[MUSIQUE] Bonjour à toutes, bonjour à tous. À la leçon précédente, nous avons donné la définition de l'onde décrivant l'état de la particule. Il s'agit maintenant de poser l'équation qui régit le mouvement de cette onde. Cette équation, c'est ce que l'on appelle équation de Schrödinger. Nous allons la voir ici dans le cas particulier d'une particule libre, c'est-à -dire une particule qui n'est soumise à aucun champ de force. Nous traiterons le cas général d'une particule en mouvement dans un potentiel arbitraire, dans une prochaine leçon. Commençons par bien préciser le rôle d'une équation d'onde. On suppose connu l'état de la particule à un instant initial donné, ti. En d'autres termes, on se donne la fonction d'onde en tout point r de l'espace psi de r et de t. L'équation d'onde doit nous permettre de trouver l'état de la particule à un instant ultérieur t quelconque, c'est-à -dire la fonction d'onde psi de r et de t. Cette équation d'onde, c'est donc Schrödinger qui l'a proposée dans une publication de janvier 1926. Nous allons commencer par justifier sa structure à partir de ce que nous savons sur les ondes de De Broglie. Puis, nous érigerons le résultat de notre intuition au rang de principe, c'est-à -dire de postulat. À quoi ressemble a priori une équation d'onde? Prenons une onde que vous connaissez probablement déjà , l'onde électromagnétique. Cette onde est décrite par six fonctions réelles, les trois composantes du champ électrique E, et les trois composantes du champ magnétique B. Rappelons que ces six composantes ne sont pas complètement indépendantes du fait des relations divergence E égal 0, et divergence B égal 0. Toutefois, cela n'a pas grande importance pour ce que nous voulons regarder ici. La forme de l'équation d'onde est écrite ici. À gauche, la dérivée partielle par rapport au temps des six composantes, trois pour le champ électrique, trois pour le champ magnétique. À droite, des termes faisant intervenir les dérivées par rapport à l'espace de ces mêmes quantités. Plus précisément, le rotationnel de B pour les trois premières lignes et le rotationnel de E pour les trois suivantes. Il est important de noter que c'est une dérivée première par rapport au temps qui intervient dans le membre de gauche. C'est pour cela qu'il suffit de connaître les champs électrique et magnétique à un instant donné dans tout l'espace pour être capable de les prédire à un instant ultérieur en n'importe quel point. Pour notre onde de matière psi, nous allons chercher une équation d'onde sous une forme identique. A gauche, dérivée de la fonction d'onde par rapport au temps, à droite, la fonction d'onde elle-même ou ses dérivées par rapport aux variables d'espace. Avant de nous lancer dans la forme explicite de cette équation, une remarque s'impose. Vous notez que le terme de gauche est une dérivée première par rapport au temps. En effet, nous avons postulé avec notre principe numéro un que psi de r et de ti fournit une description complète du système à l'instant initial ti. On doit donc pouvoir calculer la valeur de psi en n'importe quel point r prime à un instant ultérieur connaissant les valeurs de la fonction psi à l'instant ti. Cela n'est possible que si c'est une dérivée première par rapport au temps qui intervient dans l'équation. Si je mettais à gauche une dérivée seconde par rapport au temps par exemple, alors, il faudrait que je connaisse à la fois psi et sa dérivée première par rapport au temps pour résoudre l'équation. À droite, je mets une quantité F de psi dont je ne sais pas grand chose pour le moment, si ce n'est qu'elle peut faire intervenir psi, ses dérivées première, seconde, troisième, par rapport aux variables d'espace, x, y, z. Il s'agit donc de trouver l'expression de F de psi, et nous allons suivre pour cela la procédure utilisée par Schrödinger. L'idée est de partir de la relation pressentie par De Broglie entre longueur d'onde et impulsion, lambda égal h sur p, relation que nous avons déjà rencontrée. Ce sont en fait Langevin et Einstein qui ont conseillé à Schrödinger de s'intéresser au travail de De Broglie. Le déclic a mis plusieurs mois à se produire dans l'esprit de Schrödinger pendant l'hiver 1925-26, car il a d'abord cherché, sans succès, une version de