[MUSIQUE] [MUSIQUE] Aujourd'hui, on a pris rendez-vous avec le docteur Eia Asen, qui est un psychiatre consultant au Centre Anna Freud, qui est en fait celui qui a développé avec Peter Fornegy l'application de la thérapie basée sur la mentalisation dans le contexte de la thérapie de famille. Eia Asen est un expert clinicien, un enseignant vraiment hors pair, quelqu'un d'extrêmement créatif et qui aujourd'hui, va nous permettre d'essayer de comprendre ensemble comment un focus sur la mentalisation dans le travail de famille peut être utile en particulier pour essayer de résoudre toutes sortes de conflits mais aussi pour avoir peut-être un accès à une compréhension des comportements violents qui peuvent avoir lieu au sein même d'une famille. Bonjour, comment vas-tu ? >> Je suis en pleine forme, merci Martin. >> C'est vraiment sympa de t'avoir sur ce MOOC. Avec Peter tu as développé "Mentaliser avec les familles", et c'est vraiment un privilège de t’avoir. Merci beaucoup de nous consacrer un peu de temps. Ok, je vais commencer par une question. Pour résumer, pourquoi penses-tu que se concentrer sur la mentalisation dans le travail familial est quelque chose d'utile ? >> Ok alors, dans la thérapie familiale systémique traditionnelle, il y a relativement peu d'espace pour se concentrer explicitement sur les états mentaux et en particulier sur les émotions, les besoins des gens et leurs sentiments. Et donc importer des idées et des techniques de mentalisation et à la thérapie familiale traditionnelle, c'est enrichir cette approche, étant donné que la thérapie familiale vise à améliorer les interactions et la communication dans la famille et souvent aussi au sein du réseau plus large que la famille. Donc, la raison pour laquelle les idées et les techniques de la MBT sont importantes dans le travail de thérapie familiale, c’est parce qu'elles encouragent le processus de résolution de problèmes sociaux en faisant appel, au sein de la famille, à la prise en compte véritable des expériences des uns et des autres et de leurs points de vue respectifs dans dans l'ici et maintenant de la session. Et le fait de vivre cette expérience ouvre potentiellement l'esprit de chaque membre de la famille à la possibilité d'apprendre et de découvrir quelque chose de pertinent pour eux. Et cela améliore la confiance dans l'apprentissage social dans son ensemble, cela génère une confiance épistémique, et c'est en quelque sorte évident pourquoi la mentalisation devrait être une priorité pour la famille thérapie, parce que nos capacités de mentalisation sont façonnées par notre environnement social. Et cela tend à être pour la plupart des gens, la famille, la famille dans laquelle ils sont nés, ou la famille qu'ils se font eux-mêmes. La mentalisation que nous connaissons se développe dans le contexte des relations d'attachement précoces, et aussi à travers les interactions avec les autres et l'expérience d'être mentalisé par ses parents, ses frères et soeurs, ses grands-parents, d'autres personnes significatives dans le système familial élargi, ou même le réseau d'amis. Cette expérience d'être mentalisé est intériorisée et nous permet d'améliorer notre propre capacité d'empathie et à mieux s'engager dans des processus sociaux interactifs. Donc la thérapie familiale avec la mentalisation, que nous l'appelons MBT-F ou MIST pour Mentalization Inform pour Systeéic Therapy est une approche de développemental et social avec le système familial en son centre. Donc, en bref, la famille est le contexte dans lequel la plupart des gens apprennent à mentaliser et c'est aussi le cadre dans lequel la mentalisation peut mal tourner et déclencher ou contribuer à des difficultés de communication et d'interaction. Ainsi, en abordant de front les difficultés de mentalisation dans le contexte de la vie naturelle, la famille peut améliorer la vie familiale et ses mouvements. Ce traitement combine des pratiques systémiques avec un accent sur la mentalisation. >> Excellent, c'est vraiment intéressant, je vais reprendre une des choses que tu as dites qui est de favoriser l'expérience d'être mentalisé par un membre de la famille dans la salle de thérapie. Et