Bonjour à tous, et bienvenue dans l'interview de cette semaine autour de la question de la mondialisation et de la complexité. Il est vrai que nous sommes dans un processus d'une unification techno-économique, et que nous voyons apparaître, aujourd'hui dans le monde, des phénomènes de dislocation. Et finalement, comme se fait-il que le monde se dispeuple en même temps qu'il s'unifie? Nous voyons un processus d'occidentalisation, également de globalisation, et on perçoit même un conflit de civilisations. Cette issue est-elle irrémédiable, ou au contraire, peut-on aller vers une collaboration des différentes civilisations, des différents individus? Nous apercevons que nous avons tous le monde à l'intérieur de nous, et pourtant, nous menons des existences assez singulières dans chacun de nos pays. Nous avons la chance, aujourd'hui, d'être avec Éléonore Iriart, qui est une alumni de l'ESSEC, diplomée en 99, qui s'est spécialisée en marketing, en fidélisation de clientèle, en marketing relationnel, en marketing direct et en gestion de projet, qui a travaillé de nombreuses années en France, et également à l'étranger chez Capital One ou Club Méditerranée, et également aux Éditions Atlas, et qui, un jour, a décidé de prendre du recul par rapport à sa carrière et à sa vie. Et après 10 ans d'expérience professionnelle, est partie autour du monde. Elle a réalisé plusieurs missions d'engagement auprès de plusieurs associations en Amérique latine et en Rwandie, et finalement, a obtenu un poste dans l'association Pour un sourire d'enfant au Cambodge. Aujourd'hui, elle est doyenne de l'école de gestion des ventes, et a près de 40 personnes sous sa responsabilité, bientôt 50 dans six mois, et bientôt plus de 600 élèves également. Éléonore, merci beaucoup d'être avec nous. Nous allons pouvoir vous poser justement quelques questions sur ces phénomèmes de mondialisation, et tout d'abord, comment est-ce que cette mondialisation affecte notre quotidien? >> Alors, moi, personnellement, mon quotidien est affecté tout simplement parce que j'habite au Cambodge. Donc, pour moi, je suis en perpétuelle différence culturelle. Dans mon quotidien, j'habite dans une ville qui est en pleine expansion, aussi liée à la mondialisation. C'est-à-dire que la ville se construit comme un champignon. On voit se mêler à Phnom Penh un mélange des cultures, puisque au-delà des cambodgiens, on trouve une grande communauté chinoise, vietnamienne. Il y a également des occidentaux, que ce soit d'Australie, ou d'Europe, des États-Unis. Donc, il y a un grand mélange des cultures sur Phnom Penh. Au-delà de ça, moi, ce que je vois dans mon quotidien, aussi, à l'école, qui est sur le monde du travail, c'est plus particulièrement sur les profils que je forme en gestion et vente. Il est absolument indispensable d'utiliser la langue anglaise. Avec l'ouverture de l'ASEAN, l'anglais est la langue de communication dans l'Asie du Sud-Est, et donc, au quotidien, nous préparons nos jeunes à communiquer en langue étrangère. Tous les entretiens de recrutement, les offres d'emplois se font ici sur le marché du travail où il y a beaucoup en anglais, pour les postes de niveau de Bachelor ou plus élevé. Il y a des migrations, que ce soit au niveau du personnel non qualifié, on trouve beaucoup de cambodgiens qui vont exporter leur travail en Thaïlande, on a des vietnamiens qui viennent travailler au Cambodge, donc on voit déjà beaucoup de flux migratoires. On a également du personnel managérial qui vient parfois des Philippines. Enfin, il y a un vrai mix culturel dans ce pays. >> Parfait. Merci beaucoup pour ce premier aperçu, et cette plongée dans l'univers cambodgien, mais finalement donc, un univers qui se globalise aussi. Et donc, vous qui avez un regard croisé entre, antre l'Europe, puis ensuite votre voyage, et maintenant l'Asie du Sud-Est. Un monde mondialisé est-il nécessairement un monde plus complexe, et /ou plus homogène? >> J'ai envie de vous répondre que c'est un peu les deux, parce que mondialisation, ça