l'équation d'onde qui incorporait la relativité. Cette version relativiste ne sera trouvée par Dirac que plusieurs années plus tard, et la raison de l'échec de Schrödinger est qu'il ne connaissait pas le spin. Il trouvait donc des résultats, avec son équation relativiste, qui ne correspondaient pas aux manips. Au contraire, l'équation que nous voyons aujourd'hui l'a conduit à de multiples succès. Avec la version en présence d'un potentiel, que nous verrons un peu plus tard, Schrödinger a par exemple retrouvé les niveaux d'énergie de l'atome d'hydrogène. La piste que nous allons suivre consiste à partir de la relation de dispersion, qui fait le lien entre l'aspect temporel d'une onde, c'est-à -dire sa pulsation oméga, et son aspect spatial, c'est-à -dire son vecteur d'onde k. De manière équivalente, ce lien peut être vu comme une relation entre l'énergie grand E et l'impulsion p. En effet, le lien entre comportement ondulatoire et comportement corpusculaire se fait en posant que l'énergie grand E est égale à h barre oméga et que l'impulsion p est égale à h barre k. Faisons un tableau pour y voir plus clair. Ce tableau comporte deux lignes, l'une pour les corpuscules, l'autre pour les ondes. Il comporte également deux colonnes, l'une pour la lumière, l'autre pour la matière. La physique du XIXe siècle posait que la lumière était une onde avec la relation que vous connaissez probablement, oméga égal ck, où c est la vitesse de la lumière. De même, les particules matérielles étaient des corpuscules avec pour une particule non relativiste la relation suivante entre énergie cinétique et impulsion : E égale p carré sur 2 m. Einstein, en 1905, vient compléter une troisième case de ce tableau. En disant que les photons sont des corpuscules, il multiplie par h barre les deux membres de oméga égal ck pour trouver E égal cp pour les photons. De Broglie, 20 ans plus tard, complète la dernière case en divisant la relation E = p carré sur 2 m par h barre pour obtenir la relation suivante entre la pulsation oméga des ondes de matière et leur vecteur d'onde k : oméga égal h barre k carré sur 2 m. C'est avec cette quatrième relation que nous allons relier, pour des ondes de matière, l'évolution temporelle, via la pulsation oméga, et le comportement spatial, via le vecteur d'onde k. Pour justifier la forme de l'équation de Schrödinger que nous allons postuler dans un instant, nous allons donc imposer que les ondes planes progressives proposées par Louis de Broglie, psi de r et de t égal, psi 0 e puissance, i k scalaire r moins oméga t, avec oméga égal h barre carré sur 2 m, que ces ondes de De Broglie soient solution de notre équation d'onde, dérivée partielle de psi par rapport au temps égal grand F de psi, où grand F de psi, je vous le rappelle, fait intervenir psi et ses dérivées par rapport aux variables d'espace. Intéressons-nous d'abord au membre de gauche. Ce membre de gauche, c'est-à -dire la dérivée première par rapport au temps, se calcule facilement pour les ondes planes de De Broglie. On trouve que la dérivée partielle de psi par rapport au temps vaut moins i oméga psi, ou encore, compte tenu de la relation de dispersion des ondes de matière, dérivée partielle de psi par rapport au temps égal moins i h barre k carré sur 2 m fois psi. Il faut donc que ce terme soit égal à grand F de psi pour toute onde plane, quel que soit sont vecteur d'onde k. Que prendre pour F pour que ce soit vrai? Nous cherchons donc une fonction grand F telle que l'action de grand F sur psi donne systématiquement moins i h barre k carré sur 2 m fois psi, quand on prend pour psi une onde plane de vecteur d'onde k. La réponse à cette question n'est pas très compliquée. Quand on prend la dérivée de e puissance i k scalaire r, par rapport à une des trois variables d'espace, x par exemple, on obtient la même fonction, multipliée par i fois la composante kx du vecteur d'onde k selon l'axe considéré petit x. Par conséquent, le gradient de e puissance i k scalaire r donne, i k vecteur, fois l'onde plane de départ e puissance i k scalaire r. Ce n'est pas encore ce que l'on veut, mais on s'en approche. Considérons maintenant le laplacien de la même quantité, c'est-à -dire deux applications successives de l'opérateur gradient. On