[MUSIQUE] Dans le reste de ce chapitre, nous allons étudier des potentiels constants par morceaux pour lesquels la recherches des états propres de l'hamiltonien est simple. Ces potentiels carrés constituent d'excellentes approximations de nombreuses situations physiques concrètes d'un grand intérêt pratique. Mentionnons deux d'entre elles. Le premier exemple porte sur la physique nucléaire. Les forces qui lient les neutrons et les protons dans les noyaux atomiques sont des forces très intenses, mais qui ne se font sentir qu'à très courtes distances. Ce sont des forces à courte portée. Les potentiels correspondants ont donc une forme très différente du potentiel coulombien qui régit le mouvement des électrons par rapport au noyau par exemple. Une bonne approximation consiste à modéliser le potentiel nucléaire par une boîte carrée de la taille typique d'un noyau, c'est-à -dire quelques 10 moins 15 mètres. Le deuxième exemple nous vient des technologies modernes de microélectronique. Quand un électron de conduction bouge dans un semi-conducteur comme l'arséniure de gallium, GaAs, il ressent un potentiel uniforme à l'échelle du pas du réseau cristallin. La valeur de ce potentiel dépend de la composition précise du semi-conducteur, par exemple de sa concentration en aluminium. En voici un exemple. Vous pouvez voir sur cette image le potentiel ressenti par un électron de conduction dans un puits quantique. Ce puits a été fabriqué en évaporant de manière très contrôlée, à l'angström près, des couches de semi-conducteurs. On a réalisé un sandwich en mélangeant de l'aluminium à l'arséniure de gallium aux deux extrémités, mais pas au centre. On réalise ainsi une vallée de potentiel pour les électrons de conduction vallée dont la largeur est d'une soixantaine d'angströms. Pour faciliter notre recherche des états propres de l'hamiltonien d'une particule confinée dans une boîte carrée, nous allons modéliser cette boîte de la manière la plus simple possible, en prenant la limite du puits carré infini. Nous allons supposer que le potentiel est nul dans un segment de longueur L qui représente la taille de la boîte. En dehors de ce segment, nous allons poser que ce potentiel est infini, ce qui veut dire en pratique que la particule a une probabilité nulle de s'y trouver. Avec cette modélisation en puits carré infini, il est très simple de déterminer les états propres de l'hamiltonien de la particule. Nous cherchons à trouver une fonction psi de x et l'énergie grand E telles que l'équation aux valeurs propres H chapeau agissant sur psi de x égal grand E psi de x. Écrivons explicitement cette équation dans les deux régions intéressantes de l'espace. Dans la région centrale, à l'intérieur du puits, là où le potentiel est nul, et dans les régions latérales, à l'extérieur du puits, là où le potentiel est infini. À l'intérieur du puits, le seul terme de l'hamiltonien est l'énergie cinétique, dont nous avons vu qu'elle faisait intervenir la dérivée seconde par rapport à la position. Plus précisément, on a moins h barre carré sur 2m, d2 psi sur dx2 égal grand E psi de x. Cette équation différentielle peut s'écrire sous la forme compacte dérivée seconde de psi par rapport à x plus k carré psi de x égal 0, où on a posé k carré égal 2mE sur h barre 2, cette quantité k ayant la dimension d'un nombre d'onde. À l'extérieur du puits, là où le potentiel est infini, la probabilité de présence de la particule est nulle, ce qui impose psi de x égal 0 dans toute cette région. La fonction d'onde psi de x étant une variable continue de la variable x, c'est une de nos hypothèses de départ, ceci impose que la fonction d'onde s'annule aux deux bords du puits psi de 0 égal psi de L égal 0. Nous souhaitons donc résoudre l'équation aux valeurs propres que nous venons d'établir, dérivée seconde de psi par rapport à x plus k carré psi de x égal 0. Nous avons posé k carré égal 2m E sur h barre 2 où la condition de continuité de la fonction d'onde impose de se limiter à des fonctions qui sont nulles aux deux bords du puits carré en x égal 0 et en x égal L. Dans la recherche de cette solution, on sait que l'énergie grand E est un nombre réel, puisque c'est la valeur propre d'un opérateur hermitien. Ce nombre réel peut être a priori négatif ou positif. Toutefois, on peut montrer relativement facilement qu'il n'y a pas de solution pour les valeurs négatives de l'énergie. Je ne vais pas faire la démonstration ici, et je vous laisse donc prouver ce point en exercice. Passons donc à la deuxième possibilité, correspondant à une valeur positive de l'énergie, donc une valeur positive du nombre d'onde k égal racine de 2m E divisé par h barre. Pour une valeur de k donnée, la forme générale des solutions de cette équation différentielle est une combinaison linéaire de sinus kx et de cosinus kx avec des amplitudes arbitraires alpha et bêta. Prenons maintenant en compte les conditions aux limites, en commençant par le bord gauche du puits en x égal 