comment cela favorise la mentalisation non seulement chez les enfants et mais aussi chez les parents. Comment cela fonctionne-t-il concrètement d’après ton expérience ? >> Eh bien, dans l’ici et le maintenant d’une session familiale, nous encourageons explicitement non seulement les enfants à mentaliser leurs parents ou eux-mêmes, mais aussi les parents, dans dans le contexte de l'ici et maintenant, à mentaliser leurs enfants et eux-mêmes dans une sorte de processus récursif. Et cela fonctionne généralement bien si le cadre est bon et si les gens sont disposés et préparés à s'engager dans ce genre d'exercices de mentalisation, de jeux que nous jouons souvent dans sessions de thérapie familiale. >> Oui, j'ai suivi certaines de tes formations. Elles étaient absolument incroyables. Et en effet, tu utilises beaucoup de jeux, d'outils de mise en situation que tu as développés au fil de ton expérience, et je me demande si cela répond à certains des défis à relever pour que les parents et enfants s’engagent dans une sorte de mentalisation les uns avec les autres. >> Je pense qu'il y a cette idée ludique qui, je pense, est si importante dans la mentalisation en thérapie familiale. Et l'esprit ludique est bien sûr un ingrédient efficace en mentalisation, en tout cas, c’est aspect très important d'une mentalisation efficace parce que ce qu'il fait, ce qu’il nous permet, au moins plus ou moins temporairement ou momentanément, c’est de sortir d'un retranchement, d’une position rigide, une position fixe. Si nous sommes dans le jeu, nous pouvons expérimenter en agissant différemment. Si l'on fait des jeux de rôles pendant un certain temps, on peut être une personne différente. Et ce genre de jeu libère la personne et pas seulement les membres de la famille, mais aussi le thérapeute, de de manières de penser très coincées et il génère peut-être parfois la légèreté qui vient avec le jeu avec n'importe quel type de jeu par définition, ce qui réduit l'anxiété. Donc, à travers cet aspect ludique à travers ces jeux et ces exercices, nous pouvons supprimer les inhibitions en en invitant la famille à ne pas être sérieuse, ou ludique par rapport aux pensées et sentiments de chacun dans le système familial ce qui génère ensuite la confiance grâce à une compréhension améliorée. Donc, dans notre travail, le but de créer des activités ludiques est de stimuler la curiosité sur ce que les autres personnes pensent sur ce qui se passe dans la tête d'une personne. Et cela permet de corriger peut-être des perceptions erronées et peut conduire à une discussion des malentendus. >> Cela nous aide vraiment à avoir une idée de la façon dont tu arrives à engager les gens pour commencer à mentaliser, avec l'aspect ludique notamment. Puis-je te poser une question un peu plus difficile, qui a à voir avec la violence, surtout avec le genre de violence qui peut se produire dans les familles. Je sais que tu as travaillé un peu sur ce sujet avec Peter. Peux-tu nous en dire un peu plus sur la façon dont ton travail sur la mentalisation en thérapie familiale vous a amené à proposer certaines façons d’envisager, à la fois comment la violence est générée dans la famille, et comment nous pouvons essayer d'aider les familles à y faire face. >> Alors laisse-moi me concentrer sur deux aspects de la violence intrafamiliale et interpersonnelle : la violence domestique également ,connue comme la violence entre partenaires intimes, et la violence émotionnelle ou physique contre les enfants, ce qui est de l'abus d'enfant. Et ce sont les deux domaines dans lesquels Peter et moi avons essayé de développer quelques idées. Donc d’une manière générale on peut dire que, la violence intra-familiale entre personnes, entre membres de la famille, est plus probable d'avoir lieu lorsque la mentalisation est absente au moins temporairement des interactions familiales. Et Peter et moi, nous avons inventé le terme "l’insouciance de la violence" pour décrire cette dynamique. Donc c'est basé sur la croyance que c'est l'absence de réflexivité, qui peut être mesurée par le biais du questionnaire sur le fonctionnement réflexif parental, donc c'est l'absence de cela qui expose la