trouve en répétant l'opération précédente laplacien de e puissance i k scalaire r égal, moins k carré e puissance i k scalaire r. C'est précisément ce que l'on souhaite. Quelle que soit l'onde plane choisie, l'action du laplacien sur cette onde donne, au signe près, cette même onde plane multipliée par k carré. Il suffit donc de prendre pour notre fonction F F de psi égal i h barre sur 2 m laplacien psi pour remplir notre cahier des charges. Résumons donc ce que nous venons de trouver. Si on veut que les ondes planes de de Broglie psi (r, t) = psi 0 fois e puissance (i k scalaire r- oméga t) soit solution d'une équation d'onde du premier ordre en temps, cette équation doit être de la forme dérivée partielle de psi par rapport au temps à gauche = i (h barre / 2m) laplacien psi à droite. Nous allons élever ce résultat au rang de principe, pour toute fonction d'onde associée à une particule matérielle. Pour une raison qui apparaîtra dans les cours suivants, nous utiliserons plutôt cette équation en multipliant à gauche et à droite par i h barre, ce qui ne change évidemment rien sur le fond, et nous arrivons donc au principe 2. Si la particule est dans le vide et ne subit aucune interaction, la fonction d'onde satisfait l'équation aux dérivées partielles i h barre fois la dérivée partielle de psi par rapport au temps est égal à (h barre carré / 2m) laplacien psi. C'est l'équation de Schrödinger pour une particule vide. Comme pour le principe 1, il y a quelques points clés sur lesquels je souhaiterais insister. Tout d'abord, il faut s'assurer que les deux principes sont compatibles entre eux. Le premier principe nous dit que la fonction est normée, et le deuxième principe nous dit comment la fonction d'onde évolue. Il est donc impératif de vérifier que la norme est bien conservée lors de l'évolution. Je vous laisse le vérifier en exercice. Vous verrez que ce n'est pas bien compliqué. Il suffit d'écrire l'équation de Schrödinger pour psi et son complexe conjugué psi*, puis injecter ces deux expressions dans l'équation donnant l'évolution du carré de la norme. On vérifie alors qu'effectivement, une fonction d'onde initialement normée restera normée au cours de son évolution. Ce point est essentiel pour pouvoir interpréter module de psi carré comme une densité de probabilité. Un deuxième point, que je voudrais signaler, porte sur le caractère un peu particulier des ondes planes de De Broglie. Elles sont importantes puisqu'elles nous ont guidés pour trouver l'équation de Schrödinger. Néanmoins, ces solutions en tant que telles ne sont pas vraiment acceptables pour décrire l'état d'une particule. En effet, elles ne sont pas normées ou normalisées, ces deux adjectifs étant synonymes pour nous. Les ondes planes de de Broglie doivent en fait être considérées comme le cas limite d'une onde normalisée, dont l'étalement tendrait vers l'infini. Remarquons d'ailleurs que le même problème se pose pour les ondes planes électromagnétiques qui correspondent à une énergie infinie. Nous reviendrons de manière plus rigoureuse sur ce point dans les leçons suivantes, en introduisant la notion de paquet d'ondes. Le troisième point que je signalerais ici est qu'avec nos deux principes, nous disposons de tout le bagage nécessaire pour analyser de manière quantitative les phénomènes d'interférences, comme celui que nous avons décrit à la leçon précédente. Donnons-nous le problème mathématique suivant. Une onde psi arrive de la gauche et rencontre un écran percé de deux trous. On impose à la fonction d'onde de s'annuler sur l'écran hormis sur les deux trous. Procédons alors à la résolution numérique de l'équation de Schrödinger, i h barre (d psi / dt) =- (h barre / 2m) laplacien psi. Ceci peut se faire sans difficulté avec une bonne précision, sur un ordinateur de bureau. Cette résolution montre deux phénomènes importants. Premièrement, l'existence de deux ondes diffractées, issues de chacun des deux trous. Et deuxièmement, dans la zone où les deux ondes se recouvrent, on observe des interférences et la valeur de l'interfrange est en parfait accord avec ce que l'on mesure expérimentalement. L'équation de Schrödinger rend donc bien compte des phénomènes ondulatoires, tels que nous les avons rencontrés jusqu'ici.