheurs du laboratoire de la 27e Région, ont installé des chaises sur le trottoir dans le centre ville pour pouvoir discuter avec les habitants. Cette démarche a permis d'identifier des personnes intéressées par le sujet, qui étaient ensuite conviées à un échange plus approfondis. L'observation est l'autre grande méthode utilisée pendant la phase d'immersion. Comme l'exprime Barbara Bay, de la fabrique de l'hospitalité, on ne fait pas forcément ce que l'on dit, et confronter l'interview à l'observation lors du projet bon séjour, a ainsi permis de passer des représentations de chaque professionnel à la réalité de cette pratique. Les autres témoignages mentionnent tous d'être en observation. L'équipe en charge du projet des CDI du collège en Loire-Atlantique, a passé du temps à observer comment les collégiens se comportent dans un CDI, celle en charge du projet de RSA dans le Val d'Oise à passer du temps à l'accueil des antennes locales et assister à des réunions dites de contractualisation avec les bénéficiaires du RSA. Prendre des photos, faire des croquis pendans ces temps, permet de se documenter au maximum l'observation, comme le précise Julie De Brito, et ce sera un matériau très précieux à exploiter. L'observation peut aller jusqu'à prendre physiquement la place de l'usager. Comme le raconte Laetitia Monjoin, de l'hôpital gériatrique de la Roberstau, les jeunes designers ont eu l'idée de se mettre dans un fauteuil roulant pour voir ce que la personne âgée voit lorsque l'équipe soignante l'emmène dans les différents espaces. La posture de l'équipe du designer a une très forte valeur ajoutée comme l'exprime Catherine Martin-Hunyadin, gériatre et responsable du centre mémoire, ressource et recherche. En suivant le parcours des soignants, des patients et de leurs familles, ils on pu faire émerger des pistes de solutions. L'équipe soignante avait, par exemple, choisi pour le lieu des couleurs vives, qui correspondait à son dynamisme. La phase d'immersion a montré que c'était des couleurs pâles au contraire, qui étaient nécessaires car elles étaient susceptibles d'apaiser les patients. En plus des démarches d'interview et d'observation, il ne faut pas oublier la recherche documentaire, qui selon les problématiques travaillées, pourra permettre de recueillir des informations précieuses. Réaliser une veille sur l'évolution du CDI a, par exemple, fait partie de la phase d'immersion du projet de Loire-Atlantique. [MUSIQUE]