[MUSIQUE] Dans cette série de vidéos, nous partons à la découverte de chacun de ces 12 cases pour vous expliquer comment utiliser le DMC. À ce stade, nous avons déjà abordé la partie gauche du DMC, qui permet de clarifier les intentions des porteurs des projets. On rappelle qu'après cette première étape a lieu une phase d'exploration qui permet d'éclairer la boîte noire que l'on retrouve systématiquement face à un projet dans l'incertain. Les cases 7 et 8 de l'outil ont permis de tirer de ces explorations des idées nouvelles sur les certitudes et les angles morts du projet. Valérie, Thomas, pouvez-vous maintenant nous dire où se situe la neuvième case et quel sujet aborde-t-elle? >> La neuvième case est ici. C'est la case dans laquelle vous allez pouvoir exprimer tous les changements que vous envisagez d'apporter à votre projet de départ. Autrement dit, après avoir réalisé vos explorations et décrit dans les cases précédentes du DMC vos apprentissages à la fois sur vos certitudes et vos angles morts, vous devez ici dire quels sont les changements que vous comptez apporter à votre projet initial. Comme d'habitude, et c'est tout le sujet de ces vidéos, nous avons des conseils à vous donner pour cette étape de votre réflexion. >> Si nous avons un conseil à vous donner dans cette neuvième case du DMC, c'est de l'utiliser comme une occasion de réinitialiser votre boussole. J'emploie l'expression réinitialiser votre boussole pour faire référence à l'expression qui est issue des travaux de Dan Ariely. [MUSIQUE] >> Dan Ariely est Professeur d'économie comportementale, il a longtemps enseigné au M.I.T et il est aujourd'hui enseignant à la Duke University. Dans la plupart de ses recherches, Dan Ariely essaie de trouver des explications à nos choix et nos comportements, y compris ceux qui peuvent apparaître les plus irrationnels. >> Parmi les comportements irrationnels discutés par Dan Ariely, il y en a un qui est vraiment très intéressant. C'est celui qui explique pourquoi lorsque vous mettez un système de pardon à l'égard des personnes qui commettent des actes légèrement condamnables, vous leur évitez de s'engager dans une dynamique qui serait regrettable et qui les conduirait à reproduire encore d'autres actes condamnables. Autrement dit, c'est étonnant, mais il est des cas où les systèmes de pardon évitent la prolifération des actes condamnables. >> Et pourquoi trouvez-vous ce résultat étonnant? >> Oui, c'est étonnant, parce que si vous regardez froidement la situation, autrement dit si vous adoptez un raisonnement qui présuppose la rationnalité des agents, les mécanismes de pardon devraient normalement multiplier le nombre d'actes répréhensibles et non le réduire. Regardez, un agent rationnel en économie c'est quelqu'un qui arbitre entre le bénéfice espéré de ces actions et le coût attendu de ces mêmes actions. Du coup, si vous pardonnez l'acte condamnable, vous comprenez bien que vous réduisez son coût. Mécaniquement, toutes choses égales par ailleurs, diraient les économistes, vous encouragez cette action plutôt que de la contraindre. Pourtant, et c'est ça qui est très étonnant aux premières lectures, il est de nombreux cas où l'instauration d'un système de pardon sur les actions légèrement condamnables réduit leur prolifération. La raison qui explique ce phénomène est assez subtile. Je vais d'abord vous la donner de manière très succincte. Il faut que vous sachiez que les systèmes de pardon permettent souvent de réinitialiser sa boussole. Autrement dit, les systèmes de pardon peuvent vous sortir de la spirale négative dans laquelle vous risquez de vous embourber, de vous enferrer, si on ne vous pardonnait pas. En disant cela, je ne suis pas certain d'avoir été pleinement compris. Je vais donc prendre le temps d'expliquer ce phénomène contre-intuitif, et je vais le faire avec des arguments qui sont très prosaïques et presque simplistes, et j'espère que vous m'en excuserez. Considérez que psychologiquement, depuis votre plus jeune âge, vous