[MUSIQUE] [MUSIQUE] À l'occasion de ce deuxième module sur l'attachement et la mentalisation, et en particulier le développement de la mentalisation chez l'enfant et au cours de la vie, je vais avoir le plaisir de m'entretenir avec la professeure Karine Ensink. Karine est professeure de psychologie à l'université Laval de la ville de Québec au Canada, et c'est une spécialiste du développement de la mentalisation dans le contexte de l'attachement chez l'enfant en particulier. Ses travaux s'intéressent spécifiquement à comment certaines conditions développementales de type traumatiques vont influencer le développement de la mentalisation chez l'enfant. Elle est aussi une des créatrices de l'approche basée sur la mentalisation pour enfants, donc l'approche thérapeutique. Et donc, c'est un vrai plaisir, un vrai privilège de pouvoir nous entretenir avec elle dans le cadre de ce module du développement de la mentalisation. >> Bonjour Martin C’est un plaisir de t’avoir ici pour parler d’attachement. Tu es vraiment une spécialiste mondiale de l’attachement, notamment sur la capacité de l’enfant à apprendre à mentaliser dans la relation d'attachement. Alors Karin, je vais commencer avec une question très simple. A ton avis, quelle est l'importance de la relation d'attachement dans la capacité de l'enfant à apprendre sur les états mentaux et à la mentalisation ? >> Nous considérons l'attachement comme central, comme la fondation du développement de la mentalisation, pour un développement optimal de la mentalisation. Idéalement, cela se produit dans contexte d'un attachement sécure où le parent traite l'enfant, même le très jeune enfant, le bébé, tu as dit que son comportement était motivé par des états mentaux internes, et bien par le fait d'être traité comme ça, l'enfant apprend à penser à lui-même comme à un petit être qui est motivé intérieurement. Il découvre que ce n'est pas seulement son comportement qui est important, mais que son comportement communique quelque chose sur quelque chose de beaucoup plus important. >> C’est très intéressant. Karin, on dirait que ce premier environnement, un environnement où il y a un langage mentalisant, est important pour que l'enfant apprenne à mentaliser. Mais il n'y a pas que les mots que nous utilisons, n'est-ce pas ? C'est aussi une question de confiance, et d'autres choses. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet ? >> En effet, tu as raison, il ne s'agit pas seulement des mots que nous utilisons. Lorsque le parent miroite et reflète les états mentaux et les émotions de l'enfant à l'enfant, nous pensons que c’est au travers de cette représentation du parent au sujet de l’émotion de l'enfant, que l'enfant apprend à saisir une représentation précoce de ses propres états internes. Le “soi” précoce se constitue autour de cela. Donc c'est un élément très important aussi pour la compréhension, pour avoir un sens du soi. Ensuite, pour en venir à votre deuxième question sur la façon dont la confiance est obtenue, établie dans le contexte des relations d’attachement. Nous pensons que les relations d’attachement dans lesquelles l'enfant fait l'expérience d’être régulée par quelqu'un d'autre, d'abord physiquement, lorsque la mère ou père prend le bébé dans ses bras et le régule physiquement, mais plus tard aussi mentalement, il signale à l'enfant que lorsque je suis en détresse, je peux me tourner vers quelqu'un d'autre et ils m'aideront à me réguler, ils m'aideront à résoudre mes problèmes. >> Okay, donc même dans un contact corps à corps, il y a une sorte d'intentionnalité, une sorte de message qui est communiqué par le parent pour aider l'enfant à réguler ses émotions. C'est vraiment intéressant, Je sais que tes travaux portent aussi sur l'autre côté de l'histoire, si on peut parler ainsi, c’est-à-dire de ce qu’il se passe quand tout ceci n'est pas calibré de manière optimale ou même parfois est absent. Peux-tu nous parler un peu de l'autre côté de l'histoire ici, quand le miroitement tourne mal ? >> Quand nous pensons à l'expérience de l'abus et la négligence, qui est l'exemple le plus flagrant de cela, où l'enfant est traité comme un objet, pas comme un être avec un esprit. Parce que si on y réfléchit, être violent envers un enfant est vraiment incompatible avec une mentalisation