Alors, venons, à la question des idées. Vous savez que, quand nous considérons les idées qui semblaient certaines dans le passé, et ça nous semble, très souvent des illusions. Même quand nous pensons aux idées qui étaient certaines au siècle dernier, au XXe siècle, les gens qui étaient communistes, les gens qui étaient nazis, ceux qui étaient fascistes, qui étaient, vous dites mais comment ont-ils pu croire tout ça? Et après, on nous a dit, bien voilà, la vérité scientifique, c’est le néolibéralisme. Mais, maintenant, de plus en plus de gens se demandent, est-ce que c’est vraiment une vérité scientifique ou ce n’est pas une idéologie de plus? Donc, si vous voulez, il y a tout ce, ce problème, d’idées. Alors, ce qui est, à mon avis, le plus intéressant, c’est notre relation avec les idées. Je dirais que c’est un peu comme notre relation avec les puissances surnaturelles, comme avec les Dieux de l’Olympe, des anciennes civilisations. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’une communauté humaine, l’ensemble des esprits d’une communauté, elle est dans sa croyance à Dieu, à ces Dieux, dans cette croyance non seulement elle donne une réalité, à ces Dieux, mais elle leur donne aussi une puissance, une force, c’est-à-dire que ces Dieux que nos esprits ont créés, sont dotés d’un pouvoir, qu’ils nous disent, on les prie, on les supplie, ils nous donnent des ordres, on tue pour leur faire plaisir. Et, c’est extraordinaire, mais c’est que ce pouvoir des dieux, il est aussi dans nos idéologies. Réfléchissez. Les gens qui tuaient, qui pouvaient être des bourreaux pour réaliser le rêve du nazisme ou du communisme, et qui, ou bien le rêve de l’intégrisme fanatique musulman, ce sont des gens qui sont possédés par une idée. Ils sont les esclaves de cette idée. Et alors, le vrai problème, c’est, comment, si vous voulez, échapper à cette possession? Comment faire en sorte qu’on peut dire, oui, j’ai des idées, mes idées me possèdent d’une certaine façon, moi je crois en la fraternité, je crois en l’amour, mais je vais quand même avoir une relation un peu critique avec, avec mes idées. Donc, voici un, un point extrêmement, important. Nous ne nous rendons pas compte, que nos idées nous possèdent beaucoup plus que nous ne les possédons, dès qu’évidemment nous y mettions, nous y mettons nos certitudes. Alors, j’arrive à ce point qu’a bien diagnostiqué le pédagogue qui s'appelle Daniel Favre, F A V R E, ce qu’il appelle, l’addiction aux certitudes. L’addiction, de ce mot qui veut dire, quand quelqu’un est drogué, il est addict au tabac, il est addict à l’alcool, et cetera. Bon, c’est-à-dire, on ne peut pas s’empêcher, on est pris. Alors, l’addiction aux certitudes, ça se comprend parce que, quand nous sommes dans un monde insécure, quand nous sommes dans un monde incertain, on a besoin d’avoir cette sécurité, d’avoir des, des certitudes, d’avoir un petit peu, cette sorte de ceinture de, de sauvetage ou de, de sécurité. Et, évidemment, c’est ça qui va nous donner, ce qu’on a peu appelé des maladies cognitives. C’est-à-dire qu’elles sont deux formes de maladies cognitives. La maladie, c’est la dogmatisation. Dogmatiser, un dogme, c’est quelque chose qui est irréfutable, donc on ne pourra jamais le réfuter. C’est ce qu’on appelle, d’ailleurs dans le fond, la différence entre un, une théorie, un dogme et une théorie, une théorie scientifique, c’est qu’une théorie scientifique elle se présente comme certaine mais elle pose le principe qu’on peut la réfuter si on a des éléments nouveaux qui montrent que, elle n’était que partiellement vraie, ou partiellement fausse. D’ailleurs, c’est ça le problème, j’y viendrai, de la théorie scientifique, c’est qu’elle accepte sa réfutation alors que le dogme n’accepte jamais. Et, il y a la rationalisation, c’est-à-dire des systèmes absolument