[MUSIQUE] [MUSIQUE] Paco Prada, tu nous a présenté la mentalisation dans la vie quotidienne au module 4, et puis aujourd'hui on a un moment ensemble pour parler plus de ton rôle, toi, en tant que psychiatre, psychothérapeute aux hôpitaux universitaires de Genève où, avec Nader Perroud, vous avez traduit le manuel du traitement, vous avez aussi traduit le manuel de psycho-éducation, et puis vous avez offert finalement le premier programme de thérapie basée sur la mentalisation, pour des individus qui ont un trouble de la personnalité borderline. Donc c'est un plaisir de pouvoir m'entretenir avec toi sur le thème-là en particulier. On va commencer par la psycho-éducation, au fond, la psycho-éducation, c'est quoi? >> L'idée derrière la psycho-éducation c'est de changer un petit peu la manière de faire par rapport aux thérapies où un patient vient et découvre la thérapie sans avoir de notion préalable. L'idée, c'est que les participants qui arrivent au groupe viennent d'environnement et de backgrounds assez différents les uns des autres. On n'a pas tous les mêmes mots pour parler des émotions et des états mentaux, et du coup il faut qu'on ait une base de connaissances commune. On va construire ensemble ce qui va nous être utile pour la partie suivante de la thérapie, et puis c'est aussi une manière de leur signifier qu'est-ce qu'on a à l'esprit, de manière un peu plus claire et explicite que si on ne le partageait pas avec eux de cette manière-là . Donc le mot-clé, c'est peut être construire une compréhension de ce qui va se passer par la suite. >> OK, donc qu'ils aient un modèle commun tous entre eux mais aussi avec vous, c'est ça? >> Oui, aussi avec nous. >> Du coup comment ça se passe, comment est-ce que vous procédez dans ces séances de psycho- éducation? >> C'est assez structuré. On prend un thème par séance, un thème qu'on va développer, un peu à la manière d'un cours ou d'une petite leçon dans la première partie de la séance, et puis à partir de là on va proposer des exercices très pratiques sur des vignettes cliniques, faire réfléchir et travailler les participants à partir du thème et de la théorie énoncés sur ces vignettes-là . >> Donc les thèmes, c'est comme ce qu'on a fait dans le MOOC, c'est-à -dire la définition de la mentalisation, les émotions et la mentalisation, tout ça. >> Absolument, ça ressemble beaucoup à ce qui a été fait dans le MOOC, il y a des parties assez théoriques, il y en a d'autres plus pratiques, mais on peut tout à fait effectivement, parler. >> Et dans le choix de commencer avec ou sans psycho-éducation, finalement, est-ce qu'il y a une différence de commencer une psychothérapie avec ou sans psycho-éducation? >> Je pense que l'intérêt de commencer par la psycho-éducation c'est justement de ne pas laisser le participant dans cette espèce d'ignorance, de qu'est-ce qui va se passer. De ne pas le forcer à essayer de s'imaginer qu'est-ce qu'il y a dans l'esprit du thérapeute. On est très honnête, et on met en scène finalement la posture thérapeutique du thérapeute en mentalisation dans ce moment de psycho-éducation, posture qu'on va essayer de tenir par la suite. >> Par la suite, justement, il y a 12 séances de psycho-éducation, et puis après ça pour le reste des 18 mois du traitement, c'est une thérapie de groupe. Il y a une différence majeure entre la psycho-éducation et la thérapie de groupe basée sur la mentalisation? >> Il y a une différence majeure. On abandonne ce côté purement théorique qu'il y avait dans la première partie, la partie de psycho-éducation. on n'a pas cette structure de cours, par contre on fait travailler les participants, on leur demande de venir avec des situations qui les ont préoccupés, qui les ont affectés, et puis avec l'aide de tours de table on va essayer de mettre en commun les différentes