veut dire beaucoup de complexité, que ce soit au niveau des compréhensions culturelles, du maniement des langues, des différentes normes internationales, des différentes approches culturelles, et on le voit vraiment en Asie où la conception du monde est totalement différente. Au Cambodge, on fonctionne dans un univers bouddhiste avec un temps cyclique, alors que en Europe, en Occident, on a un temps beaucoup plus linéaire. Donc, ça génère des complexités, des malentendus, parfois, mais en même temps, on se rend compte que il y a beaucoup plus, par exemple, d'investisseurs étrangers. Donc, pour ce qui est du Cambodge, on est beaucoup plus exposé, et les cambodgiens le sont de plus en plus, à l'international. On a des produits qui sont importés de Thaïlande, du Vietnam. La culture occidentale est devenue familière, que ce soit au travers d'Internet, de la télévision. Donc, il y a à la fois un rapprochement des cultures. C'est-à-dire qu'on se comprend beaucoup mieux mutuellement, mais en même temps, cette mondialisation crée des grosses, grosses complexités. Juste en terme managérial, tout simplement, dans mon équipe, on a des nationalités différentes, principalement France et Cambodge, puisque l'organisation dans laquelle je travaille est française, et ça crée parfois des tensions, des incompréhensions, et c'est là qu'on voit la complexité des choses. >> Parfait. Effectivement, on comprend mieux toute la réalité de cette mondialisation au travers de vos propos. Comment est-ce que l'on pourrait éventuellement faire dialoguer unité et diversité culturelle, et occidentalisation et maintien des cultures locales? Donc, vous l'avez abordé un petit peu, mais est-ce qu'on pourrait rentrer dans les détails? >> Alors, sur unité et diversité culturelle, on a une grosse complexité avec cette ouverture sur le monde, les cambodgiens ont une culture à laquelle ils sont très attachés, il y a encore beaucoup de nationalisme. Et à la fois, ils aspirent à la modernisation qui pour eux leur arrive depuis l'étranger. Et parfois, ils le vivent avec un phénomène de rejet, que ce soit au travers de valeurs qu'ils ont un peu de mal à comprendre. On est encore très traditionnel, ici, tout simplement par exemple, au niveau des mariages. Les mariages sont souvent arrangés avec l'accord de la famille. Donc, quand ils voient la façon de fonctionner en couple des occidentaux, ils sont parfois très choqués. Et parfois, c'est, au contraire, une admiration, une envie de copier. Par exemple, au travers de la mode, ou du cinéma, de la musique, les cambodgiens sont très influencés par ce qui se passe en Corée du Sud. Donc, pour eux, ça les fait rêver. Ils essaient d'imiter les coiffures, et cetera, et cetera. Donc, on sent les deux choses sur certains aspects, où une envie de conserver sa culture, que ce soit au niveau de la musique, dans les mariages, dans les tenues traditionnelles, dans le...parfois, ils essaient aussi de consommer cambodgien, de manger de la cuisine traditionnelle. Pas très envie de s'ouvrir à l'étranger pour ça, et inversement sur d'autres aspects, une vraie envie d'apprendre et de copier l'étranger. >> Parfait. Merci, merci infiniment pour vos réponses. On comprend à leur travers que cette mondialisation peut être vécue soit comme une crise, mais également comme une opportunité, et finalement que le choix va beaucoup dépendre de nous, tous ensemble, puisque on voit émerger cette interdépendance, et également aussi peut-être, et vous l'illustrez parfaitement, une intersolidarité. Donc, la métamorphose, qui devrait transformer notre futur, à partir de tout ces passés, devrait pouvoir sauvegarder ces diversités, et également nous permettre de créer, donc en tout cas de déposer les bases pour un humanisme qui doit être planétaire, et de mettre en avant ces aspirations, donc très présentes au Cambodge pour la communauté. Merci beaucoup Éléonore d'avoir été avec nous. Et nous vous invitons à poursuivre cette discussion dans le forum approprié. Au revoir.