[MUSIQUE] Les opérateurs associés aux quantités physiques, que nous avons appelés observables, sont des opérateurs linéaires hermitiens. Cette structure mathématique bien particulière va jouer un rôle central dans toute la suite de ce cours. Il existe en effet des théorèmes puissants portant sur cette classe d'opérateurs. Ces théorèmes vont nous faciliter considérablement l'étude des quantités physiques qui nous intéressent. Ils sont centrés sur la notion de valeur propre et de fonction propre, notion que nous allons aborder dans ce paragraphe. Commençons par définir cette notion. On dit qu'une fonction psi alpha de x est fonction propre de l'opérateur linéaire A chapeau associé à une quantité physique grand A si cette fonction n'est pas nulle, et si l'action de A chapeau sur psi alpha redonne la fonction psi alpha à une constante multiplicative a indice alpha près. On a donc l'équation aux valeurs propres A chapeau psi alpha de x égal alpha fois psi alpha de x. La quantité alpha est un nombre qui a la même dimension que la quantité physique grand A. Elle est appelée valeur propre de l'opérateur A chapeau associée à la fonction propre psi alpha de x. Le fait que l'opérateur A chapeau soit hermitien entraîne que les valeurs propres a alpha sont toujours des nombres réels. Nous utiliserons très fréquemment un théorème d'analyse linéaire portant sur les opérateurs hermitiens et leurs fonctions propres. Ce théorème porte le nom de théorème spectral, et il s'énonce simplement dans les espaces vectoriels de dimension finie. Un opérateur hermitien est toujours diagonalisable, ce qui signifie que l'on peut former une base de l'espace vectoriel de travail avec ses fonctions propres. Il s'agit, comme nous l'avons dit, d'un théorème très puissant auquel nous nous référerons souvent. Notons toutefois qu'il ne s'applique pas strictement parler à l'espace des fonctions d'onde, car celui-ci est de dimension infinie. Pour certains opérateur de cet espace des fonctions d'onde, des singularités apparaissent qui empêchent d'utiliser le théorème spectral. Heureusement, nous ne rencontrerons pas ce type de cas singuliers dans ce cours. Nous pourrons donc utiliser le théorème spectral pour notre espace de fonctions d'onde, comme si cet espace était de dimension finie. Le prix à payer sera la nécessité de recourir, dans certains cas, à ce qu'on appelle des bases continues. Nous signalerons en temps utile les subtilités liées à ces bases. Donnons tout de suite un exemple de fonction propre pour un opérateur que nous connaissons bien, l'opérateur impulsion. Notons, q, une valeur propre à déterminer de l'opérateur impulsion, et psi indice q, de x, la fonction propre associée à q. En utilisant l'expression de l'opérateur impulsion p chapeau égal h barre sur i fois la dérivée par rapport à x, l'équation aux valeurs propres p chapeau psi indice q égal q fois psi indice q se transforme en une équation différentielle du premier ordre à coefficient constant, d psi q sur dx égal iq sur h barre psi q(x). La solution de cette équation différentielle est simplement, exponentielle de i q x sur h barre, à une constante multiplicative sans importance ici, et que nous noterons grand C. Les fonctions propres de l'opérateur impulsion sont donc les ondes planes, un résultat important et remarquablement simple. Remarquons en passant que ces ondes planes, qui ne sont pas des fonctions de carré sommable, fournissent un exemple du concept de base continue que nous mentionnions il y a quelques minutes. La valeur propre q peut prendre ici n'importe quelle valeur entre moins l'infini et plus l'infini. Le spectre de l'opérateur impulsion, c'est-à -dire l'ensemble de ses valeurs propres, est donc égal à l'ensemble des nombres réels. Un autre opérateur au moins aussi important que l'impulsion est l'hamiltonien, c'est-à -dire l'opérateur associé à l'énergie totale de la particule. La recherche des fonctions propres de l'hamiltonien est une étape presque incontournable quand on souhaite étudier le mouvement d'une particule quantique dans un potentiel V(x). Nous verrons en particulier que la connaissance de ces fonctions propres permet de déterminer simplement l'évolution dans le temps de la fonction d'onde de la particule. Par définition, une fonction psi indice E(x) est une fonction propre de l'hamiltonien associé à l'énergie grand E si elle satisfait l'équation aux valeurs propres H chapeau agissant sur psi indice E(x) égal grand E fois, psi E(x). En utilisant l'expression explicite de l'hamiltonien vue plus haut, cette équation aux valeurs propres s'écrit à une dimension comme une équation différentielle du deuxième ordre : moins H barre carré sur 2m dérivée seconde de psi par rapport à x, qui vient du terme d'énergie cinétique, plus V(x) psi E(x) qui vient du terme d'énergie potentielle, doit être égal à grand E, la valeur propre, fois psi indice E(x). Pour un potentiel V(x) quelconque comme celui représenté sur cette figure, la résolution de l'équation aux valeurs propres, c'est-à -dire la recherche des couples énergie E fonction propre associée psi E(x) passe par un traitement numérique. Il existe néanmoins un certain nombre de potentiels V(x) pour lesquels on peut déterminer de manière analytique les fonctions