Ce qu'il faut dire c'est que cette mondialisation, tout d'abord, elle est à l'intérieur de chacun de nous, individuellement. Comment? Le matin, si vous voulez, je me lève au son de ma radio japonaise qui va me donner les nouvelles du monde, et puis je vais mettre un tee-shirt qui est en coton, lequel vient de l'Inde ou vient d'Egypte, un pantalon de laine d'Australie qui a été tissé peut-être à Manchester ou ailleurs, j'ai aussi pas mal de petites choses qui sont de Chine, les jouets de mes enfants sont pas exemple d'origine chinoise, de nombreux produits : tiens cet ail-là il vient d'Argentine. Et puis je prends un petit-déjeuner avec un muesli dont je ne sais pas d'où viennent les céréales mais enfin c'est de marque américaine, et ma banane vient de la Martinique ou bien d'Afrique noire, et l'ananas pareil, et je continue comme ça mon existence. Et en sachant que je peux aller quand je veux dans un restaurant chinois, un restaurant italien, un restaurant japonais, un restaurant coréen et cetera. Donc si vous voulez, je peux dire que la planète elle est en moi. Vous me direz mais parce que vous êtes un occidental privilégié. Oui mais, le malheureux africain qui a été déraciné de sa terre pour être jeter dans un bidonville, il vit aussi cette mondialisation. C'est une conséquence de la mondialisation. Et lui-même, il va porter un tee-shirt qu'il a pu trouver d'occasion ou ramasser quelque part avec de la vaisselle en aluminium, il va fabriquer sa barraque de bidonville avec des détritus de civilisations industrielles qui viennent de l'occident. Nous avons tous, disons, le monde à l'intérieur de nous, tout en demeurant, en ayant une vie singulière, particulière, moi de français comme vous, par exemple. Donc, voici un peu ce caractère qui n'est pas extérieur mais qui est devenu intérieur. Alors maintenant voyons ce processus qui, à mon avis, est profondément ambivalent. Parce que vous savez il y a ceux qui voient tous les aspects positifs de la mondialisation, il y a même un livre qui s'est appelé La mondialisation heureuse. Et il y a aussi une autre vision, au contraire, où la mondialisation est malheureuse. Alors en effet, c'est un phénomène ambivalent. Quels sont les aspects positifs? Les aspects positifs c'est que, effectivement, il y a ce développement technique, économique, matériel, dans différents pays que l'on appelle maintenant émergents, il y a la formation de classes moyennes, sous le modèle occidental, qui sont elles-mêmes occidentalisées mais qui elles-mêmes ont déjà les intoxications des classes moyennes occidentales, avec l'intoxication consumériste, n'est-ce pas, la surconsommation excitée par la publicité. Vous avez cet aspect positif, c'est-à-dire vous avez quand même le déclin de cette autorité inconditionnelle du père de famille de la structure familiale, et par exemple que les jeunes maintenant ont des libertés pour se marier, pour avoir des amis, parfois pour choisir des carrières. Et en même temps vous avez une possibilité d'autonomie, mais vous aussi tous les phénomènes, disons, d'égoïsme, d'égocentrisme et la destruction de solidarité traditionnelle qui excitait dans ces sociétés, justement, qui est fondée sur la tradition. Donc, vous voyez aussi des aspects négatifs, comme je vous l'ai dit, cet égoïsme, cette destruction des solidarités. La grande famille qui était un grand réseau de solidarité avec beaucoup d'oncles, de tantes, de cousins, et cetera, elle tend à disparaître. C'était des sociétés où il y avait beaucoup d'exploitation de la part des féodaux, de la part des chefs. Mais, aujourd'hui, il y a aussi apparition d'une nouvelle exploitation qu'apporte l'occident, avec son capitalisme, son exploitation des travailleurs indigènes, qui comme vous le savez à l'occasion de certains procès retentissants, sont effroyablement mal payés. De reste même en Chine, les travailleurs sont à la fois sous la coupe de la dictature du parti et du profit capitaliste, et ce n'est que très lentement qu'ils pourront accueillir, par leur lutte, un salaire, moins infâme que celui qu'ils touchent ; comme c'est arrivé, par exemple, aux japonais ou aux coréens. Vous avez donc, à l'agriculture de nombreux pays africains qui est entièrement colonisée au profit des puissances riches, pas seulement occidentales, peut-être chinoises ou arabes. Vous avez donc, l'accroissement de la misère, parce que la pauvreté, elle disparait d'un coté au profit, donc, d'une aisance de classes moyennes, et de l'autre coté la misère. La pauvreté et la misère sont deux choses différentes. Parce que vous pouvez avoir un petit paysan pauvre avec quand même ses chèvres, avec ses moutons, avec sa petite exploitation, sa polyculture, qui a une vie digne. Mais dès qu'il est transformé en prolétaire des bidonvilles il n'a plus de vie digne, il est dépendant et il est humilié. Donc, voici un peu les deux aspects. Et en plus si on va dans la reflexion : mais où va-t-on? Nous ne pouvons pas échapper à l'idée que nous suivons un développement tout à fait incontrôlé qui conduit ce processus dans le présent et dans le futur. La science qui est très positive par certains aspects, mais elle est aussi incontrôlée dans son développement. C'est-à-dire c'est ce même développement qui a permit les armes atomiques, les armes toxiques. Donc, si vous voulez, il y a aussi l'ambivalence du point de vue technique. Il n'y a pas seulement la technique au service de l'homme, il y a aussi l'homme au service de la technique, c'est-à-dire des travailleurs qui sont dépendants d'un travail sinistre et automatique. L'économie est absoluement incontrôlée, et vous le savez, d'où les crises qui ont surgi depuis 2008, et qui n'étaient absoluement pas prévues par les économistes. Quand au développement urbain, il parait que l'on va arriver à ce que presque toute la planète va être urbanisée, 85 % pour la population vivra dans les villes. Donc, voici quelques uns des problèmes, et nous en verrons encore quelques autres.