Donc je disais que le problème de la connaissance, c'est que, même dans la connaissance objective, nous sommes condamnés à l'interprétation, nous devons interpréter. Bien entendu, comme dans une traduction, vous avez des interprètes, n'est-ce pas, quand des gens parlent une langue différente. Mais l'interprétation peut être plus ou moins fiable, plus ou moins bonne et plus ou moins mauvaise. Et le vrai problème est d'avoir l'interprétation la moins mauvaise ou la meilleure possible. Donc, il faut un peu réfléchir sur les difficultés de la perception et de la connaissance. J'ai dit que les émotions perturbaient, ou du moins coloraient, notre connaissance. Pourquoi? Maintenant nous savons quelque chose de très important c'est que la connaissance rationnelle, telle qu'elle est étudiée maintenant à travers les imageries cérébrales, et interprétée pat Antonio Damasio, ou Jean-Didier Vincent, le Français, nous savons que, même la connaissance la plus rationnelle, la plus logique, la plus objective, est inséparable d'une émotion. C'est à dire que le centre cognitif, qui connaît par la rationalité, entraîne un mouvement émotionnel. Même le mathématicien qui fait le calcul le plus froid qui soit, il a la passion de la mathématique. Et nous nous rendons compte que nous avons toujours, un peu d'émotions dans la connaissance, qui peut être plus ou moins grand. Et la passion par exemple, la passion amoureuse, ou bien elle nous rend extralucides, ou bien au contraire elle peut nous rendre extra-aveugles. Parce que par amour vous découvrez toutes les qualités merveilleuses de l'être que vous aimez, mais, aussi, vous pouvez être complètement aveugle sur ses défauts, sur le fait qu'elle vous ment, qu'elle vous trompe et cetera. Donc ce problème de l'émotion est très, très important, et, je dirais même, il y a aussi la proportion de ce qui est sensible dans une civilisation. Moi j'ai été très frappé par, on avait un exemple que j'ai, de la coloniale iii, c'était une idée des anglais, de l'unité cinématographique qui leur faisait projeter des films dans leurs colonies auprès d'indigènes africains. Et ils voulaient leur montrer un film avec un immeuble urbain, pour que ces villageois qui vivent dans des cases sachent ce que c'est qu'un immeuble. Et quand ils ont demandé à ces africains : qu'est-ce que vous avez vu? Ils ont tous répondu : le poulet. Mais quel poulet, il n'y a pas de poulet. Ils ont représenté le film, et à nouveau ils ont dit le poulet. Et les anglais, regardant attentivement l'image, ils ont vu que sur le coin, en bas, il y avait un petit poulet qui remuait. Mais, eux, les anglais, ils ne l'avaient pas vu. Mais, eux, les africains, ils l'avaient vu. Cela montre que, selon la façon dont nous focalisons notre attention, nous pouvons voir des choses extrêmement différentes. Donc voilà les conditions difficiles dans lesquelles, inconsciemment, nous nous trouvons sans cesse. Alors, dans la vie quotidienne, évidemment, maintenant que nous savons que nous pouvons avoir des erreurs, dans notre vie sentimentale, dans notre vie professionnelle, partout notamment. Et dans les milieux où il y a risque, où il y a aventure, où il y a prise de décision, notamment dans les carrières qui sont livrées au marché, aux aléas du marché, au pari de lancer un nouveau modèle, ou un nouveau produit, il est évident que là-dessus, il y a un problème permanent d'erreur. Et, on peut dire que dans la vie quotidienne, l'événement, l'événement, qu'est-ce que c'est qu'un événement? C'est quelque chose qui est nouveau, qui n'est pas attendu, qui crée la surprise. C'est notamment dans le sens le plus grand, quand vous avez l'attaque des deux tours jumelles de New York par des avions qui les ont détruites, mais vous avez aussi la place Maidan en Ukraine, vous avez sans arrêt des événements nouveaux. Vous venez d'apprendre qu'il y a le couvre-feu en Thaïlande, enfin, bon. Donc, l'événement, par exemple prenons celui des tours de New York. C'est totalement surprenant, il n'y a pas de précédents, on ne peut pas l'inscrire dans un cadre déjà connu, comme nous pouvons le faire pour d'autres événements, comme si vous voyez la place Maidan en Ukraine, vous vous dites, oui, il y a eu en Tunisie des choses pareilles, il y en a eu en Egypte et cetera. Et ça a mal tourné, peut-être ça va mal tourner aussi. Mais vous avez des cas où vous êtes obligés de repenser ce que vous savez, et d'intégrer ce que vous venez d'apprendre. Vous allez intégrer l'existence d'un groupe secret, d'un groupe qui fait des attentats au nom d'un intégrisme islamique qui s'appelle Al Qaïda. Et à partir de ce moment-là, quand vous avez un attentat, vous dites : c'est peut-être Al Qaïda qui l'a fait. Même en attendant le communiqué. Donc vous avez, nous avons, ce travail de la mémoire, et nous avons en même temps ce besoin de réviser ce que nous connaissons, pour montrer que l'élément nouveau va apporter quelque chose de nouveau dans notre vision du monde. Il est évident que, avant la grande crise économique de 2008, la plupart des économistes, et par là même l'opinion qui les croyait, pensaient que pratiquement il n'y aurait plus de crise, qu'on avait tous les moyens pour supprimer les crises. Donc voilà brusquement que cette crise surgit. Donc, il faut intégrer l'idée que les crises ne sont pas supprimées, les crises peuvent encore arriver. Et qu'est-ce que c'est que ces crises-là? Il faut s'interroger. Donc si vous voyez, l'événement nous fait, par exemple, prenez aussi, il y a eu cette manifestation, massive, contre le mariage pour tous, disons contre le mariage homosexuel. L'ampleur de cette manifestation a été une surprise. On a vu des mères de famille, des femmes avec des enfants, manifester. On ne savait pas que, ce mariage, au lieu de provoquer l'idée que c'est une victoire du mariage, puisque les homosexuels ont besoin de se marier, donc c'est une victoire de la sacralité du mariage, au contraire faisait penser à beaucoup de citoyens et de citoyennes que le mariage, fondement sacré de l'individu et de la famille était désormais profané profanisé. Donc, il faut réfléchir sur l'état de l'opinion et cetera et cetera. Donc voici si vous voulez ce problème, qui est extrêmement important des erreurs que nous risquons un peu dans tous les domaines et de toutes façons en profondeur.