[MUSIQUE] Bonjour à toutes et à tous. Nous connaissons maintenant un peu mieux les ondes de De Broglie. Nous savons comment les décrire, nous savons comment elles se propagent, et nous pouvons donc commencer à explorer certaines de leurs applications. La première application que nous aborderons ici porte sur la microscopie. Vous le savez probablement, le pouvoir de résolution d'un microscope est généralement limité par la longueur d'onde de la lumière qu'on utilise. Sauf cas bien particulier, il est difficile avec un appareil d'optique de distinguer des structures dont la taille serait bien inférieure à cette longueur d'onde. La lumière visible a une longueur d'onde centrée sur 0,5 micromètres, et la résolution des microscopes optiques est donc de l'ordre du micromètre. En voici un exemple sur cette image de mouche, où l'on distingue très bien la structure de l'œil de l'insecte, dont la taille est de l'ordre de la centaine de micromètres. En revanche, sur ce type d'image, il est difficile de distinguer ce qui se trouve à l'extrémité des pattes de la mouche. En particulier avec un microscope optique, on ne peut pas répondre à la question que nous nous sommes posée tous un jour ou l'autre, comment fait la mouche pour marcher au plafond? Considérons maintenant un microscope électronique, dans lequel la lumière, c'est-à -dire les photons sont remplacés par des électrons. Avec ce type de microscope, on peut aisément disposer d'ondes de longueur beaucoup plus courte que le micromètre. Plus précisément, nous avons vu plus tôt dans cette leçon que la longueur d'onde des électrons dépend de leur énergie cinétique. Prenons par exemple des électrons d'énergie cinétique de 150 eV, c'est-à -dire des électrons accélérés par une différence de potentiel de 150 V, ce qui reste très modeste. Vous pourrez calculer simplement que ces électrons ont une vitesse de sept millions de mètres par seconde, et une longueur d'onde associée d'un ångström, c'est-à -dire 10 puissance (- 10) m. Cette longueur d'onde de De Broglie est donc 10 000 fois plus courte que la longueur d'onde optique visée. Avec des électrons de cette énergie, la résolution potentielle du microscope électronique est donc 10 000 fois meilleure que celle du microscope optique. Voici donc l'extrémité d'une patte de mouche. On voit qu'elle est composée d'une multitude de micro-ventouses, ce qui explique pourquoi la mouche peut défier la loi de la pesanteur, et marcher au plafond. Une autre application importante, que je souhaite mentionner ici, porte sur la diffraction de particules de matières par un cristal. Il s'agit de tirer parti de manière très directe du caractère ondulatoire des particules quantiques. On éclaire un cristal, c'est-à -dire une structure périodique de matière, avec un faisceau de particules, des électrons, des neutrons, venant de la gauche de ce dessin. Chaque atome du cristal peut être considéré comme un petit centre diffuseur, qui renvoie donc les électrons ou les neutrons incidents dans toutes les directions de l'espace. Mais rappelons-nous qu'il y a une onde associée à ces électrons ou à ces neutrons. Dans certaines directions, les différentes ondes issues de ces centres diffuseurs sont en phase. Il y a alors une interférence constructive. L'intensité dans cette direction est beaucoup plus grande que l'intensité diffusée moyenne. C'est précisément cette interférence constructive, la direction privilégiée, qu'on appelle diffraction de Bragg. Pour que les pics de diffraction de Bragg soient relativement peu nombreux et donc bien visibles et faciles à détecter, il faut choisir une longueur d'onde de l'ordre de la période spatiale du cristal, que l'on cherche à étudier. Or, la période spatiale typique pour un cristal est de quelques ångströms. Il faut donc le sonder par diffraction de Bragg, avec des ondes de longueur d'onde elle-même de l'ordre de l'ångström. Nous venons de voir que ceci est réalisable avec des électrons de vitesse de sept millions de mètres par seconde, c'est-à -dire une énergie cinétique de l'ordre de 150 eV. On peut également utiliser des neutrons de vitesse 4 000 mètres par seconde, correspondant à une énergie cinétique 0,1 eV. La diffraction de Bragg est une technique très utilisée, aussi bien avec les électrons qu'avec les neutrons. Elle joue un rôle crucial en physique des solides et en métallurgie. La géométrie et la position des pics de diffraction renseigne en effet sur l'ordre cristallin, la position des défauts, la composition des alliages. Vous avez ici une photo de la diffraction de Bragg d'électrons d'énergie 270 eV par des atomes de potassium qu'on a déposés sur un monocristal de graphite. La structure hexagonale très claire des pics de Bragg et leur écartement permettent de remonter à l'arrangement géométrique des atomes et de déterminer le pas du réseau qu'il faut. Pour terminer cette leçon, je vous propose de résumer sur un tableau le point où nous en sommes dans notre construction de la mécanique quantique. Pour chaque élément, je vais comparer la version quantique à la version classique, obtenue dans le cadre de la mécanique de Newton. Commençons par les caractéristiques intrinsèques d'une particule comme l'électron. Sur ce point, les deux mécaniques se rejoignent. Dans les deux cas, on se donne la masse de la particule notée m, et éventuellement sa charge notée q, si c'est un problème où des champs électromagnétiques interviennent. Passons maintenant à la description de l'état de la particule. Là , les deux descriptions diffèrent. En physique classique, l'état de la particule est défini par la connaissance de la position r et de l'impulsion p, de la vitesse, à un instant donné. En physique quantique, l'état de la particule à l'instant t est défini par la fonction d'onde psi(r,t). Les types de connaissances sont de natures très différentes entre les deux mécaniques. En mécanique classique, la connaissance est déterministe. Connaissant r et p, je peux calculer exactement le résultat de toute mesure faite sur la particule. Ce résultat sera en effet une fonction de la position r et de l'impulsion p. En mécanique quantique, nous avons vu que le résultat de mesure est aléatoire, au moins en ce qui concerne la position. Connaissant la fonction d'onde psi(r,t), je peux seulement calculer la probabilité pour trouver la particule dans une région donnée de l'espace. Et enfin, à ces descriptions différentes correspondent des équations du mouvement différentes. En mécanique classique, pour une particule libre, la dérivée par rapport au temps de la position est égale à l'impulsion divisée par la masse. Cette impulsion est quant à elle indépendante du temps. En physique quantique, l'évolution dans le temps de la fonction d'onde est donnée par l'équation de Schrödinger, que nous avons rencontrée dans ce chapitre. Avec la mécanique quantique, nous sommes donc face à une description du monde radicalement différente de celle à laquelle la physique classique nous a habitué. Les leçons qui suivront vont nous permettre d'explorer les principales facettes de ce monde quantique. [MUSIQUE]