logiques de votre esprit, qui vont vous persuader, par exemple, qu’il y a un complot. Par exemple, qu’il n’y a pas eu d’attentat le 11 septembre aux États-Unis, en 2001, mais que c’était en réalité un complot du Pentagone et du Président des États-Unis pour faire semblant, pour faire un pseudo attentat de façon à pouvoir faire une politique de répressive ou d’intervention en Afghanistan ou en Irak. Alors là, il y a le problème d’incertitude. Il y a souvent des complots dans l’univers. Ça existe, surtout pour éliminer un chef d’état, il y a des complots. Mais, est-ce que tout est complot? Est-ce qu’on ne croit pas parfois on croit que les événements sont bien naturels alors qu’il y a un complot, ou bien on croit. De toute façon, il faut lutter contre notre tendance, quand nous l’avons, à rationaliser, à donner une structure logique à des événements, qui peut-être n’en ont pas. Si quelqu’un me dévisage dans la rue et se retourne après mon passage, je peux dire, tiens, pourquoi? Mais, si je suis un peu paranoïaque, je vais me dire, tiens, mais ce n’est pas un agent secret qui me dévisage, est-ce que je ne suis pas suivi par un service secret? Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, enfin de l’occupation, j’avais une amie qui avait gardé une telle peur de la Gestapo, parce que son mari était résistant, que même quand la guerre était terminée, elle, elle vérifiait partout s’il n’y avait personne qui allait entrer chez elle. Elle montait sur son cabinet pour pouvoir ouvrir la fenêtre du cabinet, pour voir s’il n’y avait pas quelqu’un qui cherchait. Enfin, vous comprenez. Et, donc, si vous voulez, c’est d’un point de vue rationnel, mais complètement irrationnel à la base. Alors, donc, c’est pour dire que l’erreur est toujours possible. L’erreur est toujours notre danger. Et arrive un autre problème, mais c’est qu’il y a des erreurs qui sont très utiles. Il y a des erreurs qui sont très positives. D’abord, quand vous apprenez dans la vie, vous apprenez à marcher, vous apprenez à parler, vous faites beaucoup d’erreurs. Vous titubez, vous tombez, et en corrigeant les causes d’erreurs, vous apprenez à marcher. vous faites beaucoup de fautes d’orthographe, vous faites beaucoup d’impropriétés, mais en corrigeant ces erreurs. Autrement dit, la vie est une aventure et on la mène toujours par essais, par erreurs. On ne sait jamais d’avance si on a juste. Donc, voilà, si vous voulez, ce problème d’essais et d’erreurs, qui est que sa condition, qu’on élucide, l’erreur, qu’on la reconnaisse, elle va devenir très positive. Et enfin, il y a le, le cas intéressant où l’erreur est féconde. Alors, il y a ce, ce petit quatrain du poète Voznessenski, qui dit, tu cherches l’Inde, tu trouves l’Amérique. Il est évident que, Christophe Colomb se trompait totalement, quand il croyait partir vers l’ouest pour trouver une route de l’Inde, évidemment plus courte que celle qui allait passer par l’Asie, et cetera. Mais, en allant, grâce à cette erreur, il a trouvé, il a découvert ce continent qui était l’Amérique et, dans le fond, ça a tout changé. Donc, vous voyez bien qu’à un moment donné, souvent même, par exemple la découverte du radium, s’est faite à la suite d’une erreur de manipulation. Mais, aussitôt, Ève Curie a compris qu’il y avait quelque chose, qu'elle avait découvert, elle a pensé, elle a, au lieu de, de jeter ce, cet élément perturbant qui était une source de radiations, elle a, elle s’est dit, mais mon Dieu, il y a, il y a cette possibilité de métal qui dégage de l’énergie, et l’erreur a été très positive. Alors donc, nous naviguons dans un océan d’incertitude avec des risques d’erreur toujours avec quand même quelques îlots de certitude et des possibilités de faire des corrections sans arrêt par rapport aux erreurs. Ne l’oublions jamais, c’est une aventure, la vie.