famille et ses membres à un plus grand risque de violence familiale, et il y a des preuves de la répétition transgénérationnelle de scripts familiaux. Mais ce qui est le plus susceptible de se produire lorsque les familles où l'on ne réfléchit pas aux croyances et les expériences subjectives associées sont absentes, quand il y a cette absence de réflexivité, tous les membres de la famille courent le risque d'agir et de réagir violemment. Donc, par scripts familiaux, je veux dire que la plupart des familles ont intégré des histoires qui sont transmises d'une d'une génération à l'autre et ces histoires ou récits affectent les croyances des familles et leurs actions. Par exemple, certaines familles croient qu'être discipliné physiquement est un signe d'amour, d’un amour dur plutôt, plutôt que l'expression d'un abus sur l'éducation des enfants. Ou un autre exemple est la croyance ferme que « les frères se battent, ils doivent se battre parce que ça les endurcit pour la vie pour tous les défis qu'ils auront à relever ». Et ces croyances peuvent également refléter les valeurs d'une culture spécifique ou d'une société, mais ils ont néanmoins des expressions très différentes dans chaque famille. Et cela peut avoir un rapport avec les relations d'attachement au sein de la famille, à la fois dans le passé et dans présent, et à quel point elles sont volatiles. Quand, par exemple, les gens ont été exposés à l'hostilité entre les parents, l'indépendance, la dispute, l'acrimonie quand les gens ont ça vécu dans leur enfance, ils peuvent, quand ils sont adultes, éviter consciemment de s'impliquer dans des relations qui ressemblent à celles de leurs parents. Ils essaient de corriger le scénario et y parviennent parfois, et parfois ils sont juste sans savoir comment et pourquoi ils répètent ce script, et particulièrement dans les situations de stress, les difficultés de mentalisation sont presque inévitables. Et si une mentalisation équilibrée ne peut être restaurée, cela peut alors devenir une partie d'un très cycle vicieux répétitif. Parce que nous savons qu'une émotion intense conduit à une perte temporaire de la capacité à penser aux pensées et aux sentiments des autres, et les siens aussi, dans n'importe quelle condition. Nous savons que cela inhibe également le contrôle réfléchi, mentalisé et que la mentalisation automatique entre en jeu, et nous faisons beaucoup d'hypothèses, des suppositions non réfléchies concernant soi-même et les autres. Donc souvent si une mentalisation équilibrée peut être restaurée, quand les gens sont dans ce ce genre d'état d'équilibre, il est difficile de blesser les gens parce qu'on les ressent de l'intérieur, à travers nos réponses empathiques. Et la violence intra-familiale est très souvent de nature impulsive, et parfois seuls les actes violents physiquement sont possibles si la mentalisation est temporairement inhibée ou décuplée, ou s'il y a un manque permanent ou perte de la capacité à mentaliser. >> Incroyablement utile Eia… Il semble que tu nous as dit quelque chose, qui est très complexe, en termes très lisibles. Il y a des sortes d'absences de mentalisation qui peuvent accélérer la violence, mais l'on peut aussi ne pas le mentaliser, pas seulement comme un état mais comme un script, comme des choses que nous avons observées, ou les scripts narratifs qui ont été transmis d'une génération à l'autre, Et en effet le travail que vous faites est vraiment d’essayer de trouver l'équilibre de la mentalisation dans une situation familiale stressante, pour qu'il soit plus difficile de réagir impulsivement en un sens pendant ces états ou ces scripts qui font en sorte d'induire en famille des comportements violents. C'est incroyablement utile. >> C'est un merveilleux résumé, beaucoup plus court que ce que j'ai dit, beaucoup plus concis de ce que j'ai dit, formidable, merci. >> Merci beaucoup pour ton temps, ce fut un plaisir de t’avoir avec nous et de pouvoir bénéficier de ton expérience et de ta sagesse dans ce domaine. Merci beaucoup pour ton enseignement et pour tout. >> Merci de m'avoir demandé de contribuer à ce projet. >> Très bien, prenez soin de toi. >> Toi aussi. >> Au revoir. [MUSIQUE]