[MUSIQUE] Bonjour. Je voudrais donc maintenant illustrer expérimentalement les leçons précédentes en exploitant l'ensemble des propriétés de la transformation de Fourier. Pour cela, nous allons réaliser ensemble une expérience d'holographie synthétique. Pour commencer, je présente ici une expérience qui a été faite au Japon en 1996 avec des ondes de matière. L'idée est la suivante : on fabrique l'espèce de passoire qui est montrée ici. C'est une plaque avec de nombreux petits trous. Mais ces trous ne sont pas disposés au hasard. En fait, ils représentent la transformée de Fourier d'un objet. Dans ce cas, c'est la transformée de Fourier du sigle de NEC, le nom de la compagnie où cette expérience a été réalisée. Bien sûr, on commence par calculer la transformée de Fourier de NEC, et moyennant quelques astuces de fabrication que je vais préciser tout à l'heure, on obtient ce masque en forme de passoire. D'après ce que nous avons déjà vu, si on fait diffracter des ondes de matière sur ce masque, la figure de diffraction à l'infini doit reproduire l'objet initial. L'expérience a été faite avec des atomes froids, en fait des atomes de néon piégés et refroidis avec des lasers. Refroidir des atomes signifie diminuer leur énergie cinétique, donc leur vitesse. Mais pourquoi les refroidit-on? Parce que la taille de ces trous est de l'ordre du micromètre, alors que la longueur d'onde usuelle des atomes est de l'ordre de l'angström, un dix millième de micromètre, ce qui est beaucoup trop petit. Et puisque lambda égal h sur m V, il faut diminuer la vitesse des atomes pour augmenter leur longueur d'onde, et donc il faut les refroidir. Ensuite, on laisse tomber ces atomes sur le masque, l'hologramme de la figure, et on observe ce qui se passe en dessous, au niveau du détecteur désigné par MCP. Et effectivement, la figure de diffraction des atomes reproduit bien l'image qu'on a inscrite sur le masque, en calculant une transformée de Fourier. Ce masque est appelé un hologramme synthétique. C'est un objet diffractant qui a été calculé et réalisé pour obtenir la figure de diffraction complexe à laquelle on s'intéresse. Nous allons donc refaire cette expérience, pas avec des atomes refroidis, car je n'en ai pas sous la main, mais avec de la lumière. Et on ne va pas utiliser le sigle NEC, mais une figure plus adaptée aux circonstances, prenons donc un bicorne. On va donc fabriquer un masque dont la figure de diffraction est un bicorne représenté sur cette image carrée bicolore. On voit qu'on aura deux valeurs possibles de la transmission, rouge ou noire, qui vont correspondre à transparent ou opaque dans un plan à deux dimensions. Il faut aussi définir une phase en chaque point. Le plus simple pour commencer est de choisir une phase uniforme, par exemple 0 en chaque point. On calcule alors la transformée de Fourier bidimensionnelle de cette image, et c'est facile avec un algorithme appelé FFT qui effectue une transformée de Fourier rapide, et qui est disponible dans tous les logiciels de calcul. Et on obtient ainsi cette figure qui est la transformée de Fourier d'un bicorne, ce qui n'est pas évident au premier coup d'oeil. On voit aussi que la phase qui était uniforme au départ ne l'est plus du tout. Comme les valeurs de la transformée de Fourier sont des nombres complexes, cette phase est évidemment très importante. On peut illustrer l'importance de la phase en calculant la transformée de Fourier inverse qui permet bien sûr de retrouver l'image du bicorne. Mais si on annule la phase en tout point de la transformée de Fourier, et qu'on calcule la transformée de Fourier inverse, on ne retrouve plus du tout le bicorne, mais cette image assez informe. On a donc vraiment besoin de l'amplitude et de la phase si on veut bien coder l'image initiale. On pourrait donc essayer de fabriquer un masque d'après les valeurs calculées de la transformée de Fourier, mais on voit que les valeurs de l'amplitude sont réparties très irrégulièrement. On a un grand pic au milieu, c'est-à -dire au voisinnage de kx égal ky, égal 0, ce qui correspond à de la lumière non déviée. On voit ici ces mêmes valeurs dans une représentation à trois dimensions qui confirment que la plus grande partie de la lumière n'est pas déviée, et qu'il y a des petites structures autour. Mais ce sont justement ces petites structures qui contiennent l'information sur l'image. Si on veut faire un masque à partir de cela, on utilisera