[MUSIQUE] Bonjour à toutes, bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue dans ce cours, dans lequel nous allons étudier la physique quantique. Apprendre la physique quantique est un exercice passionnant et je voudrais en donner ici deux raisons avant de rentrer dans le vif du sujet. La première est que la physique quantique est considérée, à juste titre, comme une des grandes constructions intellectuelles de l'humanité. Nous allons explorer ce va-et-vient étonnant entre expériences aux résultats spectaculaires et développements théoriques d'une grande élégance. La seconde raison est que cette physique est incontournable pour comprendre le monde qui nous entoure. Des particules élémentaires au Big Bang, de l'électronique moderne aux lasers, notre environnement culturel, notre environnement technologique reposent sur cette théorie fondamentale. La physique quantique est née avec le XXe siècle. Pour l'aborder, pour apprécier la révolution conceptuelle qu'elle a engendrée, pour comprendre les débats qu'elle a suscités, nous avons choisi de suivre, au début de ce cours au moins, une approche historique. Nous allons partir du bilan de la physique à l'aube du XXe siècle. Nous verrons comment une série de faits à l'époque incompris ont pu trouver une explication grâce à la théorie quantique. Nous suivrons ainsi la progression des idées qui a permis d'aboutir à une série de principes qui semblent à première vue très éloignés de notre intuition. Ce bilan de l'état de la physique au début du XXe siècle, c'est Lord Kelvin, un membre éminent de l'Académie royale britannique, qui l'a fait le 27 avril 1900, dans une conférence restée célèbre. Lord Kelvin déclare : la beauté de la théorie dynamique, qui pose que la chaleur et la lumière sont des modes de mouvement, est actuellement obscurcie par deux nuages. De quelle beauté parle-t-il et quels sont ces nuages? La beauté et les succès qui lui sont associés, c'est par exemple la thermodynamique. Cette théorie de la chaleur avait été développée par les physiciens du XIXe siècle. Elle avait donné un sens précis aux notions de température, d'énergie et d'entropie. Elle avait également permis la construction de machines thermiques et avec elles l'essor de la première révolution industrielle. Un autre succès impressionnant de la physique du XIXe siècle, c'est la théorie unifiée des phénomènes électriques, magnétiques et lumineux. Cette unification avait été faite par Maxwell et porte le nom d'électromagnétisme. Grâce à la compréhension nouvelle qu'elle a permise, Hertz puis Marconi avaient commencé à mettre au point des systèmes de communication sans fil, les ancêtres de nos postes de radio et téléphones portables. À cette liste de succès, Kelvin aurait pu ajouter la mécanique rationnelle, cette dernière avait acquis au XIXe siècle des fondements solides. Elle permettait d'expliquer des mouvements complexes comme celui du pendule de Foucault ou du gyroscope. Cette mécanique rationnelle était tellement bien maîtrisée qu'elle pouvait être utilisée pour découvrir de nouvelles planètes, comme l'avait fait Le Verrier, par le calcul. Passons maintenant aux nuages. Quels étaient-ils et que cachaient-ils? Le premier de ces nuages concernait l'expérience de Michelson et Morley. Cette expérience avait pour but de détecter le mouvement de la terre par rapport à l'éther. Cet éther étant un milieu dans lequel les ondes électromagnétiques de Maxwell étaient censées se propager. Au moment où Kelvin parle, cette expérience n'a pas réussi à détecter le mouvement recherché. Et personne ne comprend pourquoi, c'est irritant. Le second nuage portait sur les incohérences qui apparaissaient quand on appliquait un des principes fondamentaux de la thermodynamique à certains systèmes. Le principe en question, c'est l'équipartition de l'énergie. Il indique que l'énergie associée à un degré de liberté d'un objet physique, matière ou rayonnement, doit simplement être proportionnelle à la température. Ce que Kelvin pointait du doigt, c'était que ce principe, quand on l'appliquait à des gaz de molécules, ou aux rayonnements d'un corps noir, conduisait à des incohérences logiques. Nous allons y revenir dans un instant. Kelvin était un visionnaire. Avec ces deux nuages, il donnait en fait leur feuille de route à tous les physiciens du XXe siècle. Du premier de ces deux nuages va naître la théorie de la relativité, l'équivalence masse-énergie et ce qui est à l'origine de toute la technologie nucléaire. Ces développements vont s'accompagner d'un bouleversement conceptuel. Le temps absolu, central en mécanique classique, va laisser la place à des temps qui dépendent du référentiel. Ceci va autoriser des paradoxes étonnants comme celui des jumeaux de Langevin qui ne vieillissent pas au même rythme selon qu'ils voyagent ou non. Du second nuage va naître la mécanique quantique que nous allons découvrir ensemble avec les développements technologiques que nous avons déjà mentionnés, comme l'électronique et les lasers. Ce second nuage va également faire apparaître l'indéterminisme comme un élément fondamental. Ce terme d'indéterminisme signifie l'impossibilité de prévoir ce qui va se passer même si on connaît parfaitement les conditions initiales d'un système. En physique quantique, nous verrons que deux objets identiques, préparés dans le même état, peuvent donner lieu à des résultats de mesures radicalement différents. Approfondissons le second nuage de Lord Kelvin qui va véritablement constituer un autre point de départ : le rayonnement d'un corps noir. En fait, cette appellation de corps noir est un peu trompeuse. On ne s'intéresse pas à des objets noirs au sens habituel du terme, mais à des objets qui absorbent tout le rayonnement qu'ils reçoivent. Ils réémettent ensuite l'énergie reçue sous forme d'un autre rayonnement, d'une autre couleur, déterminés seulement par la température de l'objet. Un système qui répond bien à notre définition de corps noir est le soleil. Sa température de surface est de six milles degrés environ et une loi expérimentale, bien établie à l'époque de Kelvin, est que le rayonnement du soleil obéit à une loi universelle : tous les corps noirs à 6 000 degrés émettent le même type de rayonnement ou, pour le dire vite, la même couleur. Soyons maintenant un peu plus précis au sujet de ce rayonnement. On a représenté ici le rayonnement typique du soleil avec la longueur d'onde en abscisse et la puissance rayonnée en ordonnée. La puissance est maximale autour des longueurs d'onde visibles, vers 0,5 micromètre. Elle tombe à zéro du côté des ultraviolets, sur la gauche du graphe, et des infrarouges sur la droite. C'est ce que la physique du XIXe siècle ne savait pas expliquer : ce comportement du côté des courtes longueurs d'onde, sur la gauche. Dans un traitement où l'on croit à l'équipartition de l'énergie, on s'attend à une divergence de cette courbe. C'est bien sûr impossible en pratique car la puissance totale qu'on recevrait d'un corps noir, le soleil par exemple, serait alors infinie. Mais les théoriciens spécialistes de la thermodynamique du XIXe siècle ne savaient que faire pour éviter cette conclusion manifestement absurde. L'acte de naissance de la physique quantique aura lieu en cette même année 1900 que le discours de Kelvin, plus précisément le 14 décembre. Ce jour-là , Max Planck prononce une conférence devant la Société allemande de physique. Il y fait une proposition révolutionnaire pour résoudre les difficultés liées à l'équipartition de l'énergie pour le rayonnement. Cette proposition lui permet de rendre compte de la courbe universelle du corps noir mesurée expérimentalement. Et c'est cette proposition qui fonde la physique quantique et qui nous servira de point de départ pour la leçon suivante.