Qu’est-ce que c’est qu’être humain? Être humain, c'est pas seulement être un individu. C’est faire partie d’une société. C’est faire partie d’une espèce, une espèce biologique qui s’appelle l’espèce humaine. Et, vous ne pouvez pas dire qu’on est au tiers individu, un tiers société, un tiers espèce, parce qu’en réalité, la relation est beaucoup plus intime, interpénétrée. Je veux dire que, l’individu, il est dans l’espèce, mais l’espèce elle-même, elle est dans l’individu. Nous sommes, effectivement, dans une continuité de reproduction qu’était l’espèce humaine. Cette espèce, elle, nous sommes les produits de la rencontre entre un spermatozoïde masculin et un ovule féminin, produit qui va donner un œuf, un embryon, et puis un être humain. Et bien, pour que ce processus de reproduction continue, il faut que deux êtres humains de deux sexes différents, du moins encore jusqu’à présent, se rencontrent et se reproduisent dans un acte amoureux. Donc, nous sommes des producteurs, et en même temps produits de l’espèce humaine. Et non seulement nous sommes dans l’espèce humaine, celle-ci est en nous, puisque le patrimoine génétique dans son intégralité se trouve dans chacune des cellules de notre corps. Et ce patrimoine génétique fait que nous puissions, nous pouvons nous nourrir, nous déplacer, parler, et cetera. Donc, l’espèce est en nous autant que nous sommes dans l’espèce. Je dirais la même chose de la société. Nous sommes évidemment dans la, dans la société, mais on peut dire aussi que la société est en nous. Pourquoi? Parce que, si c’est vrai que la société produit des émergences, des qualités à elle, que les individus seuls ne peuvent pas produire, comme le langage, comme la culture, comme la musique, comme l’éducation, il est certain que ces qualités qui reviennent sur les individus permettent aux individus de devenir pleinement humains, c’est-à-dire d’être capables de parler, d’avoir conscience, et cetera. Mais alors, ces individus humains, eux-mêmes dans leur interaction permanente, dans leurs relations permanentes, ils font naître, renaître sans arrêt la société. Parce que si tous ces individus disparaissent, il n’y a plus de société, il n’y a plus que des monuments, il n’y a plus que le Palais de l’Elysée, il n’y a plus que le Palais de l’Assemblée Nationale, il n’y a plus que les Ministères, il n’y a plus rien. C’est comme, un écriteau, un panneau indicateur qui vous indique, avec des flèches, l’Opéra, le Trocadéro, la République, mais si vous n’avez personne pour lire ces panneaux indicateurs, ce ne sont plus des signes, ce ne sont plus des lettres, ce sont des traces qui n’ont aucun sens. Les livres des bibliothèques, s’il n’y a personne pour les lire, ce ne sont plus des livres, ça n’existe pas. On a besoin du lecteur, on a besoin du, des gens. Donc, si vous voulez, les individus font la société, et la société elle-même, elle fait l’individu. Ils s’entreproduisent l’un l’autre. Et, je répète, la société est dans l’individu. Donc dans cette relation société individu, il y a une imbrication tout à fait extraordinaire. Et, en plus, si vous touchez l’individu, il est double, il est à la fois un être humain par la conscience, par la culture, par l’esprit, et en même temps il est un être humain par son caractère biologique qu'il a hérité de cette espèce biologique avec ses traits particuliers, dont ses mains sont capables de faire des outils, dont son cerveau est capable de penser ou de faire des œuvres d’art. Donc, nous avons en nous, à travers notre individualité, et j’y reviendrai plus loin, la présence, déjà, de la vie, de notre lignée, qui fait partie des mammifères, des primates, des mammifères, des vertébrés, et cetera. Alors, le, la relation entre l’individu et la société est à la fois complémentaire et antagoniste, de même que la relation entre l’individu et l’espèce. Pourquoi? Eh bien, il est évident que la complémentarité, c’est certain. Et d’où vient l’antagonisme? Et bien, vous voyez que, du reste depuis très longtemps, un couple a envie d’accomplir l’acte sexuel, tout en n'étant, en n’ayant pas les conséquences reproductives de l’acte sexuel. C’est-à-dire, il ne veut pas avoir d’enfant. Et, depuis très, très longtemps, les êtres humains ont trouvé des moyens. C’est systématiquement que dans une civilisation évoluée comme la nôtre, on cherche à jouir des avantages de l’acte de copulation mais sans avoir les conséquences qui peuvent être reproductives. Et de même, dans la relation entre l’individu et la société. C’est évidemment complémentaire. Mais l’individu peut avoir des aspirations, des désirs, que la société réprime. C'est pas seulement des désirs qui peuvent être délinquants ou criminels, et qui évidemment sont punis par le gendarme et par la loi. Et, d'ailleurs reste, que certains, une minorité réussit à satisfaire en allant dans les bas fonds, c’est ce qu’on appelle les délinquants, les criminels. Mais, nous avons aussi d’autres désirs qui peuvent être inhibés ou réprimés Nous avons des désirs de liberté que nous ne pouvons pas réaliser tout le temps parce que nous sommes pris par le métro, boulot, dodo, parce que nous sommes pris par différentes obligations. Nous avons des, des désirs, des aspirations de plénitude, de création que nous ne pouvons pas réaliser. Donc, là aussi, la relation entre individu et société, elle est évidemment complémentaire, mais elle a aussi des antagonismes. Voilà, ce qu’est la, la trinité humaine et on ne peut pas limiter l’humanité à l’un de ces aspects là. On peut dire même que la société humaine est le propre de notre humanité, mais elle-même, elle est l'héritière évolutive d’une société de primates qui devaient être plus ou moins parents des sociétés de chimpanzés ou de Bonobos actuelles, et qui a évolué en devenant la société humaine, d’abord société archaïque de chasseurs ramasseurs, puis après société proprement historique. Donc, la, la vision limitée de l’humanité à l’un des traits, seulement biologique ou seulement individuel du point de vue psychologique ou sociologique, c’est une vision qui est en elle-même mutilée, erronée et il faut concevoir cette trinité comme le propre de la complexité humaine.