envers l'enfant. Parce que si nous savions quels dégâts nous faisons, quelle détresse nous causons, cela nous aiderait automatiquement à arrêter ce comportement. Ce que cela a comme impact c'est que l'enfant se ferme, il ne s'intéresse plus à l'esprit des autres. Parce que si quelqu'un peut potentiellement héberger des pensées dangereuses ou des pensées qui nuisent à l'enfant, l'enfant ferme automatiquement son esprit à cette question, cette imagination de l’esprit de l’autre, pour se protéger. Mais en même temps, l'enfant ne se développe pas, n'a pas l'opportunité de se découvrir, de développer sa propre mentalisation, parce qu'il n'est jamais traité comme un petit être humain. Pour développer la capacité de mentaliser, vous devez d'abord être mentalisé par quelqu'un d'autre, pourrait-on dire. >> C'est vraiment clair comment tu expliques comment ça fonctionne en termes de…, eh bien, s'il y a une intention qui, est potentiellement hostile, alors c'est en quelque sorte adaptatif, l'enfant coupe cette voie de communication, de manière à, peut-être, garder une relation avec les parents. Maintenant, je suis sûr que dans ta pratique, dans ta pratique clinique ainsi que dans ton enseignement, il y a beaucoup de parents qui viennent te voir et disent, eh bien, j'aimerais améliorer ma mentalisation. Parfois, j'ai du mal à à garder mon calme ou à maintenir ma propre régulation Et donc, comment aides-tu ces parents qui ont peut-être eux-mêmes vécu des des situations difficiles ? Comment les aides-tu à augmenter leur capacité à mentaliser ? >> Tout d'abord, la bonne nouvelle c’est qu'il n'y a rien d'inévitable. Bien que nous trouvions que si vous avez été maltraité, en general, nous voyons l'impact négatif de cela sur la mentalisation, mais il n'y a rien d'inévitable à ce sujet. Ce sont des compétences, nous pouvons les apprendre et c'est ce qui est beau avec la mentalisation. Parce que c'est beaucoup plus difficile de changer notre propre attachement, mais la mentalisation, on peut l'apprendre, c'est accessible. Donc je pense que tu as dit quelque chose de très important à l'instant. Tu as dit que si le parent trouve qu’il a de la difficulté à réguler émotionnellement, alors il a aussi des difficultés avec la mentalisation. Dans une certaine mesure, juste avoir conscience de l’importance que lorsque je suis émotionnellement activé en tant que parent, ma première responsabilité est de rétablir ma propre régulation avant de pouvoir mentaliser de manière appropriée, parce que sinon, la perception de mon enfant sera déformée par ma propre colère. La deuxième composante est que j'ai besoin, si je suis un parent qui a moi-même fait l'expérience de la maltraitance, j'ai besoin d'avoir une idée de l'impact de cela sur ma personnalité. J'ai besoin de penser en termes de développement. Quel a été l'impact sur moi et également en tant que nouveau parent ? Comment est-ce que je veux que mon style parental soit différent ? Qu'est-ce que j'ai vécu ? Comment je voudrais que ce soit différent ? Et puis la troisième chose est de développer une position, une curiosité sur le monde interne de mon enfant, mais mon enfant en tant qu'être pensant. Maintenant pour résumer cela en termes très simples, cela signifie que je vais arrêter de me soucier principalement du comportement. Je vais déplacer mon attention du comportement au monde interne de l'enfant. Et juste avec ces étapes, j'aurai déjà fait d'énormes progrès pour briser le potentiel cycle intergénérationnel d'abus, De négligence et de faible mentalisation. Je peux briser ce cycle. >> Eh bien, c'est absolument fascinant de voir comment tu es capable d'apporter une perspective à l'émotion du parent, mais aussi, je suppose que cela a suscité une certaine curiosité sur la façon dont on est impacté par l'histoire de sa vie, et quel type d'histoire ils veulent écrire avec leurs propres enfants. Karin, je suis si reconnaissant que que tu aies participé à ce MOOC. Tu incarnes la position de scientifique et clinicien qui est si essentiel pour ce type de travail, et j'ai hâte de suivre ton travail et de continuer à collaborer. Merci encore pour ta participation. >> Merci, Martin. Merci pour ton intérêt et pour cette opportunité. >> A bientôt. [MUSIQUE] Au revoir. [MUSIQUE] >> Au revoir. [MUSIQUE] [MUSIQUE]