propres de l'hamiltonien et de leur énergie associée. Ces potentiels sont d'une grande importance pratique, et nous aurons l'occasion d'en examiner certains dans cette série de cours. Mentionnons ici trois de ces potentiels modèles pour lesquels l'équation aux valeurs propres de l'hamiltonien est soluble analytiquement. Le premier d'entre eux est le potentiel harmonique V(x) égal un demi de m oméga carré x2. Il correspond classiquement à l'oscillation de la position de la particule avec une pulsation oméga. Nous étudierons un peu plus tard la version quantique de ce problème qui a des répercussions, bien au-delà de la mécanique d'une particule ponctuelle. Ce problème est en effet à la base de la théorie quantique des champs, en particulier de la version quantique de l'électromagnétisme. Le deuxième est le potentiel coulombien, V(r) égal moins q carré sur 4 pi epsilon 0r, qui décrit l'attraction entre deux particules de charges opposées, plus q et moins q. Ce potentiel assure la cohésion des atomes, avec l'attraction entre les électrons de charges négatives et le noyau de charge positive. Nous aurons également l'occasion de l'aborder plus tard lors de notre étude de l'atome d'hydrogène. Le troisième cas exactement soluble que nous allons rencontrer est celui d'un potentiel constant par morceaux. Ce potentiel en forme de boîte ou de barrière de potentiels carrés, peut sembler quelque peu académique et éloigné de la réalité. Il n'en est rien comme nous le verrons dans la dernière partie de ce chapitre. Nous avons mentionné que la connaissance des états propres de l'hamiltonien permet de déterminer l'évolution dans le temps de la fonction d'onde d'une particule. Pour terminer ce paragraphe, je vous propose de démontrer ce point important. Supposons que l'on a su déterminer toutes les valeurs propres grand E et les fonctions propres psi indice E de x de l'hamiltonien, en résolvant l'équation aux valeurs propres, H chapeau agissant sur psi indice E égal grand E psi indice E. Nous ne précisons pas ici la nature des fonctions psi E ni le nombre de valeurs propres grand E trouvées. Cela dépend de la nature du potentiel, V(x) entrant en hamiltonien, et nous verrons dans la suite différents types de situations. Pour l'instant, nous pouvons garder une formulation très générale. Grâce au théorème spectral, on sait que l'ensemble des fonctions propres psi indice E(x) forme une base de l'espace des fonctions d'onde. Etant donné une fonction d'onde quelconque psi(x, 0) à l'instant initial t égal zéro, on peut donc toujours écrire cette fonction comme une combinaison linéaire des fonctions propres psi indice E(x), avec des amplitudes, C indice E. Psi(x, 0) égal somme sur toutes les valeurs propres grand E de C E fois psi E(x). Il est alors possible de montrer que la fonction de x et de t psi(x,t) égal somme sur toutes les valeurs propres grand E, des C E fois psi E(x) fois le facteur complexe exponentielle moins i E t sur h barre, est solution de l'équation de Schrödinger i h barre d psi sur dt égal H psi. La vérification est simple. Un calcul explicite montre en effet que les deux membres de cette équation sont égaux à : la somme sur E de grand E fois C E fois psi E(x) fois exponentielle de -i E t sur h barre. Comme nous l'avons dit, ce résultat est extrêmement utile en pratique. Une fois déterminé les valeurs propres et les fonctions propres de l'hamiltonien, on peut considérer que le problème de l'évolution dans le temps de l'état de la particule est résolu, quelle que soit la fonction d'onde initiale psi(x, 0) dans laquelle cette particule a été préparée. Les fonctions propres de l'hamiltonien psi E(x) sont souvent appelées, états stationnaires. Cette terminologie s'explique simplement. Considérons une particule préparée à l'instant initial t égal zéro dans une fonction propre donnée ; c'est-à -dire, psi(x,0) égal psi E(x). Le résultat que nous venons de montrer nous donne la fonction d'onde de la particule à un instant t ultérieur, psi de(x,t) égal psi E(x) exponentielle -i E t sur h barre. On en déduit que pour cet état initial, la densité de probabilité pour la position n'évolue pas. En effet, on voit immédiatement sur cette expression de psi(x,t) que la densité de probabilité à l'instant t, c'est-à -dire le module carré de psi(x, t) est égal à la densité de probabilité à l'instant initial, c'est-à -dire le module carré de psi(x,0). En fait, il en va de même pour la moyenne de toute quantité physique grand A. En effet, cette valeur moyenne à l'instant t est égale à l'intégrale sur x de psi étoile(x, t) multiplié par la fonction A chapeau psi(x,t). Dans cette intégrale, le terme d'évolution temporelle, exponentielle moins i E t sur h barre, qui apparaît dans psi(x, t) se compense avec son complexe conjugué qui apparaît dans psi étoile(x, t). On trouve alors le même résultat pour la valeur moyenne de grand A à l'instant t qu'à l'instant 0, à savoir l'intégrale sur x de psi indice E étoile de x fois la fonction A chapeau psi E(x). On déduit de cette analyse que toutes les valeurs moyennes des quantités physiques sont indépendantes du temps, quand la particule est préparée dans un état propre de l'hamiltonien. C'est pourquoi ces états sont appelés états stationnaires. [MUSIQUE]