Alors, on peut quand même considérer que ce développement incontrôlé peut avoir, peut conduire à des catastrophes, parce que quels sont les éléments dangereux? D'abord c'est la dévastation écologique, de la planète, de la biosphère, et la faiblesse des contre mesures, c'est pas seulement des pollutions, c'est pas seulement la diminution de la biodiversité, c'est aussi ce réchauffement climatique, qu'il soit l'oeuvre des hommes ou pas des hommes, mais qui se pose. Vous avez aussi le problème, c'est que ou bien la croissance piétine dans les pays riches, et ne résout aucun problème, ou bien la croissance continue à une vitesse vertigineuse dans d'autres pays, mais elle va arriver à des limites. Nous savons tous qu'une croissance à l'infini est impossible. D'ailleurs, c'est ce que disait je crois, je ne sais pas si c'est iii ou iii, c'est Boulding, Qui a dit pour croire qu'une croissance infinie est possible il faut être un fou ou un économiste. Donc, vous avez un peu ce problème, et vous avez aussi cette domination tout à fait incontrôlée, de la finance qui n'existait pas auparavant, d'une finance qui peut spéculer librement à travers les téléphones mobiles, entre les fameux traders, qui jonglent avec les milliards, et cetera. Alors vous avez dans cette situation aussi la perte du passé, les gens ne sont plus rattachés à rien, ils ont besoin de se raccrocher à leur passé, vous avez la perte de l'avenir, parce qu'on ne croit plus que le progrès va être promis dans le futur, on voit une incertidude et une angoisse. Vous voyez se multiplier les fanatismes nationaux, ethniques, religieux, parce que nous vivons une crise généralisée, et pas seulement économique, mais de civilisation, de société, donc avec des dangers de régression, comme disons la crise de 1929-30 a créé une régression formidable en Europe qui a conduit à la deuxième guerre mondiale. Donc si vous voulez, nous avons aussi ce fait que la civilisation occidentale, puisque le processus est de l'occidentalisation qu'on propose au reste du monde comme modèle et comme solution, elle est devenue un problème. Pour nous-mêmes, nous nous rendons compte de ses insuffisances, nous nous rendons compte que le bien-être matériel ne suffit pas pour nous rendre satisfait, voire heureux. Nous nous rendons compte que l'excès de consommation n'est pas ce qui va nous donner le bonheur et la tranquillité. Et c'est pas seulement notre civilisation qui est en crise, mais notre civilisation met en crise des civilisations traditionnelles, tout ça, pour arriver à une crise de l'humanité, qui n'arrive même pas à devenir humanité. Donc, c'est pour ça que on peut prédire probablement un avenir de catastrophes en chaîne, et c'est pour ça que l'on peut dire que cette mondialisation peut être le pire de ce qui peut arriver à l'humanité, mais on peut dire aussi que c'est le meilleur de ce qui peut arriver à l'humanité. Pourquoi? Parce que pour la première fois, dans l'histoire humaine, il y a une interdépendance, il y a une intersolidarité entre tous les habitants de la planète, d'où qu'ils soient. Parce qu'on a les mêmes périls mortels, armes nucléaires, destruction de la biosphère, dégradation économique, et nous avons les mêmes problèmes mortels, nous avons les mêmes problèmes vitaux. Et puis nous avons les conditions de communication, qui fait que en plus, englobant nos patries qui sont nos nations, nous avons la possibilité de concevoir que la Terre est une patrie, que la planète Terre est une patrie plus primordiale d'où nous sommes nés, tous les humains, à travers notre différence, comme je le dis en parlant de l'unité, et de la diversité humaine. Donc, si vous voulez, nous sommes dans une situation où on peut dire que le probable est catastrophique et l'issue c'est peut-être quelque chose d'improbable, car l'improbable est souvent arrivé dans l'histoire. Aussi bien les grandes prédictions du Bouddha, de Jésus et de Mahomet étaient absolument improbables, comme le développement du capitalisme lui-même dans une époque féodale, comme le développement du socialisme dans une époque capitaliste, comme le développement de la science moderne à l'époque du XVIIe siècle des monarchies absolues, vous voyez que l'histoire progresse par le surgissement d'événements, de déviances, d'improbabilités. Et donc l'improbable est possible, et que'est-ce que serait l'improbable? Ce serait une nouvelle voie, que l'on change de cap, et que l'humanité, à partir des processus d'inventions, de transformations et de créations suive un nouveau chemin qui conduise à une métamorphose. Je dis métamorphose et non pas révolution, parce que la révolution est un mot usé, et peut-être trop faible, parce que la révolution fait table rase du passé. Alors que la métamorphose, elle transforme le passé à partir du passé, c'est la chenille qui devient papillon, mais il est devenu papillon parce qu'elle était chenille, et les ailes lui ont poussé. Et nous, nous pouvons aspirer peut-être à une société qui existe au niveau de la planète Terre. Non pas une société idéale où tous les problèmes seraient résolus. Mais une société où un certain nombre de problèmes mortels seraient surmontés, mais qui promettraient, évidemment non pas l'harmonie générale, parce que l'humanité va continuer avec d'autres conflits, avec d'autres antagonismes, d'autres problèmes, mais aussi, je l'espère, une nouvelle solidarité. Donc voici un peu le problème de changer la voie, et dans ce changement de voie, peut-être envisager la symbiose du meilleur et du pire de chaque civilisation, car l'occident peut apporter la démocratie, il peut apporter l'autonomie individuelle, il peut apporter l'idée de liberté, il peut apporter l'idée de l'émancipation des femmes, mais en même temps, il peut puiser des idées de solidarité dans d'autres sociétés. Il peut puiser des idées de sagesse dans des philosophies comme la philosophie chinoise, bref, en quelques sortes, on peut combiner, il faut essayer de voir dans quelles mesures on peut arriver à une civilisation, comme disait Senghor, du donner et du recevoir. Nous ne sommes pas les seuls à donner, nous recevons aussi.