très mal la surface disponible. Il serait bien préférable d'étaler la transformée de Fourier pour pouvoir utiliser plus efficacement tout le plan kx, ky, c'est-à -dire tous les angles de diffraction. On a donc besoin d'une astuce expérimentale qui a été trouvée par des opticiens. L'idée est que si on veut remplir le plan de Fourier, il faut de grandes fréquences spatiales, donc il faut des composantes qui varient très vite dans l'image initiale. Mais vous voyez qu'il n'y a pas grand chose qui varie vite dans la transmission de cette image initiale. Qu'à cela ne tienne, je peux faire varier non pas l'intensité qui est ce qu'elle est, mais la phase. On peut ainsi ajouter une phase aléatoire en chaque point x y de l'image initiale. On voit ici cette phase variable en chaque point qui est codée en couleurs. Ceci va modifier la transformée de Fourier, mais pas l'image finale reconstruite puisqu'à la fin, le détecteur ne voit que le module carré de l'amplitude du champ. Il verra donc l'amplitude représentant l'image, mais pas cette phase modulée très vite. Puis on calcule la nouvelle transformée de Fourier qui est maintenant étalée dans tout le plan kx, ky, à cause des variations rapides de la phase. Le résultat qu'on obtient semble aléatoire, mais c'est toujours la transformée de Fourier d'un bicorne, avec son amplitude et sa phase qui maintenant couvrent uniformément le plan kx, ky. Il faut donc maintenant coder une amplitude et une phase en chaque point d'un masque diffractant. Ce masque est montré ici. Il est découpé en pixels comme sur une image de caméra, et sur chacun des petits carrés qui représentent un pixel, on veut coder une amplitude et une phase. Bien sûr, il est facile de coder l'amplitude, il suffit de faire des trous plus ou moins grands. La taille du trou va définir la quantité de lumière qui passe à travers, et donc coder une amplitude définie par la surface du trou, c'est très facile. Pour la phase, c'est moins évident. Mais on peut montrer qu'on peut coder la phase en décalant plus ou moins le trou par rapport à sa position de référence. Cette méthode s'appelle codage de Lohmann, du nom d'Adolf Lohmann qui travaillait à IBM et qui voulait calculer des hologrammes par ordinateur. Vous pouvez trouver plus de détails dans cet article. En pratique, on calcule donc l'hologramme montré sur le transparent précédent, puis on détermine la taille et la position de chaque trou, et on imprime la figure obtenue. Et finalement, on prend une photo du masque imprimé en réduisant sa taille pour obtenir un objet diffractant assez petit d'une taille totale de l'ordre de quelques millimètres. Il n'y a donc plus qu'à observer la figure de diffraction produite par cet objet. Pour cela, il faut un banc de diffraction qui est représenté schématiquement ici. Il y a d'abord un petit laser hélium-néon, puis un filtre spatial, c'est un petit trou dont le rôle est de supprimer les défauts du faisceau. Ensuite, une lentille reprend le faisceau laser divergent et le focalise sur le capteur d'une caméra CCD sans objectif. Je vais alors insérer divers objets sur le trajet du faisceau. La figure de diffraction apparaîtra sur la caméra CCD, et l'image obtenue sera projetée sur l'écran pour qu'on puisse voir ce qui se passe. Voici l'ensemble du dispositif expérimental que l'on appelle un banc de diffraction. Nous allons détailler successivement les différents éléments qui composent ce banc et qui sont : un laser hélium-néon suivi d'un système de contrôle de l'intensité et la qualité du faisceau, une lentille, un élément diffractant, ici des trous d'Young, et une caméra CCD qui enregistre la figure de diffraction. On fait d'abord passer le faisceau à travers un trou de filtrage de très petite taille placé au foyer d'un objectif de microscope, ce qui a pour effet de supprimer les fréquences spatiales élevées qui correspondent aux défauts de forme du faisceau. On obtient ainsi un faisceau de bonne qualité dont on peut ajuster l'intensité en tournant un polariseur. Ceci étant obtenu, le faisceau passe à travers une lentille, puis éclaire des trous d'Young que l'on voit ici. Ils sont obtenus très simplement en perçant deux trous d'épingle dans une feuille d'aluminium. Finalement, la figure de diffraction est enregistrée par une caméra que l'on voit ici, et projetée sur l'écran. L'expérimentateur pourra alors disposer plusieurs objets diffractants sur le faisceau. comme nous allons le voir