avez associé le bien au fait de faire des actions qui soient parfaites, non répréhensibles, et le mal au fait de faire des actions qui sont condamnables. Vous vous construisez donc dans cette vision manichéenne des choses. Mais la vie fait que parfois, vous allez dévier. Et là, le risque c'est que mentalement vous basculiez en vous disant que ça y est, votre sort est scellé, vous êtes devenu quelqu'un de mauvais. Et si c'est le cas, il se peut que vous estimiez qu'il ne sert plus à rien d'agir correctement et que donc, vous vous engagiez en quelque sorte dans une spirale négative, dans un espèce de laisser-aller qui vous amène à commettre d'autres actions condamnables. C'est même pire, parce que le risque peut être même que vous commenciez à commettre des actions qui sont encore bien plus graves et lourdement condamnables au motif que ça y est, vous êtes de toute façon devenue une mauvaise personne. Pour éviter ce risque, il faut donc que le système prévoit des soupapes de sécurité, c'est très important. Il faut que ces soupapes de sécurité existent pour vous pardonner de vos erreurs, pour éviter que vous basculiez dans cette spirale négative. Vous remarquerez d'ailleurs que le phénomène dont je viens de parler existe dans beaucoup de domaines de la vie. Prenez les régimes alimentaires par exemple. Psychologiquement, avant de commencer un régime, vous associez le bien au fait de manger des légumes et le mal au fait de manger des crèmes glacées par exemple. La vie est faite de telle sorte qu'un jour, vous allez sans doute succomber aux appels sournois de la crème chantilly et là, pour éviter que cet écart ne marque la fin de votre régime, et donc que vous lâchiez prise, il faut donc que vous puissiez trouver un moyen de réinitialiser votre boussole pour revenir sur la trajectoire que vous aviez initialement engagée. >> Si ce phénomène existe dans beaucoup d'aspects de notre vie, il existe aussi dans le monde des projets en entreprise, surtout lorsqu'ils sont conduits dans l'incertain. Au début du projet, vous imaginez des choses. Psychologiquement, vous vous dites que vous serez un professionnel talentueux si vous réussissez à exécuter votre projet tel que vous l'avez initialement imaginé et que vous serez un professionnel défaillant si vous n'exécutez pas votre projet comme prévu sur le plan. Dans le cas où vous déviez, le risque est alors que vous changiez votre projet de manière déraisonnable, en étant victime de l'effet de laisser-aller dont nous venons de discuter. Il se peut alors que vous basculiez dans une attitude où vous vous dites que de toute façon, le projet ne correspond plus à ce que vous deviez faire, donc autant le pousser de manière déraisonnable pratiquement jusqu'à l'absurde, d'où l'enjeu de réinitialiser votre boussole. Dans cette case, notre rôle est de vous mettre à l'aise par rapport à tous les changements que vous allez faire sur votre projet, non pas parce que nous en avons le pouvoir, mais parce que nous voulons vous dire avec conviction, les déviations que vous allez faire par rapport à votre projet initial sont tout à fait normales, elles sont même souhaitables. Vous devez donc utiliser cette case pour réinitialiser votre boussole et surtout opérer ces changements sur votre projet de manière raisonnable en vous départissant d'une éventuelle culpabilité de ne pas conduire le projet que vous aviez initialement imaginé. >> Pour résumer, dans cette neuvième case du DMC, il faut indiquer les changements que l'on souhaite opérer sur notre projet initial tout en gardant à l'esprit que pivoter n'est pas l'aveu d'un échec. C'est une bonne pratique dans l'incertain. Maintenant que vous avez compris tous les concepts cachés derrière cette neuvième case, il est temps de passer en mode atelier et de mettre en pratique ce que vous avez appris. [MUSIQUE] Rappelons que notre projet initial était de concevoir des vidéos sur le thème de la prise de décision dans l'incertain. Après avoir clarifié tous les éléments autour de