[MUSIQUE] Ce quatrième et dernier module de ce MOOC dédié aux fondamentaux de l'investissement à impact est centré sur les modalités de l'investissement, à savoir le choix des instruments de financement et des modes de gouvernance. Voici ce qui ressort des rencontres avec nos témoins. En fonction des besoins des entrepreneurs, du statut juridique de leur structure et des attentes des souscripteurs, différents instruments de financement existent et coexistent. Ils impliquent des modes de gouvernance différents. Comme le rappelle Antoine Michel, partner chez Investir&+, les investisseurs peuvent investir soit en majoritaire ou en minoritaire, c'est-à -dire en prenant une participation au-dessus ou en dessous de 50 %, soit en lead ou en co-lead, c'est-à -dire qu'ils vont se charger de mener les négociations avec l'entrepreneur seuls ou avec des co-investisseurs. Les investisseurs à impact vont en général investir en minoritaires pour laisser un pouvoir de décision important aux entrepreneurs fondateurs. Dans un tour de table, il est important d'être attentif au profil de ces co-investisseurs et de s'assurer d'être à la fois aligné sur les attentes et la démarche comme nous l'avons vu dans les épisodes précédents, tout en restant complémentaire. Nous allons nous focaliser ici sur trois types de financements spécifiques. Les instruments de financement spécifiques aux associations et aux coopératives qui ont été présentés par Estelle Guéret-Zing du Crédit Coopératif. Les instruments de financement adaptés pour les entreprises en phase de pré-amorçage qui ont été présentés par Léa Zaslavsky, co-fondatrice du fonds Makesense Seed. Et enfin le financement participatif ou crowdequity qui a été présenté par Julien Benayoun, co-fondateur de Lita.co. Les structures plus classiques se financent en général avec de la dette et des fonds propres. Pour renforcer leur haut de bilan, afin de financer un changement d'échelle par exemple, elles recourent de façon préférentielle à des fonds propres sous forme d'actions ou d'obligations convertibles. Pour un entrepreneur, lever du capital, c'est voir son capital diluer et faire entrer des actionnaires dans sa gouvernance, constituer avec eux un comité stratégique, les admettre éventuellement au conseil d'administration en contrepartie d'un financement long terme qui n'exige pas de remboursement. L'obligation convertible est similaire à un prêt dans un premier temps, mais elle peut être convertie comme son nom l'indique en action suite à des événements déclencheurs comme par exemple une autre levée de fonds. Son avantage est d'être non dilutive pour l'entreprise avant sa conversion, mais les taux d'intérêt sont élevés puisque compris entre 4 et 10 %. Ces deux modes de financement sont possibles pour les structures constituées en actions dont la rémunération est libre. Donc les associations et les coopératives doivent recourir à d'autres alternatives. Des instruments spécifiques sont mis en place pour s'adapter à leurs besoins et renforcer leurs fonds propres, à savoir leur haut de bilan pour que associations et coopératives puissent bénéficier d'un effet de levier bancaire et de ressources stables. Pour les associations donc, Estelle Guéret-Zing du Crédit Coopératif nous rappelle que le titre associatif ou l'obligation associative ont ainsi été mis en place. Le titre associatif fonctionne comme une dette remboursable à l'initiative de l'emprunteur avec un taux d'intérêt capé par la loi. Depuis 2014, un décret établit que le remboursement de la dette ne peut se déclencher qu'après la septième année consécutive, permettant ainsi à l'entreprise de se développer dans le temps et de financer son cycle d'exploitation. Lorsque le modèle économique de l'entreprise est moins solide, il est possible de recourir à des obligations associatives qui constituent une dette avec une échéance fixée, mais une durée flexible. Les coopératives peuvent recourir au titre participatif. Cet instrument fonctionne comme les titres associatifs avec une rémunération qui est composée de deux parties. Une partie fixe qui est complétée d'une partie variable qui dépendra de paramètres d'exploitation comme l'EBE par exemple, Excédent Brut d'Exploitation. Cette partie variable ne pourra pas dépasser 40 % du