situations pour en extraire les éléments qui seraient finalement partagés par les différentes situations. >> Donc toi, dans nos formations tu enseignes la partie sur le groupe et notamment la boucle mentalisante, identifier, nommer, mentaliser, considérer le changement. Est-ce que tu peux en dire un mot, comment est-ce que ça marche pour toi en tant que thérapeute, cette boucle de mentalisation? Comment est-ce que tu l'appliques, finalement? >> La première partie de ce que tu viens de nommer, identifier, nommer, c'est tout ce travail de mise en commun qui va permettre de faire émerger, et puis les participants vont, les uns pour les autres, faire ce travail-là , Identifier, c'est ça ce que tu as vécu là , peut-être, c'est que que j'ai vécu moi, est-ce que c'est la même chose pour toi? Donc c'est ce travail-là . >> Donc là on est déjà en train de les soutenir... >> À mettre en pratique cette première étape de la boucle dès le commencement. Ensuite on approfondit la situation choisie pour la déployer sous les différents aspects, les différentes facettes de la mentalisation. Ils le font chacun un bout, on va dire. C'est vraiment un travail commun. >> Au niveau de l'aspect de mentaliser de cette boucle-là . >> Voilà . C'est l'aspect de mentaliser avec finalement des bouts de mentalisation portés par différents participants. >> Du coup à ce moment-là , j'imagine qu'ils réalisent que sur une même situation, il y a plusieurs manières de la voir. >> Exactement, c'est ce qui va se passer. >> Et vous parlez seulement de ce qui se passe à l'extérieur ou vous parlez de ce qui se passe entre eux? >> Alors, on va parler de ce qui se passe à l'extérieur au début, et puis une fois que la dynamique est lancée, on va s'intéresser à ce qui se passe entre eux, des éléments très significatifs de ce qui se passe et que ça change leur perception qu'ils ont des autres participants, et on va souligner ça tout au long de cette thérapie. >> OK donc ils vont pouvoir commencer à [DIAPHONIE]. [DIAPHONIE] >> On souligne ça [INCOMPRÉHENSIBLE] de façon à ce qu'ils puissent aller le reproduire à l'extérieur. >> Et puis donc ça serait la troisième étape, aller le reproduire à l'extérieur? Tu vas considérer le changement, comment m'y prendre la prochaine fois que ça arrive? >> Exactement. >> Une engueulade avec mon chef... >> Le groupe existe pour eux, il existe aussi entre les séances. Ils vont se mettre à penser à ce groupe, à ce qu'ils vont amener la prochaine fois, ils vont se mettre à penser à ce qui a été dit la fois précédente, et puis de fil en aiguille comme ça, cette histoire de groupe va se déployer et ils vont l'utiliser comme un espace mental qui les accompagne aussi dans leur vie de tous les jours, avec parfois, finalement, quelque chose comme un appui qui renforce leur courage à aller affronter des situations qui leur semblent difficiles. >> Et donc si on avait à résumer à quoi ça sert, un groupe basé sur la mentalisation? >> C'est, comment dire, c'est vraiment un terrain d'essai, le lieu où peut appliquer ça de manière suffisemment sécurisée, on va dire, mais en même temps tellement réaliste, parce qu'on est là dans la pièce avec plusieurs personnes qui éprouvent la plupart du temps des difficultés à mentaliser donc tout se passe en direct. Et c'est pas, ça change de cette thérapie où vous n'êtes que face à des thérapeutes. >> Donc ce n'est pas seulement mentaliser avec un psy, c'est vraiment avec du vrai monde, quoi. >> Oui, et comme thérapeute on apprend aussi beaucoup, finalement, à peut-être se mettre dans le groupe pour aller éprouver ça avec eux. >> Merci beaucoup de nous donner ces clés de compréhension, à la fois sur la psycho-éducation et puis aussi sur la thérapie basée sur la mentalisation. Merci encore. >> Merci beaucoup à vous. [MUSIQUE] [MUSIQUE]