[MUSIQUE] [MUSIQUE] On a le plaisir maintenant de s'entretenir avec le professeur Peter Fonagy, un cofondateur de la perspective basée sur la mentalisation, la thérapie basée sur la mentalisation, un clinicien, chercheur aussi qui a fait énormément de travaux au sujet de la mentalisation. Professeur Fonagy est le PDG du Centre Anna Freud, un centre national pour le soin des enfants et de leurs familles, est également un professeur de psychanalyse contemporaine a University College London. Il a beaucoup soutenu la création du réseau francophone pour les thérapies basées sur la mentalisation et c'est un vrai plaisir de l'avoir avec nous aujourd'hui. Salut Peter. Salut Martin. Comment vas-tu ? Je vais très bien, merci. C'est un plaisir de te voir pour discuter de la mentalisation. Dans ce cours, nous apprenons la définition de la mentalisation. Nous sommes intéressés à apprendre le concept. Tout d’abord j’aimerais te demander, en termes très simples, comment on définit la mentalisation ? C'est une question faussement simple, Martin. Mais laisse-moi essayer ma définition ou notre définition. C’est une activité imaginative que nous entreprenons sans y penser. C’est lorsque nous construisons des modèles mentaux si tu veux, ou développons des idées sur pourquoi une personne fait quelque chose. C'est l'interprétation des actions en termes de pensées, sentiments, croyances, souhaits, désirs, qui les sous-tendent. Nous faisons cela automatiquement. Nous confondons très rarement les gens avec les machines. Lorsque nous regardons une personne et que nous la voyons agir, nous imaginons qu’il pass quelque chose dans leur esprit qui explique leur comportement. Un terme que je pense être bon pour cela est l'intentionnalité. C'est une propriété de l'esprit, qui s’adresse à tous, qui au sujet de quelque chose qui est indépendant de lui-même. Une position intentionnelle est une position, selon Daniel Dennett, que nous développons lorsque nous traitons les uns les autres et aussi nous-mêmes comme des agents rationnels largement guidés par des croyances vraies, par des désirs bien ordonnés, en essayant de comprendre le passé, d'anticiper le futur, et aussi le comportement et les actions actuelles. Maintenant, si je peux juste dire une dernière chose, le terme opérationnel est : imaginatif. En fait, je ne peux pas voir tes pensées. Martin, j'aimerais bien mais je ne peux pas les voir, alors je dois les imaginer. Tu as indiqué que tu voulais m'interrompre et à partir de là , j'ai compris que je devais arrêter, mais ensuite j'ai pensé, eh bien non, je ne lui laisserai pas la possibilité. Je vais continuer et finir ce que ce que j'allais dire dans tous les cas. Donc Peter, est-ce que c'est comme un état d'esprit qui permet de prêter automatiquement attention aux esprits ? Est-ce que c'est une représentation exacte de la façon dont nous mentalisons ? C'est une hypothèse, que notre esprit est entouré par des esprits humains et que pour les comprendre, pour être lié à eux, pour être en relation avec eux, nous devons supposer qu'ils ont un esprit. Il s'agit probablement d'un changement qui s'est produit il y a quelque chose comme 100 000 ans, mais ça aurait pu être 150.000 ou 50.000 ans. Dans l'évolution, lorsque les êtres humains ont commencé à vivre ensemble dans des groupes plus importants, au-delà des 25 ou 30 sujets dans les groups de nos plus proches parents primates, alors nous avons commencé à vivre en groupes de 150, et nous avons commencé à survivre parce que nous pouvions être coopératifs. Nous avons besoin d'un mécanisme pour coordination de l'action, et cela doit supposer que nous sommes capables de penser à ce que quelqu'un d'autre pense. Mais de façon intéressante, quelque chose vient là dedans, parce que probablement le meilleur manière façon de penser à ce que quelqu'un d'autre pense est de penser à nous-mêmes. C'est la métacognition, penser à notre propre esprit, qui nous donne ensuite peut-être quelque chose comme un modèle de la façon dont quelqu'un d'autre pourrait penser. C'est vraiment le développement itératif de ce type de modèle mental basé sur ce que je je ressens à propos de moi-même, mais aussi sur comment cela m'aide de comprendre quelqu'un d'autre, qui à son tour, si je le comprends bien, m'aidera à mieux me comprendre moi-même. C'est intéressant et en t'écoutant, je me dis, ok, tu as mentionné le mot intentionnalité, donc il s'agit d'être connecté aux intentions, aussi, être