montant admis. Par souci de protéger les structures qui y recourent, la rémunération des titres associatifs et participatifs est capée et encadrée légalement. Contrairement aux actions et aux obligations convertibles, les titres associatifs et participatifs ne viennent pas modifier la structure de gouvernance de l'organisation, ne donnent pas droit de vote et ne donnent pas non plus droit à des titres de capital puisqu'il n'y a précisément pas de capital. Venons en maintenant aux entreprises au stade de pré-amorçage. Elles ont elles aussi besoin de financements particuliers. Ces entreprises sont en général celles qui ont déjà demandé des financements non dilutifs tels que les bourses auprès de BPI France, Banque publique d'investissement, mais dont le haut de bilan n'est pas encore assez solide pour envisager une levée de fonds d'amorçage ou de série A et pour s'endetter auprès d'une banque. Pour financer le pré-amoçage, ce sont surtout les business angels qui interviennent. Mais ces derniers ont une forte attente de rendement en contrepartie du risque considérable qu'ils prennent. Or ce niveau de rendement attendu ne peut pas toujours être assuré par les entrepreneurs à impact. Ainsi la valeur ajoutée d'un fonds de pré-amorçage comme nous l'explique Léa Zaslavsky est de combler un creux dans l'étape de financement. Il s'agit d'accompagner en profondeur les entreprises, de les financer avec des outils de financement adaptés et de les dérisquer durant cette phase critique pour qu'elles puissent ensuite prendre leur envol et écrire leur equity story. En tant qu'entrepreneur à impact au stade de pré-amorçage, il est crucial de tenir compte de l'effet à long terme des décisions prises sur les tours suivants et d'être vigilant à deux choses. La valorisation qui va déterminer la part du capital et de la propriété, les anglo-saxons parlent de ownership, cédée aux investisseurs. Il convient d'être rigoureux et honnête sur la valorisation de l'entreprise. Si survaloriser permet de réduire la participation cédée, cela peut poser problème par la suite lors des tours suivants. En effet, si l'entreprise n'a pas généré les flux de revenus attendus justifiant une valorisation aussi haute, sa crédibilité peut être remise en question. La question de la gouvernance est aussi essentielle à la pérennisation de l'impact puisqu'elle définit l'attribution des sièges au conseil d'administration, donc elle amène à désigner ceux qui prendront les décisions stratégiques comme le budget annuel, le recrutement des cadres dirigeants ou la stratégie d'impact. Il faut donc raisonner d'emblée sur un horizon de long terme et garder en tête que les conditions du premier tour, valorisation, parts attribués, financement dilutif ou non dilutif et règles de gouvernance seront déterminantes pour les tours suivants. Enfin, venons en pour conclure aux plateformes de financement participatif, notamment sous forme de prise de participation ou crowdequity qui permettent de démocratiser l'investissement à impact auprès des citoyens et de financer des projets à impact de tous types. Les entreprises sociales ou entreprises à impact sont sous-capitalisées le plus souvent en raison de leur taux de rentabilité interne ou TRI plus faible que celui des entreprises dites classiques avec donc un effet de levier d'aides plus faible. Julien Benayoun de Lita.co nous explique que les plateformes de financement participatif répondent au besoin essentiel des entreprises de renforcer leurs fonds propres notamment en phase d'amorçage. Nous allons maintenant schématiser les besoins de trois types d'entreprises : les start-ups, les PME et les foncières immobilières. En général, les start-ups ont besoin d'investissement en fonds propres sur des durées longues allant de 5 à 8 ans et offrent un TRI qui varie selon les modèles économiques et les perspectives de croissance. Les PME quant à elles sont des entreprises ayant atteint une certaine maturité économique et disposent donc d'une bonne capacité d'endettement. Ainsi des financements en obligations convertibles sont envisageables sur une durée allant de 3 à 10 ans et avec un taux d'intérêt allant de 3 à 8 %. Enfin, les foncières immobilières peuvent être financées en actions avec des liquidités autour de 10 ans.