notre projet à l'aide de la partie gauche du DMC et après avoir entrepris des explorations, nous avons jusqu'ici pu confirmer que notre budget était fixe. On a en revanche remis en cause notre certitude sur le thème des vidéos. Le sujet de la prise de décision dans l'incertain est attractif pour les professionnels, c'est sûr, c'est certain. Mais on doute que les vidéos soient le bon véhicule, le véhicule approprié pour les toucher. Les professionnels veulent des solutions concrètes pour résoudre leur problème de prise de décision dans l'incertitude. Ils ne veulent pas des cours magistraux ou des vidéos dont la plupart seraient monodisciplinaires et ne permettraient pas d'aborder la question de la prise de décision dans l'incertain avec une perspective holistique, c'est-à-dire de manière vraiment complète, en abordant les aspects psychologiques, économiques, comptables, statistiques autour de la prise de décision. >> Dans cette neuvième case, nous abordons donc les changements qu'on envisage d'apporter concrètement à notre projet. Au départ, nous voulions faire des vidéos sur la prise de décision dans l'incertain. Grâce aux réflexions et aux explorations que nous avons faites, nous pouvons maintenant voir dans quel sens nous allons faire évoluer notre projet. Et finalement, on a décidé d'apporter beaucoup de changements au projet initial. D'abord, on a décidé de changer totalement notre approche. On ne souhaite plus produire une série de vidéos sur le thème de l'incertain, mais un outil d'aide à la décision dans l'incertain pour les managers. Notre but n'est plus d'informer les professionnels, mais de les aider concrètement dans leur réflexion et prise de décision dans l'incertain. Nos vidéos deviennent donc des tutoriels pour chacune des cases de l'outil que l'on souhaite construire. On veut que ces tutoriels puissent être consommés pendant les temps morts des praticiens, notamment pendant leur temps de transport. On veut donc que les vidéos puissent être basculées en podcasts pour que les praticiens puissent les écouter pendant leur trajet soit en voiture soit dans les transports en commun. Et les vidéos doivent d'ailleurs être accessibles sur LinkedIn pour les personnes qui prennent les transports en commun avec un accès au réseau Internet. On veut par ailleurs que les vidéos intègrent les derniers résultats de la recherche dans toutes les disciplines des sciences sociales, et pas seulement en psychologie, en sciences de gestion ou en économie. Notre outil doit être conçu dans une perspective pluridisciplinaire. Ce repositionnement ouvre des possibilités nouvelles en termes de business model, nous permettant par exemple de proposer des ateliers de formation à l'outil pour ceux qui le désireraient. >> Il faut maintenant écrire tout ça dans le DMC. Mais on peut juste résumer en Concevoir un outil d'aide à la décision dans l'incertain et Transformer les vidéos en tutoriels. Pour conclure cet épisode, on voit bien que nous n'avons pas considéré qu'une série de vidéos serait le seul moyen d'atteindre nos objectifs qui en l'occurrence étaient de toucher les praticiens en leur rendant compte des concepts clés trouvés par les chercheurs sur ce sujet. En voyant que ce genre de vidéos était finalement pas très regardé sur les plateformes de diffusion de contenus en ligne, on a décidé de ne pas persister dans cette voie alors qu'on aurait franchement pu s'enfermer dans cette idée en estimant qu'on était capable de faire des vidéos encore meilleures que les autres, des vidéos qui soient encore plus vues. Mais on n'a pas cédé au phénomène du laisser-aller dont on a parlé et on a réinitialisé notre boussole en réajustant le projet. C'est exactement l'application du message de Dan Ariely. >> Voilà qui clôt cet épisode sur la neuvième case du DMC, la case Changements du projet. Dans le prochain épisode, nous aborderons en détail la dixième case dédiée aux bénéfices et aux risques de ces changements. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]