[MUSIQUE] Après les états de diffusion étudiés dans la leçon précédente, intéressons-nous maintenant au cas des états liés. Considérons donc un potentiel V(x) tendant vers zéro lorsque x tend vers l'infini, et cherchons une fonction Psi de x, solution de l'équation de Schrödinger indépendante du temps, pour une valeur donnée E de l'énergie que l'on supposera évidemment négative, puisqu'on s'intéresse ici à un état lié. Procédons comme pour les états de diffusion, et considérons une région de l'espace représentée ici en gris, telle que le potentiel y soit arbitrairement proche de zéro. Nous retrouvons alors le cas d'un potentiel constant que nous avons déjà traité dans un chapitre précédent. Posons donc E =- ħ² κ² / 2m. De manière générale, nous savons que dans la zone grisée, la solution recherchée Psi de x s'écrit alors A e κx plus B e -κx. Nous avons donc la superposition d'une exponentielle croissante, le terme A e κx, et d'une exponentielle décroissante, le terme en B e -κx. Si on fait varier la valeur de l'énergie, on observe naturellement que le taux de variation de ces exponentielles diminue lorsque la valeur absolue de l'énergie, et donc Kappa diminue. Intéressons-nous maintenant au terme en e -κx, représenté ici en rouge. Ce terme décroissant en fonction de x va diverger exponentiellement lorsque x tend vers moins l'infini. Ceci n'est pas physiquement acceptable, car la fonction d'onde Psi de x ne sera évidemment pas de carré sommable dans ce cas. De plus, contrairement au cas des ondes de De Broglie, il ne sera jamais possible de construire un paquet d'ondes de carré sommable en combinant des fonctions divergentes. Nous allons donc écarter ce cas dans la suite, et supposer que B est toujours égal à 0, ce qui signifie que la fonction Psi de x tendra exponentiellement vers 0 lorsque x tend vers moins l'infini. Remarquons au passage que cela signifie que notre espace propre qui était initialement de dimension 2 est dorénavant de dimension 1, puisqu'il n'y a plus qu'un seul paramètre libre, le coefficient A. La valeur propre, si elle existe, sera donc non dégénérée. L'équation qui nous intéresse est une équation différentielle linéaire du second ordre. Connaissant la valeur de la fonction d'onde et de sa dérivée à la limite de la zone grisée, nous savons donc qu'il existe une solution unique Psi de x, que nous pouvons calculer ici numériquement. Commençons par appliquer un facteur multiplicatif, pour que la fonction obtenue prenne des valeurs raisonnables au centre du puits. On observe, comme on pouvait s'y attendre, que notre fonction se met à osciller dans la région de l'espace où l'énergie est supérieure à l'énergie potentielle. De plus, la fonction diverge exponentiellement lorsque x tend vers plus l'infini, ce qui n'est pas pour nous surprendre. En effet, de manière analogue à ce que nous avons vu dans la partie gauche du puits, nous savons que pour des valeurs suffisamment grandes de x, le potentiel peut être considéré comme quasiment nul, ce qui signifie que dans la partie grisée à droite du puits, la fonction propre peut s'écrire A' e κx + B' e -κx. Il n'y a a priori aucune raison pour que le coefficient A' soit non nul, ce qui explique la divergence exponentielle observée lorsque x tend vers plus l'infini. Avant de poursuivre, nous devons nous demander si une telle fonction est acceptable physiquement. En effet, une divergence exponentielle n'est pas plus acceptable dans la partie droite du potentiel qu'elle ne l'était dans la partie gauche. Nous devons donc écarter la solution obtenue ici, qui était pourtant la seule possible. Cela signifie que la valeur que nous avions choisie pour l'énergie ne convient pas, et qu'il nous faut dont essayer d'autres valeurs de E. Lorsque nous diminuons la valeur de l'énergie, nous observons que A' prend alternativement des valeurs positives et négatives, ce qui signifie qu'il va s'annuler régulièrement. Ce sont ces valeurs particulières de l'énergie qui nous intéressent, celles pour lesquelles la divergence exponentielle disparaît. Considérons dans un premier temps le cas où l'énergie est à peine supérieure au minimum du potentiel. La valeur locale du vecteur d'onde est alors très petite, et la longueur d'onde de De Broglie correspondante est très grande. La courbure de la fonction d'onde est donc très faible, et n'est pas suffisante pour changer le signe de la dérivée de notre fonction. Psi de x reste donc une fonction croissante, et le nombre A' est positif. En augmentant l'énergie, la courbure devient progressivement plus importante, ce qui permet de changer le signe de la dérivée, et même de changer le signe de A'. Nous avons toujours une divergence exponentielle, mais maintenant avec une fonction négative. Revenons alors en arrière en diminuant tout doucement la valeur de l'énergie. Nous observons que le nombre A' diminue pour finalement s'annuler pour une valeur très précise de l'énergie. C'est l'énergie de l'état fondamental, avec maintenant une fonction d'onde physiquement acceptable, tendant exponentiellement vers 0 des deux côtés du puits. Remarquons que cette fonction ne change pas de signe, et ce quelle que soit la forme du potentiel, à condition bien entendu qu'il tende vers 0 lorsque x tend vers l'infini. Pour trouver le niveau suivant, augmentons à nouveau la valeur de l'énergie. On constate que la fonction propre s'annule une seule fois, avec un coefficient A' négatif, dont la valeur absolue commence par augmenter avant de diminuer pour finalement s'annuler. Nous avons trouvé le deuxième niveau du puits, dont la fonction d'onde s'annule une fois. Augmentons à nouveau l'énergie, ce qui nous permet de trouver le troisième état lié, qui s'annule deux fois. De même, le quatrième état va s'annuler trois fois, et ainsi de suite. En résumé, à l'inverse des états de diffusion qui forment un continuum, les états liés de notre puits de potentiel sont quantifiés, ce qui signifie que seules certaines valeurs de l'énergie en nombre discret sont autorisées. De plus, nous avons pu observer que ces niveaux d'énergie étaient non dégénérés, propriété qui n'est valable que pour les états liés dans un potentiel à une dimension. Enfin, si on numérote les niveaux d'énergie en commençant par n égal à 0 pour l'état fondamental, on observe que chaque fonction propre ψn(x) s'annule exactement n fois. Ce résultat que les mathématiciens appellent théorème de Sturm-Liouville nous permettra de reconnaître immédiatement un état propre donné à partir de la forme de la fonction d'onde associée.