[MUSIQUE] Bonjour. Nous abordons dans ce chapitre une première application importante de la physique quantique. Nous allons nous intéresser au problème d'une particule confinée, c'est-à -dire une particule que l'on contraint à n'occuper qu'une faible fraction de l'espace, à l'intérieur de cette boîte cubique par exemple. Sur ce sytème élémentaire, nous allons chercher à comprendre les propriétés de la particule et de sa dynamique. J'indique dès maintenant un exemple de question qui va nous intéresser dans la suite : que peut-on trouver si l'on mesure l'énergie de la particule confinée dans cette boîte? Cette question peut sembler banale, trop banale même, mais il n'en est rien. D'abord, ce modèle d'une particule confinée dans une région de l'espace est un problème essentiel en physique quantique. Il trouve des applications qui vont de la physique nucléaire à l'électronique moderne, en passant par la physique des atomes et des molécules. Et puis, cette question a un deuxième volet encore plus fondamental. Elle va nous amener à refléchir sur la notion même de mesure. Que signifie faire une mesure sur un système physique? Qu'est-ce qu'une mesure nous apprend sur ce système? Je vous propose de commencer par ce deuxième volet pour revenir ensuite vers notre particule confinée dans sa boîte. Que veut dire mesurer en physique? Il semble aller de soi que faire une mesure sur un système, c'est acquérir de l'information sur ce système. Mais cette affirmation possède plusieurs facettes. Il est important de bien les expliciter pour éviter des confusions ultérieures. Une première manière d'aborder le problème consiste à dire que la mesure nous renseigne sur l'état du système avant que la mesure soit effectuée. En d'autres termes, connaissant l'état du système à un certain instant, on doit être capable de prévoir, au moins partiellement, le résultat des mesures qui vont suivre. Il y a un second point de vue pour caractériser l'information acquise dans une mesure. On peut se demander dans quel état est le système après que nous avons effectué la mesure et pris connaissance du résultat. Résumons donc le problème qui émerge ici. Une mesure nous renseigne-t-elle sur l'état d'un système avant ou après l'instant de mesure? Répondre à cette question dans son intégralité n'est pas simple. Elle va nous demander deux chapitres de ce cours. Nous allons progresser par étape, en utilisant des exemples de plus en plus élaborés pour forger notre intuition. Et pour commencer, je vous propose de revenir à une physique que vous connaissez bien, celle de la mécanique classique d'une particule ponctuelle. Pour décrire le mouvement d'une particule ponctuelle par la mécanique classique, on utilise la notion de trajectoire, c'est-à -dire la valeur de la position x de la particule à chaque instant t. Connaissant la fonction x(t), on peut en déduire la vitesse de la particule qui est simplement la dérivée de la position par rapport au temps. Le point important est le suivant. Toutes les grandeurs physiques, énergie cinétique, énergie potentielle, moment cinétique, sont des fonctions de la position et de la vitesse de la particule. L'état de la particule est donc entièrement déterminé à chaque instant par le couple position-vitesse, x(t), v(t). Reprenons alors pour notre particule classique les deux questions liées à la mesure que nous venons de poser. Première question : connaissant l'état du système à un certain instant, peut-on prévoir le résultat des mesures qui vont suivre? La réponse est positive. Si je connais l'état du sytème à l'instant initial, c'est-à -dire la position et la vitesse de la particule à l'instant t i, je suis capable de calculer la trajectoire de la particule et en déduire la position et la vitesse à n'importe quel instant ultérieur. Seconde question : une fois la mesure effectuée, que savons nous de l'état du système à l'issue de cette mesure? Eh bien si je mesure à l'instant t la position et la vitesse de la particule, ce qui est possible en physique classique, je connais parfaitement l'état de cette particule après la mesure, et je suis capable de prévoir par le calcul ce qui va lui arriver ensuite. Notre questionnement initial semble donc presque trivial pour la particule classique. La mesure de la position et de la vitesse à un instant donné nous renseigne sur l'état de la particule à la fois avant et après la mesure. La distinction n'a pas vraiment de raison d'être. Nous allons voir dans ce qui va suivre que cette distinction est au contraire essentielle en physique quantique. Commençons par nous intéresser à la mesure de la position d'une particule quantique. Nous sommes là en terrain désormais familier. À un instant donné, l'état de la particule est décrit par une fonction d'onde psi(x). Nous savons que cette fonction d'onde, ou plus précisément son module carré, nous donne la densité de probabilité pour trouver la particule en un point donné. Plus précisément, la probabilité dP pour qu'une mesure de position de la particule donne un résultat compris entre x et x plus dx est donnée par le module de psi(x) au carré fois l'intervalle d'espace dx. Par exemple, dans une expérience d'interférence d'électrons, la densité de probabilité est modulée dans l'espace. La probabilité de trouver l'électron au voisinage d'une frange sombre est très faible, alors que la probabilité de le trouver au voisinage d'une frange brillante est beaucoup plus grande. Rappelons par ailleurs que dans tout ce cours, la fonction d'onde est choisie normalisée, c'est-à -dire que l'intégrale de son module carré sur tout l'espace est égale à un. Ceci garantit qu'il y ait une probabilité 1 pour trouver la particule quelque part dans l'espace. Après ce rappel, revenons à notre question initiale : quelle est l'information acquise dans la mesure de la position d'une particule quantique? Pour répondre à cette question, il importe de séparer deux types de procédures expérimentales. Si on effectue une seule mesure sur une seule particule préparée dans l'état psi(x), alors on trouve par définition une seule valeur de x. Notons cette valeur petit a. Ceci nous donne une information faible sur l'état avant mesure psi(x). On peut simplement dire que la probabilité que ce résultat x apparaisse n'était pas nulle, donc que la densité de probabilité psi(a) en module au carré n'était elle-même pas nulle, rien de plus. Une autre procédure consiste à préparer un grand nombre de particules, toutes dans le même état, et à faire sur chacune une mesure de la position. Dans ce cas, si la statistique est assez bonne, nous pouvons reconstruire fidèlement le module carré de psi(x), ce qui est une information importante sur cet état initial psi(x). Restons avec cette deuxième procédure et considérons la série de mesures effectuées sur des particules toutes préparées dans l'état psi(x). Pour exploiter l'information acquise, une quantité très utile est la moyenne des résultats. Cette moyenne se définit de manière standard en théorie des probabilités. On prend tous les résultats de mesures possibles, c'est-à -dire toutes les valeurs de x, et on pondère chaque résultat de mesure par sa probabilité, c'est-à -dire le module de psi(x) au carré. On obtient donc le résultat suivant pour la moyenne, notée par un x entre deux crochets : valeur moyenne de x égale l'intégrale de x fois le module carré de psi(x). En écrivant le module carré comme le produit de psi par son complexe conjugué, cette valeur moyenne peut se réécrire : valeur moyenne de x égale l'intégrale de psi étoile de x fois la fonction x psi(x). Cette expression, en apparence anodine, va nous servir de point de départ pour approfondir la notion de mesure en mécanique quantique, mesure non seulement de la position comme nous venons de le voir, mais également de l'impulsion, de l'énergie, ou de toute autre quantité physique pertinente. [MUSIQUE]