capable de simuler ce que les autres pourraient être en train de penser, et cela nous aide à les comprendre, et aussi, c’est un point que tu as mentionné, cela nous aide à collaborer. Beaucoup de gens, Peter, ont dit, eh bien, c’est une définition très cognitive de la mentalisation. Mais est tout ce qu'il y a à savoir ? Quelle est la place pour les émotions ? Eh bien, étrangement Martin, elle est grande, car tout commence par l'émotion. Donc la première sorte de mentalisation se produit probablement en relation avec l'organisation des états émotionnels. Il s'agit de comprendre les émotions comme une catégorie particulière d'expérience subjective qui commence probablement ce processus à venir, et cela se produit dans une relation de miroir avec un « pourvoyeur de soins ». C’est quand le nourrisson montre cette émotion et qu'un pourvoyeur de soins, à travers un mécanisme biologique, ne peut s'empêcher de l’afficher sur son visage. Alors, l'enfant peut l’intérioriser pour l'aider à organiser une confusion bourdonnante d’expériences subjectives, qui sont associées à l'excitation émotionnelle, et ainsi atteindre un degré de régulation des émotions qui est probablement assez important pour la survie. Cette émotion est en fait au au cœur de la mentalisation. Elle se développe à partir de là , mais probablement qu'il reste au cœur et quand nous anticipons ton programme de cours dans le futur, quand nous pensons à aider les gens à développer leur mentalisation, nous commençons souvent par les aider comprendre et les aider à réguler leur émotion parce qu'ils sentent la valeur de cela, bien plus tôt qu'ils ne ressentent la valeur de quelque chose qui est purement cognitif. C'est vraiment utile de se souvenir vraiment qu'en fait le coup d'envoi commence avec l'émotion, avec des sentiments dans le corps on pourrait dire. Ensuite, au cours du développement, quand nous exprimons cela en tant que bébés et que nous recevons un retour et que nous commençons à apprendre à les traduire dans notre esprit. C'est de là que vient la mentalisation ? C'est cette sorte de logique ? Ce serait ça. Mais je pense que certainement les enfants se développent, ils comprennent la logique des souhaits, la logique des désirs avant de comprendre la logique des croyances et des pensées, qui vient plus tard. Donc les blocs de construction de la mentalisation sont émotionnels. Donc je ne suis pas du tout disposé à accepter la critique selon laquelle nous sommes excessivement cognitifs. Eh bien, je pense que tu as bien montré ça et je te remercie. Parce qu'en parlant avec toi, nous centrons vraiment la mentalisation sur deux notions importantes : une qui est l'imagination, sur quelque chose qui se produit assez automatiquement, et l’autre sur l'expérience émotionnelle comme l'élément constitutif de notre capacité à mentaliser. Merci beaucoup pour cela. Le professeur Fonagy nous a aidé à peut-être spécifier des points phares de la définition de la mentalisation. Le premier mot qui vient à l'esprit et duquel il nous a parlé c'est l'imagination, un processus imaginatif. Imaginer quoi? Imaginer notamment des états émotionnels, des intentions, des motivations, des croyances, ce qu'on appelle des états mentaux, et que ce processus-là , on le fait tout à fait automatiquement. Dans notre conversation, vous avez pu probablement remarqué comment Peter Fonagy s'ajustait finalement à quoi, sur la base des informations qu'il inférait de mon intention, est-ce que je voulais poser une autre question, est-ce que je voulais l'interrompre? Donc, on avait ici de la mentalisation en action, qui est un processus automatique et qui est un processus qui consiste à imaginer des états mentaux chez soi et chez autrui. Un autre point important qu'il a souligné c'est, on ne peut pas lire dans les esprits. C'est un processus inférentiel, c'est-à -dire qu'on imagine, on n'est jamais vraiment sûr de ça, d'accord? Donc, imagination, désintention pour comprendre autrui mais aussi pour se comprendre soi. Et la base de ça c'est les émotions. C'est que c'est à partir de notre expérience émotionnelle qu'on va communiquer justement ces états d'être, ces états de vécu, et que l'environnement va pouvoir les traduire, nous les renvoyer, et c'est sur ce processus-là développemental qu'on verra au cours de ce MOOC qu'on apprend à mentaliser, qu'on apprend à mettre des mots sur ces intentions, ces émotions, tant chez soi que chez autrui, [MUSIQUE]