dans la séquence suivante. >> Voilà , c'est celui-ci. Donc, j'insère. Alors, qu'est-ce que vous voyez là ? Vous savez ce que vous voyez? Donc, qu'est-ce que c'est? L'objet que j'ai inséré, c'est simplement une plaque d'alu avec deux trous. Donc une plaque d'alu avec deux trous, c'est des trous d'Young, et ce que vous voyez, c'est exactement le petit calcul que j'ai fait tout à l'heure. Cela c'est le lobe de diffraction de chacun des trous, et ce lobe de diffraction est modulé par l'interférence due au fait que j'ai deux trous. Si je n'avais qu'un seul trou, j'aurais une tache ronde, et comme j'ai deux trous, j'ai des franges qui sont justement les franges d'Young. Alors, quelque chose que vous avez toujours voulu voir, mais qu'on ne vous a jamais montré, on vous dit, ça c'est la figure de diffraction d'un trou, mais je vous ai dit que c'est une fonction de Bessel, et ça a des lobes, donc on devrait pouvoir voir les lobes. Alors on les voit, mais il faut mettre plus de lumière. Donc voilà . Donc là , vous voyez en fait la combinaison de deux choses : la fonction de Bessel qui fait le lobe et les anneaux successifs, et puis le fait que c'est en fait deux trous, et donc partout où il y a des interférences, les amplitudes s'ajoutent, et donc c'est modulé par ces franges. Voilà . Donc, cela vous montre que ceci est bien un banc de diffraction qui diffracte, et que ça fait ce que j'espère que ça fasse. Et alors bien sûr maintenant, il faut passer au bicorne. Alors, allons-y! Donc, je vais atténuer un petit peu ma lumière à nouveau. Voilà , donc je baisse l'intensité. Donc j'ai un petit polariseur. Je croise le polariseur, et ça éteint la lumière, ça on vous l'a appris aussi. J'enlève les trous d'Young. Donc là on voit à nouveau la lumière transmise, mais ça, c'est l'ordre 0 du réseau, ça va tout droit. Je veux l'ordre 1, donc il faut que je me décale, donc je me décale. Ne me demandez pas comment je me décale, c'est un petit truc. Voilà , je me suis décalé. Et puis maintenant, donc je mets la passoire, voilà . Et puis je remets de la lumière. Et voilà . [APPLAUDISSEMENTS] Donc, j'insiste, vous pourrez venir voir après, il n'y a pas de bicorne sur le banc. Cet objet n'est pas un bicorne, c'est la passoire que je vous ai montrée tout à l'heure, et le bicorne n'apparaît que comme le résultat d'un effet de diffraction. Donc, c'est ce que je voulais vous montrer essentiellement. Alors, il y a de petites ruses. Si vous venez après, je vous expliquerai aussi ce qui se passe. Alors, vous remarquez que ce n'est pas parfait bien sûr. En particulier, il y a toute cette petite granularité. Cette granularité s'appelle du speckle, la raison, c'est que mon image n'est pas parfaite. Il y a des petits défauts dans l'image. Ces défauts diffractent, et ça crée cette granularité laser qu'on appelle speckle, qui est aussi un effet de diffraction, mais associé cette fois-ci aux imperfections de l'hologramme. >> Pour conclure, cette technique de fabrication des masques diffractants s'appelle donc holographie synthétique puisque le masque est d'abord calculé, puis imprimé, et finalement photographié. De façon plus générale, un hologramme peut être réalisé en enregistrant une figure de diffraction sur une plaque photographique. C'est le cas par exemple pour les hologrammes produisant des images tridimensionnelles. De façon générale, l'holographie est une technique utilisée pour étudier le mouvement de certains objets, et pour analyser les déformations de structure. Une autre propriété connue d'un hologramme est d'être utilisable même si on n'en prend qu'un morceau, ce qui est illustré ici. Si je reconstruis l'image initiale à partir du masque complet par le calcul, on obtient une image sans défauts. Si je ne prends que le quart du masque que je vous ai montré, on observe l'apparition de défauts un peu similaires à ceux qu'on a vus, mais on reconnaît encore très bien l'image. Et même avec un seizième du masque, on a encore une image reconnaissable. Vous pouvez vous amuser à le faire si vous avez un algorithme de FFT sur votre ordinateur. Cette expérience a été montée par le service des travaux pratiques de l'Institut d'Optique Graduate School à Palaiseau, et je remercie Cédric, Thierry et Lionel pour leur aide précieuse. Ceci conclut ce chapitre sur la transformation de Fourier, et nous verrons la prochaine fois comment l'utiliser pour mieux comprendre et généraliser l'équation de Schrödinger.