0. La contrainte psi de 0 égal 0 impose immédiatement que le quotient bêta soit nul. Passons au bord droit en x égal L. La contrainte psi de L égal 0 vient imposer alpha fois sinus kL égal 0. Or on ne peut pas prendre alpha égal 0, car psi de x serait alors uniformément nul. Par conséquent, on ne peut trouver une solution à l'équation aux valeurs propres que pour des valeurs bien particulières du nombre d'onde k telles que sinus de kL égal 0. Cette condition sur le nombre d'onde k se transpose en une condition sur l'énergie grand E. C'est un exemple de condition de quantification. Écrivons de manière explicite cette quantification de l'énergie dans le puits. Nous venons de montrer que l'équation aux valeurs propres pour l'hamiltonien n'admet de solution que si l'énergie grand E est positive et si sinus de kL égal 0. La quantité k ne peut donc prendre que des valeurs discrètes multiples de pi sur L, kn égal n fois pi sur L. Comme l'énergie se déduit de k par la relation E égal h barre carré k carré sur 2m, les valeurs possibles pour grand E sont également quantifiées. Elles s'écrivent grand E égal le carré du nombre entier petit n fois h barre 2 pi carré sur 2mL2. Récapitulons ces résultats sur un diagramme. La condition de quantification de l'énergie est écrite ici sous la forme En égal n carré fois E1, avec E1 égal h barre 2 pi 2 sur 2mL2. On a représenté sur ce diagramme des traits horizontaux à l'intérieur du puits carré. Les ordonnées de ces traits correspondent aux énergies pour les premières valeurs de n, d'abord E1 ; puis E2 qui est quatre fois plus haut ; puis E3 qui est neuf sois plus haut. On peut également représenter les fonctions propres de l'énergie. Ces fonctions ont pour expression sinus de n pi x sur L. On trace traditionnellement chaque fonction en prenant son énergie pour origine des coordonnées. On obtient ainsi les représentations indiquées en traits rouges sur le diagramme. Une arche de sinusoïde pour la fonction psi 1 de plus basse énergie qu'on appelle état fondamental. Deux arches pour la fonction psi 2 d'énergie E2, et ainsi de suite. Lorsque nous avons énoncé le théorème spectral, nous avons indiqué que les fonctions propres d'un opérateur hermitien comme l'hamiltonien pouvaient constituer une base orthonormée de l'espace des fonctions. Nous pouvons vérifier cette propriété sur notre exemple du puits carré. Nous venons de déterminer ces fonctions comme étant égales à sinus de n pi x sur L à une constante multiplicative alpha près. Choisissons alpha pour que la fonction soit normée, c'est-à -dire que l'intégrale de son module carré sur la zone accessible soit égale à 1. Ceci conduit à poser alpha égal racine de 2 sur L. Nous pouvons vérifier ensuite que l'ensemble des psi n est bien orthogonal en calculant le produit scalaire entre deux fonctions propres : psi n et psi l. On vérifiera, en calculant explicitement l'intégrale, que ce produit scalaire vaut 0 si n est différent de l. Vérifions enfin que l'on a bien affaire à une base de l'espace des fonctions. On peut en effet montrer que toute fonction d'onde psi de x s'annulant en x égal 0 et en x égal l peut s'écrire comme une somme de fonction psi n, avec des amplitudes Cn faciles à calculer puisque ce sont simplement des produits scalaires entre la fonction à développer psi de x et les fonctions psi n de x. La preuve mathématique de ce résultat est très voisine de celle qui établit le principe du développement d'une fonction périodique en série de Fourier. Pour terminer, revenons sur l'échelle d'énergie naturelle qui apparaît dans le problème quantique d'une particule confinée dans une boîte de taille grand L. Cette échelle d'énergie est fournie par l'énergie E1 de l'état fondamental. Elle varie comme 1 sur L carré, et elle est donc d'autant plus grande que la taille de la boîte est petite. On peut comprendre cette variation comme une conséquence de l'inégalité de Heisenberg. Confiner la particule dans une boîte de taille grand L entraîne que le carré de son impulsion est d'ordre h barre carré sur L carré. Son énergie cinétique est donc d'ordre h barre carré sur 2 m fois L carré, ce qui redonne bien l'ordre de grandeur de l'énergie E. Concluons en revenant un instant sur les deux exemples concrets de puits carrés que nous proposions au début de notre analyse : le cas de la microélectonique d'une part et le cas de la physique nucléaire d'autre part. Pour un électron dans un puits quantique de largeur de 6 nanomètres, on trouve une énergie E1 de l'ordre de la dizaine de milli-électron-volt. Pour un nucléon à l'intérieur d'un noyau, l'échelle de longueur est 1 million de fois plus petite. Une fois pris en compte le rapport des masses entre l'électron du semi-conducteur et le nucléon, on trouve que l'énergie caractéristique de ce nucléon est 1 milliard de fois plus élevée que celle des processus de microélectronique de l'ordre de la dizaine de Méga-électron-volt. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]